La vigueur du rouble, casse-tête inattendu pour les autorités russes - Plus Inter
01 Juillet 2022 - 04:09PM
Dow Jones News
Caitlin McCabe,
The Wall Street Journal
NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Après le premier défaut de paiement de
la dette internationale de la Russie en un siècle dans le contexte
d'une guerre acharnée contre l'Ukraine, on pourrait s'attendre à ce
que sa monnaie dégringole. Or la Russie a le problème exactement
inverse.
Le rouble russe a atteint son plus haut niveau par rapport au
dollar en quasiment sept ans - un revirement des plus inattendus
pour une devise qui, au début de l'année, s'est retrouvée en chute
libre après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Mercredi, le
rouble marquait une hausse de 41% par rapport au dollar pour cette
année, ce qui en fait la meilleure performance face au billet vert,
selon une analyse de 56 monnaies de Dow Jones Market Data.
Mais cette force a un coût. Un rouble fort menace de frapper le
budget de la Russie en réduisant la valeur des recettes fiscales
libellées en dollars du pétrole et du gaz.
Le rouble "est vraiment trop fort pour la Russie en ce moment",
explique Liam Peach, économiste spécialiste des marchés émergents
chez Capital Economics, selon qui, avec un rouble près de deux fois
plus fort qu'il y a trois mois, la Russie perçoit aujourd'hui
environ deux fois moins de recettes fiscales issues du gaz et du
pétrole. Les dirigeants économiques "sont probablement très
inquiets des dégâts que cela est susceptible de continuer à
provoquer dans les finances publiques."
Mercredi, le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a
dévoilé une nouvelle idée pour brider la hausse du rouble : acheter
la monnaie de pays dits "amicaux" pour contribuer à influencer le
taux de change du rouble par rapport au dollar et à l'euro.
Une politique monétaire bridée par les sanctions
Les sanctions occidentales mises en place contre la Russie
empêchant la banque centrale d'intervenir de façon classique sur le
marché des changes, la proposition de Anton Silouanov est la
dernière tentative en date de stabilisation du rouble tandis que le
pays est aux prises avec les effets de sa guerre en Ukraine.
"Le problème, c'est que la Russie ne peut pas simplement vendre des
roubles et acheter des dollars - il y a des sanctions sur les
avoirs et les transactions de la banque centrale russe, précise
Liam Peach. "Je pense que c'est ce qui explique ce qu'ils sont en
train d'essayer de faire avec les devises amicales."
Il y a quatre mois, la Russie devait affronter un problème bien
différent : sa monnaie était trop faible. Fin février, le rouble
s'est effondré au lendemain de l'invasion de l'Ukraine. Les
responsables russes ont été forcés de mettre en place en toute hâte
des contrôles de capitaux pour tenter de soutenir la monnaie
nationale.
En février et mars, Moscou a pris des mesures radicales. La banque
centrale a limité le montant des retraits en dollars que les Russes
pouvaient réaliser à partir de leurs comptes bancaires en devises.
Dans un premier temps, Moscou a demandé aux entreprises d'échanger
80% de leurs recettes en devises contre des roubles. Et le pays a
doublé son taux d'intérêt directeur pour le faire passer à 20%, ce
qui revenait à récompenser les détenteurs de roubles.
La stratégie du contrôle des capitaux a fonctionné et fait grimper
le rouble. Dans le même temps, les exportations russes de
marchandises, dynamisées par la hausse des prix, ont donné une
impulsion supplémentaire à la monnaie. A son plus bas, pendant la
guerre, début mars, le rouble a atteint un record intrajournalier
de 158 roubles pour un dollar, selon les données de Tullett Prebon.
Mercredi dernier, il s'échangeait autour de 53 roubles pour un
dollar.
Mais ces derniers mois, la Russie a entrepris des démarches visant
à affaiblir sa monnaie, notamment en relâchant les contrôles sur
les capitaux et en réduisant le taux directeur du pays, des mesures
qui n'ont pas encore porté leurs fruits.
A présent, la Russie envisage d'utiliser les revenus excédentaires
du pétrole et du gaz pour acheter des monnaies de pays "amicaux"
afin de tenter d'influencer le taux de change du rouble par rapport
au dollar et à l'euro. S'exprimant lors d'une réunion de l'Union
russe des industriels et des entrepreneurs, un groupe de lobbying
russe, Anton Silouanov a annoncé que le ministère des Finances
évoquerait l'idée avec le bloc économique du gouvernement.
Anton Silouanov n'a pas spécifié quelles devises la Russie serait
susceptible d'acheter. Le rouble a réduit ses gains avant de
redescendre lors des échanges offshore mercredi après
l'intervention de Anton Silouanov, avant de se reprendre plus tard
pendant la séance. Il vient d'augmenter de nouveau, affichant une
hausse de 1,4% face au dollar.
-Caitlin McCabe, The Wall Street Journal
(Version française Bérengère Viennot) ed: ECH
Agefi-Dow Jones The financial newswire
(END) Dow Jones Newswires
July 01, 2022 09:49 ET (13:49 GMT)
Copyright (c) 2022 L'AGEFI SA