PARIS (Agefi-Dow Jones)--Si en début d'année, la saison des
assemblées générales 2017 s'annonçait particulièrement tendue, avec
des conflits attendus sur le front des rémunérations,
l'intervention d'activistes ou des OPA, "il ne s'est finalement
rien passé", constate Bénédicte Hautefort, éditrice de L'Hebdo des
AG.
Sur les 106 assemblées du SBF 120 déjà tenues, plus de 90% des
résolutions ont été adoptées très largement. Un quorum élevé (65%
dans le CAC 40 et 78% dans le Next 80) vient valider ces résultats.
Seules 21 résolutions ont été rejetées cette année, contre 42 en
2015, note L'Hebdo des AG. Sans doute l'effet des droits de vote
double, dont dispose 70% du CAC 40 et 74% du Next 80. Un effet de
la loi Florange qui ne convainc toujours pas.
"Nous sommes sensibles au respect du principe une action-une voix,
et dans ce cadre, nous avons co-déposé la résolution portée par
PhiTrust chez Accor, qui a obtenu le soutien de plus de 52% des
actionnaires", explique Jean-Philippe Desmartin, directeur de
l'investissement responsable chez Edmond de Rothschild Asset
Management. "Au droit de vote double, nous préférons des solutions
pour récompenser les investisseurs de long terme, comme le
dividende majoré ou la distribution d'actions gratuites".
Parmi les rejets, cinq résolutions concernent les conventions
réglementées intra-groupe (contre deux en 2016). "C'est une manière
pour les actionnaires de manifester leur mécontentement", souligne
Bénédicte Hautefort. "Un sujet à regarder de près par les
conseils."
Les actionnaires se projettent de plus en plus dans l'avenir
"Ces dernières années, les sociétés du CAC 40 parlaient de
conjoncture de crise, d'évolution, de transformation, elles
évoquent maintenant une 'révolution', qu'elle soit digitale,
énergétique, alimentaire, de mobilité, etc.", constate Caroline de
La Marnierre, présidente fondatrice de Capitalcom. "Les dirigeants
ont pris conscience de l'urgence de faire évoluer leur business
model pour répondre aux attentes de la société civile."
D'ailleurs, les actionnaires se projettent de plus en plus dans
l'avenir. Cette année, 27% de leurs questions (contre 21% en 2016)
concernaient la stratégie et les perspectives à moyen terme, relève
Capitalcom. Signe de l'évolution en cours, "un tiers des
entreprises ont abordé leur politique de risques de manière
stratégique et non réglementaire, comme dans le passé", ajoute
Caroline de la Marnierre.
Pour L'Hebdo des AG, la montée en puissance des attentes non
financières, constitue le point fort de la saison 2017. Notamment
en matière de rémunération des dirigeants, où "les entreprises sont
désormais plus attentive aux enjeux d'équité, d'image et
d'acceptabilité sociale", explique Bénédicte Hautefort. "Des
dimensions qui ne sont en revanche pas encore intégrées par les
investisseurs et par les proxys".
Les ONG haussent le ton
Du côté du say on pay, pas de fronde actionnariale, avec des taux
d'approbation en ligne avec ceux de l'an dernier (89% sur la
politique de rémunération et sur le say on pay). Seuls huit
résolutions say on pay et six politiques ont été approuvées à moins
de 60%, constate L'Hebdo des AG. Mais pas de rejet hormis celui
d'Elior. En cas de vote majoritairement négatif sur le say on pay,
"a minima le président du comité des rémunérations devrait partir,
voire tous ses membres", estime Jean-Philippe Desmartin.
Les conseils évoluent. Ils ont dépassé l'objectif fixé par la loi,
avec désormais 44% de femmes dans le CAC 40 et 41% dans le Next 80.
Une évolution qui s'est faite sans difficultés, notamment sans
réduire la taille des conseils, qui comptent en moyenne 12 à 13
membres. Parallèlement, le taux d'internationalisation progresse
pour atteindre 34% dans le CAC 40 et 25% dans le Next 80. Même si
la faiblesse des jetons de présence, 28.000 euros en moyenne
annuelle dans le SBF 120 (hors comités) constitue un frein pour
attirer les étrangers.
Autres bonnes nouvelles, les conseils ne vieillissent pas, avec un
âge moyen de 60 ans dans le CAC 40 et 58 ans dans le Next 80, et
l'ère des "cumulards" appartient au passé, avec en moyenne 1,1
mandat par administrateur dans le CAC 40 et dans le Next 80. Signe
du changement, le CAC compte 30% de nouveaux administrateurs, et le
Next 80 50%. "De plus en plus de PDG ou DG siègent comme
administrateur dans un autre groupe du CAC 40", relève Bénédicte
Hautefort. "Une pratique bien perçue par les investisseurs."
Une "approche opérationnelle et collective" des administrateurs
Autre nouvelle tendance de fond, "le CAC 40 adopte une approche
opérationnelle et collective des administrateurs", poursuit
Caroline de La Marnierre. "Les sociétés ne regardent plus tant le
profil individuel des membres du conseil que la complémentarité de
leurs compétences au regard de la stratégie de l'entreprise". Un
équilibre plus ou moins facile à trouver. "Nous serons vigilants
sur le fonctionnement du nouveau conseil d'Essilor-Luxottica, qui
mixe des Français et des Italiens avec des cultures d'entreprise
différentes", ajoute Jean-Philippe Desmartin. "Le conseil doit
aussi représenter les intérêts des minoritaires. Dans cette
optique, nous sommes perplexes quant au choix de Nicolas Sarkozy
chez Accor."
Le conseil a notamment pour autre défi d'anticiper la succession
des dirigeants. "Nous privilégions la promotion interne", précise
Jean-Philippe Desmartin. "Toutefois, le DG sortant doit quitter la
société et ne pas devenir président non exécutif, au risque de
continuer à influencer, voir co-diriger le groupe. C'est un risque
chez Publicis…"
La RSE devient le "parent pauvre" des AG
Cette année, seules les ONG - Greenpeace, Les Amis de la Terre,
Shareaction - ont donné de la voix, intervenant de manière plus
agressive et plus organisée, sans vraiment se faire entendre.
L'Hebdo des AG estime que la RSE devient le "parent pauvre" des AG,
avec seulement trois minutes consacrées en AG. Toutefois, "depuis
deux ans, les sociétés ne dissocient plus le financier de
l'extra-financier, désormais étroitement imbriqués", ajoute
Caroline de La Marnierre. "D'ailleurs, la moitié du CAC 40 a
spontanément évoqué le changement climatique dans la présentation
de sa stratégie."
Bien que la disruption soit souvent évoquée par les entreprises,
seules cinq sociétés du SBF 120 ont présenté spécifiquement leur
stratégie sur le digital. L'Hebdo des AG estime que les entreprises
ne sont pas en retard, mais peu pédagogues. En revanche,
investisseurs et analystes semblent encore faiblement concernés,
posant peu de questions en roadshows. "Ils se comportent comme
s'ils étaient myopes à toute information qui remettrait en cause
ces modèles", conclut L'Hebdo des AG.
-Bruno de Roulhac, L'Agefi. ed: ECH
L'Agefi est propriétaire de l'agence Agefi-Dow Jones
(END) Dow Jones Newswires
June 19, 2017 04:10 ET (08:10 GMT)
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