ArcelorMittal doit donner des gages au marché sur la suite de son aventure italienne - DJ Plus
05 Novembre 2019 - 4:32PM
Dow Jones News
Alice Doré,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Sur le papier, le rachat de la plus grosse
aciérie d'Europe constituait un pari avisé pour ArcelorMittal. Mais
depuis que le groupe a déclaré forfait lundi, le marché applaudit.
Le sidérurgiste avait toujours peiné à convaincre les investisseurs
de l'intérêt financier de cette acquisition coûteuse.
Le titre ArcelorMittal s'adjugeait 2,3% mardi après-midi, après
avoir déjà gagné 3,9% la veille.
ArcelorMittal avait été retenu en juin 2017 pour reprendre le
sidérurgiste italien Ilva, nationalisé en 2015 en raison de ses
difficultés financières. L'accord signé avec les autorités
italiennes comportait un prix d'achat de 1,8 milliard d'euros et
une enveloppe d'investissements de 2,4 milliards d'euros, dont 1,1
milliard à consacrer à la mise en conformité environnementale des
activités. Au terme d'un long processus de négociations avec les
syndicats et de cessions d'actifs exigées par la Commission
européenne, ArcelorMittal avait pris le contrôle d'Ilva en novembre
2018, dans le cadre d'un accord de "leasing".
Le principal atout d'Ilva était de permettre à ArcelorMittal
d'entrer sur le marché italien, le deuxième plus gros consommateur
d'acier en Europe, par le biais de son aciérie, située à Tarente
dans le sud de l'Italie. La situation géographique de Tarente,
important port du sud de la péninsule, offrait un accès maritime
privilégié pour l'importation des matières premières.
En amont de l'acquisition, l'Etat italien avait offert des
garanties juridiques exonérant le repreneur d'Ilva de
responsabilités pénales en cas de poursuites liées à la pollution
préalablement engendrée par le site. Le retrait de cette
protection, effectif depuis le 3 novembre, a poussé ArcelorMittal à
exercer une clause permettant de dénoncer le contrat pendant la
période initiale de location du site.
Ces garanties juridiques étaient "une condition préalable
essentielle" sans laquelle ArcelorMittal "n'aurait pas participé au
processus d'appel d'offres et n'aurait pas signé l'accord", a
expliqué un porte-parole du sidérurgiste à l'agence Agefi-Dow
Jones.
Rome, entre "inflexibilité" et compromis
Rome, qui refuse la fermeture du site, tente depuis de sauver
l'accord. Selon l'AFP, le chef du gouvernement italien, Giuseppe
Conte, se veut "inflexible" et veut contraindre le groupe à
respecter ses "engagements contractuels". Le responsable politique
doit rencontrer des dirigeants d'ArcelorMittal mercredi. De son
côté, le secrétaire national du Parti démocrate, Nicola Zingaretti,
a indiqué sur Facebook que son groupe politique, l'une des deux
formations de la coalition au pouvoir en Italie, tentera de rendre
à ArcelorMittal sa garantie juridique par la voie parlementaire.
Autant d'informations que le sidérurgiste n'a pas souhaité
commenter.
Dans son communiqué publié lundi, ArcelorMittal semblait prêt à
tirer un trait définitif sur sa production italienne, dont les
objectifs avaient été significativement abaissés en raison de la
détérioration des conditions de marché en Europe au cours des deux
dernières années.
Dans un contexte de surcapacités, avec une offre abondante pour une
demande européenne en déclin, le projet de redressement d'Ilva
devenait de plus en plus précaire. L'instabilité réglementaire en
Italie permettrait donc à ArcelorMittal de "sortir par la petite
porte" d'une acquisition coûteuse et risquée, estimaient les
analystes d'Octo Finances, avant les dernières déclarations des
responsables politiques italiens mardi après-midi.
"ArcelorMittal aura payé son aventure italienne au prix fort",
commentait de son côté Oddo BHF. Ses analystes estiment que le
retrait d'Ilva aurait un effet positif de 1 euro sur la
valorisation du titre ArcelorMittal, pour lequel ils ont relevé
leur objectif de cours à 14 euros mardi matin.
Sortie ou pas, l'aventure italienne d'ArcelorMittal promet d'être
coûteuse. "Les coûts encourus jusqu'à présent sur Ilva devraient
atteindre 1,2 milliard de dollars d'ici fin 2019", dont une perte
annualisée de 600 millions de dollars au niveau du résultat brut
d'exploitation (Ebitda), calcule Oddo.
ArcelorMittal publiera jeudi ses résultats du troisième trimestre.
L'occasion pour le groupe de tirer les conséquences financières de
sa sortie - éventuelle - d'Ilva. Dans un contexte de conditions de
marché déprimées, la réallocation du capital pourrait être la clef
pour que le titre comble l'écart de cinq euros entre son cours
actuel et l'objectif moyen des analystes d'environ 20 euros. Le
groupe devra impérativement commenter les déclarations des
dirigeants italiens pour clarifier une situation à ce jour
instable.
-Alice Doré, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 90; adore@agefi.fr
ed: ECH
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