Dimitri Delmond,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Dans la galaxie Renault, Ampere contre-attaque. Mercredi, le constructeur automobile a enthousiasmé le marché en dévoilant une feuille de route qualifiée de "claire" et "ambitieuse" par Oddo BHF pour son entité dédiée aux véhicules électriques et aux logiciels. Ampere, dont le détourage de Renault a été réalisé avec succès le 1er novembre dernier, compte devenir le principal challenger de Tesla et des constructeurs automobiles chinois sur le marché européen des véhicules électriques. Vers 15h45, le titre Renault progressait de 1,9%, à 35,66 euros, tandis que l'indice CAC 40 avançait de 0,3%.



Pour satisfaire son ambition, Ampere compte vendre environ 1 million de véhicules électriques en 2031 et ainsi faire passer son chiffre d'affaires de 2,8 milliards d'euros en 2023 à plus de 10 milliards d'euros en 2025, puis à plus de 25 milliards d'euros dans huit ans. En 2025, la gamme d'Ampere sera constituée de quatre véhicules - Scenic E-Tech, Renault 5, Renault 4 et une réinvention de la Twingo - puis sera enrichie de trois modèles d'ici à 2031.



Ampere, qui emploie 11.000 personnes, dont 35% d'ingénieurs, a aussi pour objectif d'être à l'équilibre en matière de marge opérationnelle et de flux de trésorerie disponible en 2025, avant d'atteindre une marge opérationnelle de 10% à partir de 2030. Alors que sa consommation cumulée de trésorerie devrait s'élever, au maximum, à 1,5 milliard d'euros sur la période couvrant l'année 2024 et le premier semestre de 2025, Ampere compte convertir 80% de sa marge opérationnelle en flux de trésorerie disponible en 2031.



"Au-delà de ces objectifs chiffrés, rassurants, Renault se veut toutefois déroutant avec la réitération de sa volonté ferme de conduire l'introduction en Bourse d'Ampere", nuance un analyste, basé à Paris. L'industriel a effectivement confirmé mercredi son projet d'introduire Ampere en Bourse au premier semestre de l'année prochaine, "sous réserve de conditions de marché favorables". Bon nombre d'investisseurs s'interrogent cependant sur le potentiel de création de valeur d'une telle opération financière pour les actionnaires de Renault.



Pour les grands constructeurs automobiles mondiaux, il reste encore à prouver qu'isoler les activités liées à la mobilité électrique présente un quelconque intérêt en matière de création de valeur, observe Stifel. Aux côtés de Renault, seul Ford s'est risqué à réunir toutes ses initiatives dans le domaine au sein d'une division autonome, baptisée Ford Model e. Sans grand effet sur ses équilibres financiers ni sur ses ratios boursiers pour le moment. En outre, Volkswagen et Volvo n'ont pas débloqué de valeur significative après avoir respectivement mis en Bourse Porsche et Polestar l'an passé.



La demande pour les véhicules électriques déçoit



Du côté de Renault, l'intérêt d'une cotation d'Ampere semble tenir en un mot : dividendes. "L'introduction en Bourse d'Ampere permettra d'obtenir rapidement des liquidités afin d'accélérer le développement de la structure et qu'elle puisse verser des dividendes à Renault plus rapidement", a indiqué Luca de Meo, le directeur général du groupe au losange, lors d'une conférence avec des journalistes.



En supposant qu'Ampere atteigne bien l'équilibre opérationnel en 2025, la question du versement d'un dividende ne se posera pas avant la clôture des comptes de l'exercice 2026, pour un premier versement éventuel en 2027. Cet horizon est bien trop lointain pour convaincre la communauté financière d'adhérer totalement au projet. Le point d'inflexion de la performance financière d'Ampere se situe entre 2025 et 2030, période pour laquelle la visibilité reste faible, remarque UBS. Les objectifs fixés pour 2030 dépendent fortement de facteurs externes, sur lesquels l'entreprise a un contrôle limité, tels que le prix des batteries et l'évolution du paysage concurrentiel, complète le courtier suisse.



Ces craintes subsistent alors même que les conditions du succès d'une introduction en Bourse sont loin d'être réunies pour Ampere. "Rien ne dit que les attentes de Renault en matière de valorisation rejoindront celles du marché", glisse un gérant spécialiste du secteur automobile, rappelant que le marché européen des véhicules électriques n'est pas épargné par les turbulences. "Le contexte pour une mise en Bourse apparaît moins favorable qu'il y a un an alors que les aides gouvernementales à l'achat de véhicules propres tendent à diminuer ou à disparaitre sur le continent et que les craintes d'une déferlante de modèles bon marché fabriqués par les constructeurs chinois augmentent", ajoute-t-il.



Les dernières publications financières des grands constructeurs automobiles ont aussi assombri le tableau d'un segment dont la dynamique de croissance était jusque-là perçue comme inébranlable par certains observateurs. En raison d'une baisse de la demande pour les véhicules électriques, Ford a annoncé le mois dernier reporter un investissement de 12 milliards de dollars initialement prévu pour notamment développer son outil industriel dédié à la fabrication de batteries. Toyota comme General Motors ont abaissé leurs prévisions de ventes unitaires de voitures propres pour les mois à venir, tandis que Volkswagen a interrompu la production de certains de ses modèles électriques en Allemagne et que Tesla lève le pied sur son projet d'usine au Mexique.



Dans ce contexte, la juste valorisation d'Ampere est vivement débattue. En utilisant toute une série de méthodes d'évaluation, UBS valorise l'entreprise entre 3 milliards et 4 milliards d'euros, alors que Renault l'estime à environ le double, selon plusieurs sources proches du dossier.



"Nous ne braderons pas Ampere" et Renault n'introduira la société en Bourse "que si la valorisation que nous pensons en obtenir pour s'avère relativement certaine", a souligné Thierry Piéton, le directeur financier de l'industriel. "Le groupe Renault génère plus de trésorerie opérationnelle qu'il n'en a jamais généré en rythme annuel et dispose donc des ressources pour financer Ampere si les conditions pour son introduction en Bourse étaient défavorables", a-t-il poursuivi.



Malgré les interrogations et les inquiétudes du marché, les dirigeants de Renault sont persuadés que les planètes finiront par s'aligner pour une introduction en Bourse réussie d'Ampere au printemps prochain. Et si ce n'est pas le cas, les deux parties se rassurent probablement aujourd'hui en se disant que des sources de financement alternatives existent.



-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: VLV



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November 15, 2023 09:48 ET (14:48 GMT)




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