La reprise de 5,5% du capital d'Ingenico (ING.FR) par la Banque Publique d'Investissement a de quoi laisser un goût amer à ses autres actionnaires, et d'une manière plus générale aux investisseurs, parce qu'elle sape la dimension spéculative du fournisseur de terminaux et de solutions de paiement électronique.



Ingenico restera dans le giron de l'Etat. Plutôt que de céder le solde de ses parts dans le groupe au plus offrant, l'équipementier aéronautique Safran (SAF.FR) a vendu 5,5% d'Ingenico au fonds souverain français, la BPI. Safran, dont l'Etat est le premier actionnaire, avait hérité de 23,6% d'Ingenico en 2008, mais avait depuis vendu le gros de ses parts dans le groupe. Avant la vente de 5,5% d'Ingenico à la BPI, il n'en détenait plus que 9,1%.



Un signal boursier



Ingenico n'est pas à vendre, peuvent en déduire les investisseurs. En tout cas pas à une entreprise étrangère, ou non-européenne. En 2010, le ministre de l'Industrie Eric Besson s'était ouvertement opposé à une vente du groupe à l'américain Danaher en raison de son caractère "stratégique", tuant dans l'oeuf une offre qui n'avait même pas été rendue officielle. "L'Etat français a trouvé une manière de contenter Safran, désireux de sortir, tout en conservant un certain pouvoir au sein d'un actif français stratégique", a estimé Invest Securities.



Certes, la participation de l'Etat dans Ingenico peut paraître trop modeste pour contrer à elle seule un raid hostile sur le capital du groupe. Elle n'en constitue pas moins un signal, aussi bien pour d'éventuels prédateurs que pour les autres actionnaires d'Ingenico. Même si elle peut paraître modeste, la participation de 5,5% de la PBI dans Ingenico suffira à en faire le premier actionnaire du groupe.



Des fondamentaux solides, une valorisation élevée



Pour envisager un placement dans Ingenico, les investisseurs devront donc faire abstraction de sa dimension spéculative et se concentrer sur ses fondamentaux. Heureusement, ces derniers paraissent attractifs. Doté d'une stratégie claire et d'un management qui a fait ses preuves, Ingenico profite de courants porteurs, comme l'adoption de la carte à puce aux Etats-Unis et en Chine, ou encore l'essor du commerce électronique. La quasi-totalité des analystes couvrant la valeur sont positifs sur le titre, avec un objectif de cours moyen de 120 euros.



Il n'empêche qu'à court terme, la vente des parts de Safran dans Ingenico constitue un signal plutôt négatif, parce qu'elle souligne sa valorisation relativement élevée. La cession du bloc de 5,5% d'Ingenico s'est d'ailleurs faite à un prix sensiblement inférieur à ses derniers cours : 109 euros par action, contre 117,25 euros mardi soir. Le titre pourrait rester sous pression à court terme. Safran a d'ores et déjà prévenu de la vente des 3,6% qu'il conserve dans le capital. Signe des doutes du marché, l'action Ingenico cédait 1,5% à 115,50 euros mardi vers 16h30.



Des points de vue différents



Mis à part la présence de l'Etat au capital du groupe, rien ne contrariait réellement la dimension spéculative d'Ingenico. Le capital du groupe est éclaté et ses principaux actionnaires sont des investisseurs institutionnels. Du point de vue de l'Etat, le maintien d'une participation dans Ingenico permettra d'éviter à la France de perdre un de ses fleurons technologiques. Mais du point de vue de ses autres actionnaires, le titre vient de perdre un précieux soutien boursier.



- Ambroise Ecorcheville, Dow Jones Newswires; 33 (0)1 40 17 17 71; ambroise.ecorcheville@wsj.com (ed/EC)