L'exposition géographique d'Elior complique sa lutte face à l'inflation - Market Blog
18 Mai 2022 - 1:47PM
Dow Jones News
Par Julien Marion
PARIS (Agefi-Dow Jones)--La publication semestrielle d'Elior laisse
un goût amer à ses actionnaires. Le titre du spécialiste de la
restauration collective perd 3,5% mercredi en début d'après-midi
après avoir plongé de près de 14% en début de séance, le marché
sanctionnant les nouvelles perspectives du groupe tant pour
l'exercice en cours qu'à moyen terme.
Les objectifs de rentabilité retiennent particulièrement
l'attention. Pour l'exercice actuel, clos en septembre prochain,
Elior prévoit un résultat opérationnel courant retraité - Ebita
ajusté - autour de l'équilibre, en excluant les pertes de Preferred
Meals, estimées à 35 millions d'euros. Le groupe a décidé de mettre
fin à cette activité de distribution et de production de plats
préparés, frais et surgelés aux Etats-Unis, en perte chronique et
trop éloignée de son coeur de métier. Les analystes attendaient en
moyenne un Ebita ajusté positif pour l'ensemble de l'exercice
2021-2022.
Autre déception : Elior a abaissé son objectif de marge d'Ebita
ajusté à moyen terme, tablant sur 4% pour l'exercice clos en
septembre 2024, contre 4,6% précédemment. Le directeur général par
interim, Bernard Gault, qui a pris les rênes du groupe après la
démission inattendue de Philippe Guillemot début mars, a déclaré
aux analystes que cette nouvelle cible prenait en compte les effets
d'un environnement inflationniste durable.
Des contrats moins flexibles
Ces nouvelles perspectives illustrent l'ampleur du grand défi
d'Elior : maîtriser au mieux la hausse des prix en la répercutant
le plus possible à ses clients. Avec l'éclaircissement de la
situation sanitaire et le contexte actuel de forte inflation,
l'attention du marché dans le secteur de la restauration collective
s'est déplacée du redressement des volumes vers les marges.
"Il va être très compliqué pour eux de faire accepter aux clients
les hausses de prix extrêmement fortes", considère Bruno de la
Rochebrochard, analyste au sein de Bryan Garnier & Co.
Le mix d'Elior en termes de pays ne lui facilite guère la tâche.
"Leur exposition géographique ne coche aucune bonne case", indique
un analyste parisien. Selon Stifel, la part des contrats dits
"cost+", où la répercussion des hausses de coûts aux clients est
quasiment automatique, s'inscrit à environ 8% chez Elior, contre
près de 50% pour le britannique Compass. Cela tient au fait que la
société compte la France, l'Espagne ou l'Italie parmi ses
principaux marchés, des pays où les contrats les plus flexibles
sont presque inexistants au contraire du Royaume-Uni et des
Etats-Unis. L'entreprise doit donc mener d'importantes négociations
avec la très grande majorité de sa clientèle.
Elior possède également une part élevée de contrats avec le secteur
public - autour de 40% de son chiffre d'affaires - qui sont plus
difficiles à négocier qu'avec le privé, a rappelé Bernard Gault.
"Leurs marges de manoeuvre s'avèrent extrêmement limitées",
considère un analyste basé à Paris.
"Elior présente en plus un nombre important de contrats avec des
marges fortement négatives", ajoute un un autre intermédiaire
financier. Le groupe a indiqué mercredi qu'il n'excluait pas de
mettre fin à des contrats qui ne lui permettraient pas de
"retrouver un niveau de rentabilité opérationnelle
satisfaisant".
Une situation financière tendue
"Elior est bien plus exposé que Sodexo et Compass à l'Europe, une
région où les taux de rétention sont plus faibles. En termes de
marge, l'absence de centrale d'achat pénalise également le groupe
par rapport à ces principaux concurrents", complète Bruno de la
Rochebrochard.
Ces difficultés jettent le doute sur la capacité d'Elior à générer
suffisamment de trésorerie cette année pour permettre son
désendettement. Le groupe a annoncé mercredi avoir obtenu une
prolongation de son "covenant holiday", c'est-à-dire un sursis de
ses engagements financiers auprès de ses créanciers. Les prochains
tests auront lieu en 2023 : la dette nette du groupe devra être
inférieure à 7,5 fois son excédent brut d'exploitation (Ebitda) à
fin mars puis à 4,5 fois à fin septembre. "La situation financière
du groupe est tendue et le respect des covenants l'an prochain
n'est pas assuré", prévient Bruno de la Rochebrochard.
Elior devrait bientôt mettre fin à la recherche de son nouveau
directeur général. Bernard Gault a expliqué que le groupe avait
retenu deux candidats et devrait faire son choix dans quelques
semaines. Mais la visibilité sur l'action demeure faible. Si le
titre apparaît bon marché par rapport à ses comparables boursiers,
les investisseurs risquent de lui préférer Compass, qui a présenté
des résultats semestriels de haute volée la semaine dernière. Selon
FactSet, quasiment aucun analyste (7%) ne recommande d'acheter
l'action Elior, contre 50% pour celle du groupe britannique.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: VLV
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