Ingenico suscite l'intérêt mais la spéculation mérite d'être relativisée - DJ Plus
11 Octobre 2018 - 5:26PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Alors que les marchés européens sont dans
l'hésitation ce jeudi, Ingenico se distingue avec une hausse de 6%,
la plus forte du SBF 120. Comme souvent, le titre du spécialiste
des terminaux et de solutions de paiement est porté par son
caractère spéculatif. Natixis a confirmé son intérêt d'un
rapprochement industriel de ses activités de paiement avec celles
d' Ingenico, qui de son côté a expliqué "avoir fait l'objet
d'approches préliminaires en vu d'une opération stratégique". Si
une alliance entre les deux groupes ferait sens, les actionnaires
d'Ingenico ne doivent pas nourrir trop d'espoir. Car rien n'indique
que leur association passe par un mariage en bonne et due
forme.
Sur le papier, Ingenico paraît une cible idéale pour Natixis. La
filiale du groupe Banque Populaire Caisse d'Epargne (BPCE) n'a
jamais caché ses ambitions dans les paiements et compte multiplier
par 1,5 ses revenus dans ce métier d'ici à 2020 via sa filiale
Natixis Payment Solutions. "Dans le marché des paiements, qui est
une industrie à coûts essentiellement fixes, il faut être gros pour
dégager du levier opérationnel. Le rapprochement fait donc sens
stratégiquement car Natixis Payments changerait clairement de
taille et deviendrait un 'pure-player' avec une forte part de
marché en Europe", explique Richard-Maxime Beaudoux, analyste chez
Bryan Garnier.
Natixis présente aussi l'avantage d'être français ce qui éviterait
un blocage de l'Etat, qui possède indirectement un peu plus de 5%
du capital via la Banque publique d'investissement et 9% des droits
de vote.
Un rachat peu plausible
Sauf que, selon nos sources, Natixis ne souhaiterait pas acquérir
le groupe de paiements mais regrouper ses activités avec celles
d'Ingenico, via par exemple un apport d'actifs ou encore la
création d'une coentreprise. Le spécialiste des paiements a
récemment eu recours à cette solution pour rapprocher certains de
ses métiers en Allemagne avec BS Payone, une filiale de la
Sparkassen-Finanzgruppe. L'accord ne comprenait aucune composante
numéraire.
Si le rapprochement avec Natixis prenait cette dernière forme, le
marché aurait alors de quoi être déçu. "On risque de se retrouver
avec un conglomérat de participations minoritaires ce qui n'est
jamais très bien valorisé", explique Maxime Dubreil d'Invest
Securities.
Dans tous les cas, Natixis manque actuellement d'assise financière
pour racheter Ingenico. Selon Maxime Dubreil, il faudrait que la
banque propose une prime qui valoriserait Ingenico à au moins 80
euros par action pour que celle-ci soit suffisamment intéressante.
Natixis ne peut aller aussi loin. L'établissement compte boucler la
cession de ses activités d'affacturage, de cautions &
garanties, de crédit-bail, de crédit à la consommation et de titres
à la fin du premier trimestre 2019. Cette opération lui apportera
un levier financier supplémentaire de 1,5 milliard d'euros, portant
ses moyens à 2,1 milliards. Or Ingenico vaut, au cours actuel et au
bas mot 4 milliards d'euros hors dette et 5,5 milliards d'euros
dette comprise.
La piste Edenred
Certes, Natixis n'est pas seul. Selon l'Agefi, parmi "les
approches" dont Ingenico a fait l'objet figure l'émetteur de
services prépayés Edenred qui, pour sa part, ne commente pas les
rumeurs. Même si ce potentiel prédateur se révélait au grand jour,
rien n'indique que ses avances porteraient sur un rachat pur et
simple. "Ce dossier me paraît compliqué, au vu de la valorisation
d'Ingenico il est difficile pour eux (Edenred, NDLR) de les
racheter. Si ce deal se faisait, il donnerait probablement lieu à
une fusion et non un rachat", juge Najet El Kassir, analyste chez
Berenberg.
Cité comme autre candidat potentiel via sa filiale Worldline, Atos
n'a pas non plus souhaité commenté les spéculations. Mais cette
piste semble peu plausible car Atos vient d'opérer deux importantes
acquisitions: le groupe a directement racheté Syntel pour 3,4
milliards de dollars tandis que Worldline a acquis SIX Payments
Services pour 2,3 milliards d'euros. Quant à la piste d'un acheteur
étranger - entreprise ou fonds - elle ne convainc pas les analystes
qui jugent que l'Etat aurait de fortes chances d'opposer son veto,
comme ce fut le cas en 2010 lorsque l'américain Danaher avait tenté
de mettre la main sur Ingenico.
Le caractère spéculatif d'Ingenico ne doit donc pas être exagéré.
Le marché semble d'ailleurs l'avoir compris puisque la valeur,
après avoir ouvert en hausse de 12%, a perdu près de la moitié de
ses gains ce jeudi après-midi. Les investisseurs devront se pencher
davantage sur les fondamentaux du groupe de paiements pour trouver
d'éventuels catalyseurs. HSBC, à l'achat sur le titre avec un
objectif de cours de 81 euros, estime que plusieurs éléments
devraient se matérialiser au second semestre pour enclencher une
accélération de la croissance d'Ingenico.
Il faudra donc attendre les prochaines publications pour se forger
une opinion - dénuée de toute considération spéculative - sur les
perspectives du titre.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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