L'alerte de Lufthansa cristallise la vulnérabilité du secteur en Europe - Plus Europe
18 Juin 2019 - 10:03AM
Dow Jones News
Jon Sindreu,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les investisseurs qui comptaient sur les
compagnies aériennes pour remettre le cap sur la rentabilité et
opposer une vraie concurrence à leurs rivales américaines en sont
pour leurs frais. Le sérieux avertissement sur résultat lancé par
Lufthansa, première compagnie européenne en nombre de passagers, ne
fait que confirmer la profondeur de la crise du secteur sur le
Vieux Continent.
Le transporteur allemand a prévenu dimanche que son résultat
opérationnel devrait cette année se révéler inférieur d'environ 20%
à sa précédente estimation. Si le ciel est tout à fait dégagé pour
les vols transcontinentaux de Lufthansa, les perspectives de sa
compagnie à bas coûts Eurowings sont loin d'être au beau fixe. La
filiale, qui devait parvenir à l'équilibre cette année, pourrait
bien terminer l'exercice avec une marge opérationnelle profondément
négative.
Les investisseurs ont très mal accueilli la nouvelle, qui a fait
plonger l'action Lufthansa de 12% lundi. Ryanair et easyJet, les
deux compagnies les plus exposées aux vols européens
court-courriers à bas prix, ont vu leurs titres respectifs reculer
de près de 5%.
Il s'agit là d'un coup de semonce pour les gérants de fonds. Le
ralentissement économique entraîné par l'essoufflement de la
croissance chinoise est l'une des difficultés auxquelles se
trouvent confrontées les compagnies aériennes. Pour l'heure, ce
ralentissement affecte essentiellement les constructeurs, mais des
répercussions sur la demande de transport, aussi mineures
soit-elles, sont inéluctables.
Les compagnies européennes sont également pénalisées par un
problème plus structurel, lié à la géographie : le périmètre est
restreint, et les acteurs trop nombreux. De nombreuses villes
européennes densément peuplées se situent à deux ou trois heures
les unes des autres. L'inconvénient est de taille pour les
compagnies historiques. Contrairement à leurs concurrentes
américaines, il leur est très difficile de faire transiter les
passagers par leurs plateformes de prédilection. La contrainte en
Europe est plutôt d'exploiter des vols directs sur des itinéraires
extrêmement concurrentiels.
A cet égard, la concurrence acharnée qui fait rage sur le marché
allemand est emblématique. Contrairement aux économies voisines
beaucoup plus centralisées autour de puissantes capitales,
l'économie allemande s'appuie de façon bien plus égalitaire sur de
nombreux centres urbains, fortement connectés à d'autres
destinations germanophones de proximité en Suisse et en
Autriche.
Eurowings, easyJet et Ryanair, qui a récemment mis la main sur la
startup autrichienne Lauda, sont au coude à coude sur ce
terrain.
"Les recettes unitaires sur le marché européen des court-courriers
[...] sont plombées par des surcapacités persistantes dues au fait
que les transporteurs acceptent de supporter des pertes
significatives afin de développer leur part de marché", a souligné
dimanche Lufthansa. Le groupe a néanmoins ajouté que ses compagnies
"continu[eraient] à défendre vigoureusement leur position dominante
sur le marché tout en veillant à assurer leur rentabilité".
En dépit d'une légère diminution de sa capacité, exprimée en
sièges-kilomètres offerts, en fin d'année dernière, le réseau de
Lufthansa a crû bien plus vite que le PIB de la zone euro entre
2016 et la mi-2018, et c'est de nouveau le cas actuellement, selon
des données de FactSet.
Les faillites survenues cette année, comme celle de Germania,
avaient donné à certains dirigeants et investisseurs espoir que la
croissance effrénée du transport aérien européen arrive en bout de
course. Les principales compagnies sont convaincues que l'heure de
la consolidation a sonné. Elles refusent en conséquence de réduire
leur capacité, ayant bien l'intention de tirer leur épingle du
jeu.
A en croire les précédentes faillites, comme celles d'Air Berlin et
Monarch en 2017, il n'y a pourtant pas nécessairement de lien de
cause à effet. Trop souvent, les avions en surplus tombent
simplement dans l'escarcelle d'autres compagnies et les itinéraires
sont maintenus.
Que ce soit en raison de l'obstination des compagnies européennes
ou de l'arbitraire géographique, les investisseurs vont devoir se
ranger à l'idée que le secteur n'est décidément pas appelé à
dégager de fortes marges.
-Jon Sindreu, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
Agefi-Dow Jones The financial newswire
(END) Dow Jones Newswires
June 18, 2019 03:43 ET (07:43 GMT)
Copyright (c) 2019 L'AGEFI SA
Easyjet (LSE:EZJ)
Graphique Historique de l'Action
De Avr 2024 à Mai 2024
Easyjet (LSE:EZJ)
Graphique Historique de l'Action
De Mai 2023 à Mai 2024