par Benjamin Mallet et Yves Clarisse
PARIS (Reuters) - Alstom a annoncé dimanche qu'il poursuivrait sa réflexion stratégique alors que se profilait la vente potentielle de sa branche énergie à l'américain General Electric dans le cadre de discussions perturbées par une possible contre-proposition de l'allemand Siemens.
Le groupe français, fabricant d'équipements électriques et de trains, a fait cette déclaration à l'issue d'un conseil d'administration réuni après une sévère mise en garde du gouvernement français, qui redoute d'être mis devant le fait accompli.
L'Elysée a ...
par Benjamin Mallet et Yves Clarisse
PARIS (Reuters) - Alstom a annoncé dimanche qu'il poursuivrait sa réflexion stratégique alors que se profilait la vente potentielle de sa branche énergie à l'américain General Electric dans le cadre de discussions perturbées par une possible contre-proposition de l'allemand Siemens.
Le groupe français, fabricant d'équipements électriques et de trains, a fait cette déclaration à l'issue d'un conseil d'administration réuni après une sévère mise en garde du gouvernement français, qui redoute d'être mis devant le fait accompli.
L'Elysée a ensuite annoncé que François Hollande recevrait lundi matin le président de General Electric, Jeffrey Immelt, en présence du ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg.
"Alstom poursuit et approfondit sa réflexion stratégique et informera le marché d'ici mercredi 30 avril matin", a fait savoir le groupe français dans un bref communiqué publié dimanche soir.
"Dans cette attente, la société a demandé que la cotation de son titre reste suspendue", a ajouté le groupe, privé de Bourse depuis vendredi à la demande de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
General Electric (GE) a, selon des sources proches du dossier, proposé à Alstom de lui racheter sa branche énergie pour 13 milliards de dollars environ (9,4 milliards d'euros).
Siemens s'est toutefois dit prêt dimanche "à échanger sur les questions stratégiques soulevées par une coopération future" avec le français, qui subit de plein fouet la crise européenne du secteur de l'électricité et du marché des nouvelles centrales.
Alstom "a reçu une offre ferme de GE et une déclaration d'intérêt de Siemens" et les deux propositions ne sont "pas du tout sur un pied d'égalité en termes d'engagement", a cependant souligné une source proche du dossier.
"L'idée d'un passage en force paraît compliquée (...), il faut aller vite mais aussi prendre le temps d'y mettre les formes", a ajouté cette même source.
L'ÉTAT EST PRÊT À "PARTICIPER FINANCIÈREMENT"
Selon Le Figaro, qui dit avoir eu accès à une lettre du PDG de Siemens Joe Kaeser adressée à celui d'Alstom Patrick Kron, le groupe allemand propose lui aussi de reprendre les activités énergie contre une somme en cash et offre, en complément du paiement, la moitié de sa branche transports qui regroupe les trains à grande vitesse et les locomotives.
Arnaud Montebourg, sans se prononcer ouvertement en faveur du groupe allemand, a indiqué que celui-ci proposait "de créer deux champions européens et mondiaux dans les domaines de l'énergie et du transport, l'un autour de Siemens et l'autre autour d'Alstom", et demandé à Alstom de prendre le temps d'examiner les deux offres sous peine de voir l'exécutif s'opposer à une opération.
Le ministre de l'Economie a ainsi souligné que si GE et Alstom "ont leur calendrier", "le gouvernement français a le sien, qui est celui de la souveraineté économique", et rappelé au constructeur du TGV qu'il vit "notamment de la commande publique et du soutien de l'Etat à l'exportation".
Un rendez-vous prévu dimanche à Paris entre Arnaud Montebourg et le président de General Electric, Jeffrey Immelt, a été reporté pour "ne pas être mis devant le fait accompli", a précisé une porte-parole du ministre.
Alors que François Hollande a réuni le Premier ministre et les ministres concernés par le dossier, le gouvernement s'est toutefois dit prêt à examiner les projets "avec le souci de préserver les intérêts de la base industrielle de la France et à y participer financièrement", a indiqué Arnaud Montebourg.
Il a aussi réaffirmé les exigences de l'Etat - maintien en France de l'emploi, de la recherche-développement et des centres de décision -, particulièrement pour maintenir "l'excellence et l'indépendance de la filière nucléaire française".
"LES CAUTIONS, C'EST LE NERF DE LA GUERRE"
Dans un communiqué, la CFDT a également demandé à Alstom de "surseoir à toute décision jusqu'à ce que toutes les options pour la pérennité des activités et de l'emploi du groupe aient pu être sérieusement étudiées en concertation avec toutes les parties prenantes (...)".
Une source bancaire proche du dossier souligne qu'Alstom, "en dépit de ses qualités, est un groupe qui n'a pas la taille critique dans la plupart de ses métiers (...) et qui est encore trop européen, sur un marche européen de l'énergie qui ne progresse pas à cause notamment d'un marché du gaz sinistré".
"Alstom a de nouveau aujourd'hui un bilan qui commence a être tendu parce qu'ils ont dépassé les 5 milliards de dette brute. Derrière, ce qui est en cause, c'est la capacité des banques à accorder des cautions (à Alstom). Dans des activités comme celles d'Alstom, les cautions c'est le nerf de la guerre", a ajouté cette source.
La branche énergie du groupe français regroupe des activités telles que les turbines pour centrales électriques, l'éolien et les systèmes de transmission de l'électricité.
Elle pèse plus de 70% du chiffre d'affaires global d'Alstom, soit environ 15 milliards d'euros lors de l'exercice 2012-2013, emploie près de la moitié des 18.000 salariés d'Alstom en France et regroupe les activités les plus rentables du groupe en excluant les renouvelables (aux marges moins élevées).
Dans le nucléaire, Alstom est le premier fournisseur de turbines et alternateurs pour le marché des centrales nucléaires - avec des équipements qui servent à la production d'électricité mais ne sont pas situées dans les bâtiments des réacteurs - et estime que 40% des centrales nucléaires en exploitation dans le monde utilisent sa technologie.
RISQUES DE DOUBLONS EN FRANCE AVEC SIEMENS
Le site d'Alstom à Belfort constituant pour lui un maillon essentiel dans le nucléaire, le sénateur du département Jean-Pierre Chevènement a écrit à Manuel Valls pour demander au Premier ministre "de bien vouloir faire valoir aux actionnaires et aux dirigeants (de GE et d'Alstom NDLR) que ce transfert de propriété est hors de question".
Siemens, déjà intéressé par le rachat des activités énergie d'Alstom en 2004 lors du sauvetage du groupe avec le soutien de l'Etat, emploie 7.000 personnes en France sur sept sites industriels pour un chiffre d'affaires de 2,1 milliards d'euros en 2013.
Une opération entre Alstom et son grand rival Siemens donnerait corps à cet "Airbus franco-allemand de l'énergie" que François Hollande a appelé de ses voeux lors de sa conférence de presse de janvier.
Une source proche du dossier fait cependant valoir qu'il y aurait "des doublons en France avec Siemens et des restructurations qui seraient extrêmement douloureuses".
En termes de métiers, Alstom et Siemens sont en concurrence frontale dans les turbines à vapeur, l'éolien en mer, l'hydraulique et la transmission et distribution d'électricité tandis que GE est absent de l'éolien en mer et de l'hydraulique et peu présent dans les turbines à vapeur et la transmission et distribution, ajoute cette source.
Parmi les autres alternatives à GE évoquées, l'activité "réseaux et distribution d'électricité", qui représente 19% des 20,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires d'Alstom, pourrait être proposée à Schneider Electric ou la division éoliennes offshore à Areva.
(Avec Matthieu Protard et Elizabeth Pineau à Paris, Maria Sheahan à Francfort, édité par Jean-Michel Bélot)
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