Carrefour, un déni de démocratie risqué vis-à-vis des investisseurs étrangers -DJ Plus
22 Janvier 2021 - 9:50AM
Dow Jones News
Alexandre Garabedian,
L'Agefi
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un droit du travail rigide, une fiscalité
capricieuse et un Etat qui se mêle de tout. Demandez aux
investisseurs étrangers ce qui les empêche de miser sur la France,
et ils citeront immanquablement l'un ou l'autre de ces freins,
voire les trois à la fois.
S'ils avaient espéré que le quinquennat Macron leur déroulerait le
tapis rouge au profit de la compétitivité du pays, les voilà
dessillés. Avec son veto à la proposition d'achat du canadien
Couche-Tard sur Carrefour, le ministre de l'Economie a renvoyé le
pays quelques années en arrière, celles d'avant la politique de
l'offre. Ce deux poids deux mesures est malheureusement trop
courant et vieux comme l'histoire de France.
Tous les gouvernements l'ont pratiqué, hissant le pont-levis devant
l'envahisseur tout en sabrant le champagne dès qu'une entreprise
française passe la frontière. Mais rarement un tel déni de
démocratie actionnariale avait été à ce point assumé par un pouvoir
se prétendant réformateur en matière économique.
On l'oublierait presque, Carrefour est une entreprise privée,
totalement privée. L'Etat n'y détient même pas la fraction du
capital qui l'autorise à peser dans les choix d'Air France-KLM ou à
bloquer chez Renault un projet de fusion avec Fiat. Il s'est
pourtant comporté ces derniers jours en unique propriétaire du
distributeur.
Oubliés, les actionnaires. Infantilisé, le conseil d'administration
censé les représenter et veiller à la bonne mise en œuvre de la
stratégie par les dirigeants. Le mariage transatlantique que
proposait Couche-Tard soulevait des questions légitimes sur sa
logique industrielle, ses impacts sociaux ou environnementaux,
bref, sur la prise en compte des intérêts de toutes les parties
prenantes dans un secteur d'activité en profonde mutation. Autant
de dimensions que les entreprises sont poussées à intégrer dans
leurs réflexions stratégiques sous l'effet de la loi Pacte et d'un
actionnariat devenu plus responsable et actif. Encore faut-il
qu'elles en aient le loisir.
Ce débat a été tué dans l'œuf pour d'obscures raisons
politiciennes, camouflées sous l'étendard de la souveraineté
nationale.
Quel contre-pouvoir peut aujourd'hui empêcher l'Etat de céder à sa
passion absolutiste ? Au nom d'un objectif louable, ne plus pécher
par naïveté dans la guerre économique, le décret sur le contrôle
des investissements étrangers autorise tous les vetos. Dans ce
texte attrape-tout qui met désormais sur un pied d'égalité
l'épicerie et l'armement, presque tout est stratégique, donc plus
rien ne l'est vraiment.
Si l'on y ajoute la nationalisation rampante de secteurs entiers de
l'économie en raison de la crise du Covid-19, les actionnaires
privés des entreprises françaises vont vite saisir les termes de
l'alternative : s'endormir sur leurs titres ou s'enfuir à toutes
jambes.
-Alexandre Garabedian, L'Agefi. ed: ECH
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