Carol Ryan,



The Wall Street Journal,



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Alors que les boutiques de luxe hors taxe situées dans les aéroports étaient un élément indissociable du boom des voyages enregistré avant la pandémie, elles semblent désormais avoir fait leur temps.



Les compagnies aériennes ont transporté l'an dernier 4,6 milliards de passagers à travers le monde, soit moitié moins qu'en 2019, selon les données d'Airports Council International (ACI). Or elles ne sont pas les seules à accuser le contrecoup de la pandémie. Le suisse Dufry, l'un des plus grands groupes mondiaux de boutiques hors taxe, a indiqué dans ses derniers résultats trimestriels que ses ventes étaient encore inférieures de 44% à celles de la période correspondante de 2019. Sur la base des chiffres des neuf premiers mois de l'exercice, l'aéroport londonien d'Heathrow était parti pour générer en 2021 un quart seulement du chiffre d'affaires de 2019 lié à ses espaces de vente.



Avant la pandémie, les ventes de détail liées à la fréquentation des boutiques aéroportuaires progressaient d'environ 8% par an, créant une concurrence pour la location d'espaces de ventes dans les aéroports. Les marques de luxe ont été particulièrement actives et les boutiques en aéroports ont fini par représenter 6% des ventes mondiales de luxe, selon les données de Bain & Company.



Des marques comme Louis Vuitton et Hermès payaient le prix fort pour profiter du flot de voyageurs aisés en transit, des touristes chinois en particulier. Dans les aéroports les plus fréquentés, les marques de luxe et de cosmétiques pouvaient s'attendre à payer des loyers représentant 40% à 50% de leurs ventes, selon Jack MacGowan, ancien directeur général d'Aer Rianta, compagnie irlandaise pionnière du concept des boutiques duty-free. Les loyers appliqués aux magasins de ville sont bien plus bas, représentant généralement 10% à 30% des ventes, souligne Jack MacGowan.



Les marques de luxe, des locataires de poids



La location d'espaces de vente a permis aux exploitants d'aéroports de moins dépendre des redevances aéronautiques : ces concessions de vente au détail généraient en moyenne 30% du revenu total des aéroports avant la pandémie, selon l'ACI. Les marques de luxe étaient des locataires de poids car elles généraient de fortes ventes au mètre carré, paramètre important pour les aéroports, dont l'espace est limité. Hors ventes de nourriture et de boissons, seuls 20% des passagers environ réalisent un achat avant de gagner leur porte d'embarquement, selon Bain. Malgré ce faible pourcentage, les aéroports parvenaient à améliorer leurs revenus commerciaux en tapissant les terminaux de vitrines de sacs à main et de vêtements de créateurs très coûteux.



Les exploitants d'aéroports ont désespérément besoin des ventes de détail pour remettre leurs finances à flot. D'ici à la fin 2022, les aéroports du monde entier auront perdu un montant estimé à 310 milliards de dollars en raison de la pandémie, selon l'ACI. Sur de nombreux marchés, la capacité des opérateurs à générer davantage de revenus aéronautiques est limitée parce que la hausse des taxes d'atterrissage imposées aux compagnies aériennes est encadrée par la réglementation.



Pour l'instant, les passagers ne fréquentent pas les bons aéroports, ceux qui permettraient d'encourager une reprise des ventes de détail. Ce sont les déplacements intérieurs qui reprennent le plus rapidement. Ils ont atteint en 2021 58,5% des niveaux enregistrés avant la pandémie. Les trajets internationaux ne sont quant à eux remontés qu'à 38,7% des niveaux de 2019. Les aéroports accueillant les vols long-courriers comme Paris-Charles de Gaulle et Dubai International, qui ont lourdement investi pour attirer de grandes marques, comptent parmi les moins fréquentés.



Même si le trafic passagers internationaux reprend, les aéroports auront plus de mal à attirer les marques de luxe. Le mix passagers devrait changer. D'ici à 2025, plus de la moitié des passagers à travers le monde pourraient être plus jeunes et avoir moins d'argent à dépenser, selon un rapport de Bain. Dans ce scénario, la part des principaux acheteurs dans les aéroports -- notamment les passagers de classe affaires et les touristes chinois, qui achètent des produits de luxe -- pourrait diminuer de plus de 5 points de pourcentage. Les aéroports devront donc aussi proposer des marques moins coûteuses et mettre en place des activités de commerce électronique pour compenser la baisse de la demande pour les biens de luxe.



Les dépenses des clients chinois dans les aéroports internationaux ne devraient plus jamais atteindre leurs niveaux prépandémie. Le gouvernement chinois encourage ses citoyens à dépenser en Chine, en triplant la quantité autorisée de produits hors taxe. Cette mesure avantage des acteurs locaux comme China Tourism Group Duty Free, qui est maintenant le numéro un mondial des boutiques hors taxe en termes de ventes. Son titre a plus que doublé depuis le début 2020, alors que celui de Dufry a diminué de près de moitié.



Le luxe se renforce dans commerce en ligne



En réaction à ce changement de tendance, les marques de luxe s'attacheront en priorité à ouvrir des boutiques en Chine continentale. Elles ont par ailleurs entrepris de renforcer leurs activités de e-commerce. L'augmentation des ventes en ligne se révèle lucrative pour les grandes marques. LVMH, premier groupe mondial du secteur du luxe, a récemment fait état d'une marge d'exploitation record au titre 2021, en partie liée au fait que le commerce électronique constitue maintenant une part plus importante de son activité. Ce canal de vente offre une alternative aux loyers astronomiques en vigueur dans les aéroports.



Même avec des boutiques hors taxe désertées, la plupart des grands noms du luxe sont parvenus à augmenter leurs ventes pendant la pandémie. Le duty-free n'est donc plus aussi décisif pour le commerce de montres et de sacs à main de luxe qu'il semblait l'être auparavant. Les terminaux qui commençaient à prendre des allures de temples du luxe ont résolument besoin de nouvelles perspectives.



-Carol Ryan, The Wall Street Journal



(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH



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February 15, 2022 04:35 ET (09:35 GMT)




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