Pour les aéroports, le duty-free de luxe ne fait plus recette - Plus Inter
15 Février 2022 - 10:55AM
Dow Jones News
Carol Ryan,
The Wall Street Journal,
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Alors que les boutiques de luxe hors
taxe situées dans les aéroports étaient un élément indissociable du
boom des voyages enregistré avant la pandémie, elles semblent
désormais avoir fait leur temps.
Les compagnies aériennes ont transporté l'an dernier 4,6 milliards
de passagers à travers le monde, soit moitié moins qu'en 2019,
selon les données d'Airports Council International (ACI). Or elles
ne sont pas les seules à accuser le contrecoup de la pandémie. Le
suisse Dufry, l'un des plus grands groupes mondiaux de boutiques
hors taxe, a indiqué dans ses derniers résultats trimestriels que
ses ventes étaient encore inférieures de 44% à celles de la période
correspondante de 2019. Sur la base des chiffres des neuf premiers
mois de l'exercice, l'aéroport londonien d'Heathrow était parti
pour générer en 2021 un quart seulement du chiffre d'affaires de
2019 lié à ses espaces de vente.
Avant la pandémie, les ventes de détail liées à la fréquentation
des boutiques aéroportuaires progressaient d'environ 8% par an,
créant une concurrence pour la location d'espaces de ventes dans
les aéroports. Les marques de luxe ont été particulièrement actives
et les boutiques en aéroports ont fini par représenter 6% des
ventes mondiales de luxe, selon les données de Bain &
Company.
Des marques comme Louis Vuitton et Hermès payaient le prix fort
pour profiter du flot de voyageurs aisés en transit, des touristes
chinois en particulier. Dans les aéroports les plus fréquentés, les
marques de luxe et de cosmétiques pouvaient s'attendre à payer des
loyers représentant 40% à 50% de leurs ventes, selon Jack MacGowan,
ancien directeur général d'Aer Rianta, compagnie irlandaise
pionnière du concept des boutiques duty-free. Les loyers appliqués
aux magasins de ville sont bien plus bas, représentant généralement
10% à 30% des ventes, souligne Jack MacGowan.
Les marques de luxe, des locataires de poids
La location d'espaces de vente a permis aux exploitants d'aéroports
de moins dépendre des redevances aéronautiques : ces concessions de
vente au détail généraient en moyenne 30% du revenu total des
aéroports avant la pandémie, selon l'ACI. Les marques de luxe
étaient des locataires de poids car elles généraient de fortes
ventes au mètre carré, paramètre important pour les aéroports, dont
l'espace est limité. Hors ventes de nourriture et de boissons,
seuls 20% des passagers environ réalisent un achat avant de gagner
leur porte d'embarquement, selon Bain. Malgré ce faible
pourcentage, les aéroports parvenaient à améliorer leurs revenus
commerciaux en tapissant les terminaux de vitrines de sacs à main
et de vêtements de créateurs très coûteux.
Les exploitants d'aéroports ont désespérément besoin des ventes de
détail pour remettre leurs finances à flot. D'ici à la fin 2022,
les aéroports du monde entier auront perdu un montant estimé à 310
milliards de dollars en raison de la pandémie, selon l'ACI. Sur de
nombreux marchés, la capacité des opérateurs à générer davantage de
revenus aéronautiques est limitée parce que la hausse des taxes
d'atterrissage imposées aux compagnies aériennes est encadrée par
la réglementation.
Pour l'instant, les passagers ne fréquentent pas les bons
aéroports, ceux qui permettraient d'encourager une reprise des
ventes de détail. Ce sont les déplacements intérieurs qui
reprennent le plus rapidement. Ils ont atteint en 2021 58,5% des
niveaux enregistrés avant la pandémie. Les trajets internationaux
ne sont quant à eux remontés qu'à 38,7% des niveaux de 2019. Les
aéroports accueillant les vols long-courriers comme Paris-Charles
de Gaulle et Dubai International, qui ont lourdement investi pour
attirer de grandes marques, comptent parmi les moins
fréquentés.
Même si le trafic passagers internationaux reprend, les aéroports
auront plus de mal à attirer les marques de luxe. Le mix passagers
devrait changer. D'ici à 2025, plus de la moitié des passagers à
travers le monde pourraient être plus jeunes et avoir moins
d'argent à dépenser, selon un rapport de Bain. Dans ce scénario, la
part des principaux acheteurs dans les aéroports -- notamment les
passagers de classe affaires et les touristes chinois, qui achètent
des produits de luxe -- pourrait diminuer de plus de 5 points de
pourcentage. Les aéroports devront donc aussi proposer des marques
moins coûteuses et mettre en place des activités de commerce
électronique pour compenser la baisse de la demande pour les biens
de luxe.
Les dépenses des clients chinois dans les aéroports internationaux
ne devraient plus jamais atteindre leurs niveaux prépandémie. Le
gouvernement chinois encourage ses citoyens à dépenser en Chine, en
triplant la quantité autorisée de produits hors taxe. Cette mesure
avantage des acteurs locaux comme China Tourism Group Duty Free,
qui est maintenant le numéro un mondial des boutiques hors taxe en
termes de ventes. Son titre a plus que doublé depuis le début 2020,
alors que celui de Dufry a diminué de près de moitié.
Le luxe se renforce dans commerce en ligne
En réaction à ce changement de tendance, les marques de luxe
s'attacheront en priorité à ouvrir des boutiques en Chine
continentale. Elles ont par ailleurs entrepris de renforcer leurs
activités de e-commerce. L'augmentation des ventes en ligne se
révèle lucrative pour les grandes marques. LVMH, premier groupe
mondial du secteur du luxe, a récemment fait état d'une marge
d'exploitation record au titre 2021, en partie liée au fait que le
commerce électronique constitue maintenant une part plus importante
de son activité. Ce canal de vente offre une alternative aux loyers
astronomiques en vigueur dans les aéroports.
Même avec des boutiques hors taxe désertées, la plupart des grands
noms du luxe sont parvenus à augmenter leurs ventes pendant la
pandémie. Le duty-free n'est donc plus aussi décisif pour le
commerce de montres et de sacs à main de luxe qu'il semblait l'être
auparavant. Les terminaux qui commençaient à prendre des allures de
temples du luxe ont résolument besoin de nouvelles
perspectives.
-Carol Ryan, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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February 15, 2022 04:35 ET (09:35 GMT)
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