Actualisé: La France championne des distributions de dividendes selon Oxfam
14 Mai 2018 - 2:08PM
Dow Jones News
La France est devenue la championne du monde en matière de
distribution de dividendes aux actionnaires, affirme un rapport de
l'ONG Oxfam publié lundi, dont la méthodologie est toutefois
critiquée par certains observateurs.
Selon ce document intitulé "CAC 40: des profits sans partage",
réalisé avec le Bureau d'analyse sociétale pour une information
citoyenne (Basic), "la France est le pays au monde où les
entreprises cotées en Bourse reversent la plus grande part de leurs
bénéfices en dividendes aux actionnaires".
Les groupes du CAC 40 ont ainsi redistribué à leurs actionnaires
les deux tiers de leurs bénéfices entre 2009 - année de la crise
financière mondiale - et 2016, soit deux fois plus que dans les
années 2000, selon la même source.
Cela a conduit ces entreprises à ne laisser "que 27,3% au
réinvestissement et 5,3% aux salariés", ont calculé les ONG,
dénonçant des choix économiques qui nourrissent une "véritable
spirale des inégalités".
"Les richesses n'ont jamais été aussi mal partagées depuis la crise
au sein des grands groupes, qui choisissent délibérément une course
aux résultats de court terme pour conforter les actionnaires et les
grands patrons au détriment des salariés et de l'investissement",
explique Manon Aubry, porte-parole d'Oxfam France.
Cette course est "tirée par des fonds d'investissement, des fonds
spéculatifs qui cherchent juste la rémunération dans les six mois,
dans l'année", a-t-elle souligné sur franceinfo, affirmant que le
modèle français avait "pris le pas du modèle anglo-saxon pour même
le dépasser".
Dans le détail, le sidérurgiste ArcelorMittal, l'énergéticien Engie
et le leader mondial de la gestion de l'eau Veolia sont, dans
l'ordre, ceux ayant les taux les plus élevés de redistribution des
bénéfices en dividendes aux actionnaires, indique le rapport.
ArcelorMittal a reversé des dividendes entre 2012 et 2015, alors
que le groupe affichait des pertes, et Engie et Veolia, deux
entreprises où l'Etat est actionnaire, ont reversé plus de
dividendes que ce qu'elles ont réalisé en bénéfices, selon les
ONG.
- "un vrai sujet" -
Le rapport a suscité de vives réactions politiques sur Twitter. "Le
partage des bénéfices des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2016
(...) illustre l'imposture absolue de la théorie du ruissellement
chère à Emmanuel Macron. Voilà l'illustration de cette sécession
des riches qu'encourage le nouveau pouvoir", a ainsi écrit Benoît
Hamon, ancien candidat socialiste à la présidentielle, aujourd'hui
à la tête de Génération-S.
Pour la France Insoumise, le rapport pointe une "exception
française qui ne peut plus être tolérée: la richesse produite doit
être partagée".
"On a un indice (le CAC 40, ndlr) qui distribue beaucoup de
dividendes", convient Loïc Dessaint, directeur général de
Proxinvest, un cabinet d'analyse de gouvernance et de politique de
vote, qui indique avoir de plus en plus de clients investisseurs
s'inquiétant de cette tendance et développant des politiques de
distribution de dividendes responsables.
Mais le responsable émet quelques bémols sur le rapport: "pas mal
d'entreprises françaises distribuent des dividendes en action", ce
qui n'occasionne "pas de sortie de cash", observe-t-il
notamment.
"La méthodologie d'Oxfam est très mauvaise", estime de son côté
Patrick Artus, chef économiste chez Natixis et co-auteur d'un
ouvrage intitulé "Et si les salariés se révoltaient?". Selon
l'économiste, Oxfam ne s'intéresse qu'à la partie de la
participation et de l'intéressement versés aux salariés, et ne
tient pas compte de l'intégralité des salaires. Or, "en France, les
salaires augmentent plus vite que la productivité",
observe-t-il.
Autre problème, le rapport compare des données mondiales - les
profits des multinationales - et des données françaises sur la
participation et l'intéressement, critique l'économiste.
En outre, "les dividendes ne disent rien sur la rentabilité du
capital par actionnaire", ajoute-t-il, soulignant qu'en France, les
entreprises versent plus de dividendes que dans d'autres pays comme
les Etats-Unis mais que le rendement du capital y est nettement
plus faible.
Néanmoins, "il y a un vrai sujet qui est le partage des revenus
entre les profits et les salaires, entre les salariés et les
actionnaires", reconnaît M. Artus.
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May 14, 2018 07:48 ET (11:48 GMT)
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