Alice Doré,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Après une année 2018 et un début 2019 difficiles, Eramet a repris un peu d'air en Bourse au cours des dernières semaines. Mais les facteurs externes qui alimentent son rebond n'effacent pas les risques qu'impliquent les chantiers de restructuration, lourds et coûteux.



Sur un mois, le cours du minier français a progressé de 11,5%. Le groupe a bénéficié de la traction du secteur minier, portée par la hausse des prix des métaux alors que le marché table sur un apaisement du conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine et salue des données macroéconomiques rassurantes pour l'activité économique de l'empire du Milieu.



Malgré son récent rebond, le cours d'Eramet accuse une baisse de près de 6% depuis le début de l'année. Eramet est ainsi le seul grand groupe minier à rester dans le rouge sur cette période.



"Le secteur minier est surtout tiré par les prix du minerai de fer", observe Fabrice Farigoule chez AlphaValue, qui recommande d'acheter le titre. Or, non seulement Eramet n'est pas présent dans ce segment du marché des métaux, mais le groupe est "partiellement lesté" par les soucis de qualité évoqués en décembre dans sa branche Alliages.



En publiant ses résultats annuels en février, Eramet a indiqué qu'une provision non courante de 65 millions d'euros avait été comptabilisée dans les comptes 2018 de sa division Alliages, liée à une revue approfondie de ses processus qualité. L'impact des mesures correctrices devraient continuer de grever les résultats des Alliages au premier semestre 2019, avait alors prévenu Eramet.



La SLN reste dans une situation critique



Le problème numéro un reste la situation de la plus ancienne activité du groupe : la Société Le Nickel (SLN), qui reste déficitaire. Basée en Nouvelle-Calédonie, la division fait l'objet d'un vaste plan de sauvetage pour prévenir une crise de trésorerie en 2020. Pour réaliser ce plan, Eramet n'a pas toutes les cartes en main : le groupe comptait sur un projet de nouvelle centrale de production d'électricité pour voir les coûts de la SLN baisser. Or, le projet a pris du retard et n'est désormais prévu que pour la fin 2023. "C'est loin, il faut que la SLN soit toujours vivante d'ici là", a alerté la PDG d'Eramet, Christel Bories, en février.



Le plan d'Eramet pour la SLN repose aussi sur une hausse de ses exportations cette année, en particulier de fontes brutes de nickel ("nickel pig iron" ou "NPI" en anglais). Dans un climat politique et social tendu, la SLN est tributaire de l'aval - non garanti - des autorités calédoniennes pour augmenter la cadence de ses exportations.



Le lithium, un coûteux eldorado



Eramet présente 2019 comme une année cruciale pour sa croissance. Le groupe compte accélérer sa "transformation" en se diversifiant dans les métaux liés à la transition énergétique. Eramet mise principalement sur le lithium, composant entrant dans la fabrication des batteries pour les véhicules électriques.



D'ici la fin du printemps, Eramet devrait annoncer s'il se décide - ou pas - à investir dans l'exploitation d'un gisement de lithium en Argentine. L'enjeu est de taille : il s'agit de se positionner sur un marché en forte croissance où la demande dépasse l'offre disponible, mais pour un ticket d'entrée coûteux. Les études d'ingénierie détaillées sont en phase finale pour ce projet, qui représente un investissement de l'ordre de 500 millions d'euros déployés sur trois exercices.



Pour autant, le groupe ne délaisse pas son principal moteur de croissance, l'activité manganèse, qui représentait à elle seule 93% de l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) en 2018. Une décision d'investissement pour l'extension de la mine de Moanda au Gabon est également attendue au printemps. Ce projet est chiffré à 300 millions d'euros sur cinq ans pour une hausse de 50% de la production du site en 2023 par rapport à 2018.



Des investissements qui stressent le marché



Ces projets en Argentine et au Gabon représentent "un niveau potentiel d'investissement qui stresse les investisseurs", car leur montant total équivaut à 40% de la valeur d'entreprise d'Eramet, calcule Alain William d'Oddo BHF. Un niveau qui conforte l'opinion à "alléger" sur le titre de l'intermédiaire financier.



La situation financière du groupe s'est nettement redressée, aidée par une situation de marché beaucoup plus favorable pour le manganèse et le nickel en 2017 et 2018. Dans ce contexte, "une accélération des investissements est tentante mais il faut garder en mémoire la volatilité des prix des métaux de base qui entraîne mécaniquement celle de l'Ebitda", rappelle un autre analyste.



Comme les projets de redressement des filières en difficulté, ces potentiels investissements présentent de forts risques d'exécution.



A 57 euros mardi, le titre offre un potentiel de hausse d'environ 50% par rapport à la moyenne des objectifs de cours des analystes sondés par FactSet. La moitié de ces opérateurs sont à l'achat sur le titre.



Les choix qu'arrêtera Eramet en 2019 seront décisifs pour la réorientation de son modèle économique. Ils permettront de déterminer si, malgré une conjoncture incertaine et de nombreuses interrogations, les investisseurs qui placent leur confiance dans le groupe ont raison.



-Alice Doré, Agefi-Dow Jones; +33 1 41 27 47 90; adore@agefi.fr ed: ECH



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April 09, 2019 11:35 ET (15:35 GMT)




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