Salutaires, les projets d'Eramet présentent de forts risques d'exécution - DJ Plus
09 Avril 2019 - 5:55PM
Dow Jones News
Alice Doré,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Après une année 2018 et un début 2019
difficiles, Eramet a repris un peu d'air en Bourse au cours des
dernières semaines. Mais les facteurs externes qui alimentent son
rebond n'effacent pas les risques qu'impliquent les chantiers de
restructuration, lourds et coûteux.
Sur un mois, le cours du minier français a progressé de 11,5%. Le
groupe a bénéficié de la traction du secteur minier, portée par la
hausse des prix des métaux alors que le marché table sur un
apaisement du conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine
et salue des données macroéconomiques rassurantes pour l'activité
économique de l'empire du Milieu.
Malgré son récent rebond, le cours d'Eramet accuse une baisse de
près de 6% depuis le début de l'année. Eramet est ainsi le seul
grand groupe minier à rester dans le rouge sur cette période.
"Le secteur minier est surtout tiré par les prix du minerai de
fer", observe Fabrice Farigoule chez AlphaValue, qui recommande
d'acheter le titre. Or, non seulement Eramet n'est pas présent dans
ce segment du marché des métaux, mais le groupe est "partiellement
lesté" par les soucis de qualité évoqués en décembre dans sa
branche Alliages.
En publiant ses résultats annuels en février, Eramet a indiqué
qu'une provision non courante de 65 millions d'euros avait été
comptabilisée dans les comptes 2018 de sa division Alliages, liée à
une revue approfondie de ses processus qualité. L'impact des
mesures correctrices devraient continuer de grever les résultats
des Alliages au premier semestre 2019, avait alors prévenu
Eramet.
La SLN reste dans une situation critique
Le problème numéro un reste la situation de la plus ancienne
activité du groupe : la Société Le Nickel (SLN), qui reste
déficitaire. Basée en Nouvelle-Calédonie, la division fait l'objet
d'un vaste plan de sauvetage pour prévenir une crise de trésorerie
en 2020. Pour réaliser ce plan, Eramet n'a pas toutes les cartes en
main : le groupe comptait sur un projet de nouvelle centrale de
production d'électricité pour voir les coûts de la SLN baisser. Or,
le projet a pris du retard et n'est désormais prévu que pour la fin
2023. "C'est loin, il faut que la SLN soit toujours vivante d'ici
là", a alerté la PDG d'Eramet, Christel Bories, en février.
Le plan d'Eramet pour la SLN repose aussi sur une hausse de ses
exportations cette année, en particulier de fontes brutes de nickel
("nickel pig iron" ou "NPI" en anglais). Dans un climat politique
et social tendu, la SLN est tributaire de l'aval - non garanti -
des autorités calédoniennes pour augmenter la cadence de ses
exportations.
Le lithium, un coûteux eldorado
Eramet présente 2019 comme une année cruciale pour sa croissance.
Le groupe compte accélérer sa "transformation" en se diversifiant
dans les métaux liés à la transition énergétique. Eramet mise
principalement sur le lithium, composant entrant dans la
fabrication des batteries pour les véhicules électriques.
D'ici la fin du printemps, Eramet devrait annoncer s'il se décide -
ou pas - à investir dans l'exploitation d'un gisement de lithium en
Argentine. L'enjeu est de taille : il s'agit de se positionner sur
un marché en forte croissance où la demande dépasse l'offre
disponible, mais pour un ticket d'entrée coûteux. Les études
d'ingénierie détaillées sont en phase finale pour ce projet, qui
représente un investissement de l'ordre de 500 millions d'euros
déployés sur trois exercices.
Pour autant, le groupe ne délaisse pas son principal moteur de
croissance, l'activité manganèse, qui représentait à elle seule 93%
de l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) en 2018. Une décision
d'investissement pour l'extension de la mine de Moanda au Gabon est
également attendue au printemps. Ce projet est chiffré à 300
millions d'euros sur cinq ans pour une hausse de 50% de la
production du site en 2023 par rapport à 2018.
Des investissements qui stressent le marché
Ces projets en Argentine et au Gabon représentent "un niveau
potentiel d'investissement qui stresse les investisseurs", car leur
montant total équivaut à 40% de la valeur d'entreprise d'Eramet,
calcule Alain William d'Oddo BHF. Un niveau qui conforte l'opinion
à "alléger" sur le titre de l'intermédiaire financier.
La situation financière du groupe s'est nettement redressée, aidée
par une situation de marché beaucoup plus favorable pour le
manganèse et le nickel en 2017 et 2018. Dans ce contexte, "une
accélération des investissements est tentante mais il faut garder
en mémoire la volatilité des prix des métaux de base qui entraîne
mécaniquement celle de l'Ebitda", rappelle un autre analyste.
Comme les projets de redressement des filières en difficulté, ces
potentiels investissements présentent de forts risques
d'exécution.
A 57 euros mardi, le titre offre un potentiel de hausse d'environ
50% par rapport à la moyenne des objectifs de cours des analystes
sondés par FactSet. La moitié de ces opérateurs sont à l'achat sur
le titre.
Les choix qu'arrêtera Eramet en 2019 seront décisifs pour la
réorientation de son modèle économique. Ils permettront de
déterminer si, malgré une conjoncture incertaine et de nombreuses
interrogations, les investisseurs qui placent leur confiance dans
le groupe ont raison.
-Alice Doré, Agefi-Dow Jones; +33 1 41 27 47 90; adore@agefi.fr ed:
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