Jon Sindreu,



The Wall Street Journal



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--"La démocratie est le pire des régimes à l'exception de tous les autres". Le célèbre aphorisme de Winston Churchill pourrait très bien s'appliquer aux carburants durables, le seul véritable moyen de verdir le secteur aérien.



A la mi-juillet, le groupe aéronautique américain Boeing a annoncé sa décision d'investir pour développer à grande échelle la production de ces carburants via un partenariat avec la société néerlandaise SkyNRG. Cette entreprise a récemment ouvert une filiale en Amérique du Nord et a signé en avril un protocole d'accord avec Alaska Airlines.



A l'image du projet d'appareil de 19 sièges de la start-up suédoise Heart Aerospace, dans laquelle United Airlines et Mesa Airlines ont récemment investi, les avions électriques ne couvriront que de très courtes distances. Il incombe donc à Boeing et à son rival européen Airbus de faire en sorte que les successeurs de leurs monocouloirs phares, les familles 737 et A320, permettent à l'avenir de réduire drastiquement les émissions du secteur aérien.



Si Airbus a déjà annoncé plusieurs projets pour parvenir à faire voler un avion à hydrogène d'ici à 2035, Boeing a de son côté suggéré qu'une telle prouesse ne serait probablement pas réalisable avant 2050.



Bien évidemment, les deux rivaux examinent toutes les options possibles. Mais le groupe de Chicago mise principalement sur les biocarburants. En janvier, Boeing s'est fixé pour objectif de construire d'ici à 2030 des avions pouvant voler avec 100% de carburants durables, contre un maximum de 50% pour la génération actuelle d'avions.



Une utilisation dérisoire par les compagnies aériennes



Ces carburants dits "drop-in", c'est-dire qu'ils peuvent se substituer en partie ou en totalité aux carburants conventionnels, ne réclament que peu de changements en matière de conception d'avions ou d'infrastructures. Les capacités de production dérisoires attribuées à ces carburants, dues à une faible demande, constituent leur principal inconvénient. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les carburants durables représentent moins de 1% du total utilisé par les compagnies aériennes, et leur part ne devrait atteindre que 20% à l'horizon 2040.



Les biocarburants les plus abordables, comme ceux provenants du traitement des huiles végétales et des graisses usagées, coûtent deux fois plus cher que le kérosène classique. Pire, des études suggèrent que leurs coûts ne diminueront pas beaucoup, même avec les économies d'échelle dues à l'augmentation de la production, et que l'utilisation supplémentaire de terres nécessaires à leur élaboration pourrait avoir des conséquences écologiques dévastatrices, comme cela a été le cas pour les biocarburants dans l'automobile.



Certaines alternatives comme le "Power-to-liquids", procédé qui consiste à synthétiser des carburants à partir d'électricité renouvelable, d'eau et de dioxyde de carbone, offre un meilleur potentiel mais nécessiteront des investissements beaucoup plus conséquents pour réduire leurs coûts.



Néanmoins, comme l'a déclaré Chris Raymond, le directeur du développement durable de Boeing, "dans certains cas, vous pouvez faire une estimation raisonnable des coûts, dans d'autres il vous faut apprendre par l'expérience".



Une régulation potentiellement plus favorable



Aux Etats-Unis, SkyNRG se concentrera sur la production de carburants mais également sur l'approvisionnement en matière première à partir des déchets des collectivités locales ainsi que sur la mise en place de chaînes logistiques pour les principaux aéroports. "L'enjeu est de créer les conditions pour que le financement du projet puisse être validé", explique Maarten van Dijk, le directeur des opérations de la société néerlandaise. "Il faut avoir accès aux matières premières à des prix prévisibles, et disposer d'une technologie avec le niveau de maturité adéquate pour savoir combien la construction d'une installation vous coûtera", ajoute le dirigeant.



Le seul moyen de sortir de l'impasse dans les carburants durables est de commencer à en produire davantage. L'équation économique pourrait rapidement devenir plus facile à résoudre grâce au "Sustainable Skies Act". Cette proposition de loi américaine portant sur des crédits d'impôts liés à l'utilisation des carburants durables qui est soutenue par l'industrie aéronautique. Cette équation sera aussi simplifiée si la Commission européenne décide, comme elle l'envisage, d'imposer une part minimum de carburants durables fournis aux compagnies aériennes ou utilisés par ces mêmes compagnies.



Au bout du compte, il sera très difficile de mettre au point des technologies de propulsion radicalement nouvelles pour la prochaine génération d'avions monocouloirs. De plus, 42% des émissions de dioxyde de carbone proviennent de toute façon des gros-porteurs.



De leur côté et malgré tous leurs inconvénients, les carburants durables possèdent un avantage majeur: leur technologie fonctionne. L'argent consacré à ces carburants a donc une chance de pas être dépensé en vain.



-Jon Sindreu, The Wall Street Journal



(Version française et contribution Julien Marion) ed: ECH



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(END) Dow Jones Newswires



July 28, 2021 04:16 ET (08:16 GMT)




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