Alors qu'Airbus mise sur l'hydrogène, Boeing opte pour le pragmatisme - Plus Inter
28 Juillet 2021 - 10:30AM
Dow Jones News
Jon Sindreu,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--"La démocratie est le pire des régimes à
l'exception de tous les autres". Le célèbre aphorisme de Winston
Churchill pourrait très bien s'appliquer aux carburants durables,
le seul véritable moyen de verdir le secteur aérien.
A la mi-juillet, le groupe aéronautique américain Boeing a annoncé
sa décision d'investir pour développer à grande échelle la
production de ces carburants via un partenariat avec la société
néerlandaise SkyNRG. Cette entreprise a récemment ouvert une
filiale en Amérique du Nord et a signé en avril un protocole
d'accord avec Alaska Airlines.
A l'image du projet d'appareil de 19 sièges de la start-up suédoise
Heart Aerospace, dans laquelle United Airlines et Mesa Airlines ont
récemment investi, les avions électriques ne couvriront que de très
courtes distances. Il incombe donc à Boeing et à son rival européen
Airbus de faire en sorte que les successeurs de leurs monocouloirs
phares, les familles 737 et A320, permettent à l'avenir de réduire
drastiquement les émissions du secteur aérien.
Si Airbus a déjà annoncé plusieurs projets pour parvenir à faire
voler un avion à hydrogène d'ici à 2035, Boeing a de son côté
suggéré qu'une telle prouesse ne serait probablement pas réalisable
avant 2050.
Bien évidemment, les deux rivaux examinent toutes les options
possibles. Mais le groupe de Chicago mise principalement sur les
biocarburants. En janvier, Boeing s'est fixé pour objectif de
construire d'ici à 2030 des avions pouvant voler avec 100% de
carburants durables, contre un maximum de 50% pour la génération
actuelle d'avions.
Une utilisation dérisoire par les compagnies aériennes
Ces carburants dits "drop-in", c'est-dire qu'ils peuvent se
substituer en partie ou en totalité aux carburants conventionnels,
ne réclament que peu de changements en matière de conception
d'avions ou d'infrastructures. Les capacités de production
dérisoires attribuées à ces carburants, dues à une faible demande,
constituent leur principal inconvénient. Selon l'Agence
internationale de l'énergie (AIE), les carburants durables
représentent moins de 1% du total utilisé par les compagnies
aériennes, et leur part ne devrait atteindre que 20% à l'horizon
2040.
Les biocarburants les plus abordables, comme ceux provenants du
traitement des huiles végétales et des graisses usagées, coûtent
deux fois plus cher que le kérosène classique. Pire, des études
suggèrent que leurs coûts ne diminueront pas beaucoup, même avec
les économies d'échelle dues à l'augmentation de la production, et
que l'utilisation supplémentaire de terres nécessaires à leur
élaboration pourrait avoir des conséquences écologiques
dévastatrices, comme cela a été le cas pour les biocarburants dans
l'automobile.
Certaines alternatives comme le "Power-to-liquids", procédé qui
consiste à synthétiser des carburants à partir d'électricité
renouvelable, d'eau et de dioxyde de carbone, offre un meilleur
potentiel mais nécessiteront des investissements beaucoup plus
conséquents pour réduire leurs coûts.
Néanmoins, comme l'a déclaré Chris Raymond, le directeur du
développement durable de Boeing, "dans certains cas, vous pouvez
faire une estimation raisonnable des coûts, dans d'autres il vous
faut apprendre par l'expérience".
Une régulation potentiellement plus favorable
Aux Etats-Unis, SkyNRG se concentrera sur la production de
carburants mais également sur l'approvisionnement en matière
première à partir des déchets des collectivités locales ainsi que
sur la mise en place de chaînes logistiques pour les principaux
aéroports. "L'enjeu est de créer les conditions pour que le
financement du projet puisse être validé", explique Maarten van
Dijk, le directeur des opérations de la société néerlandaise. "Il
faut avoir accès aux matières premières à des prix prévisibles, et
disposer d'une technologie avec le niveau de maturité adéquate pour
savoir combien la construction d'une installation vous coûtera",
ajoute le dirigeant.
Le seul moyen de sortir de l'impasse dans les carburants durables
est de commencer à en produire davantage. L'équation économique
pourrait rapidement devenir plus facile à résoudre grâce au
"Sustainable Skies Act". Cette proposition de loi américaine
portant sur des crédits d'impôts liés à l'utilisation des
carburants durables qui est soutenue par l'industrie aéronautique.
Cette équation sera aussi simplifiée si la Commission européenne
décide, comme elle l'envisage, d'imposer une part minimum de
carburants durables fournis aux compagnies aériennes ou utilisés
par ces mêmes compagnies.
Au bout du compte, il sera très difficile de mettre au point des
technologies de propulsion radicalement nouvelles pour la prochaine
génération d'avions monocouloirs. De plus, 42% des émissions de
dioxyde de carbone proviennent de toute façon des
gros-porteurs.
De leur côté et malgré tous leurs inconvénients, les carburants
durables possèdent un avantage majeur: leur technologie fonctionne.
L'argent consacré à ces carburants a donc une chance de pas être
dépensé en vain.
-Jon Sindreu, The Wall Street Journal
(Version française et contribution Julien Marion) ed: ECH
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July 28, 2021 04:16 ET (08:16 GMT)
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