Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'histoire se répète pour Casino. Depuis
le début avril, les agences d'évaluation financière S&P Global
Ratings et Moody's ont toutes deux abaissé leur note de crédit de
long terme sur le groupe de grande distribution, soulignant à
l'unisson la fragilité de sa structure actionnariale.
En plus de son titre de PDG acquis en 2005, Jean-Charles Naouri
contrôle Casino à travers une cascade de holdings chapeautée par la
société Euris, en dessous de laquelle figurent Finatis, Foncière
Euris et Rallye, qui regroupe 51,3% du propriétaire des enseignes
françaises Monoprix, Franprix, Leader Price ou encore Géant.
Construite par endettement entre 1987 et 1997 sur le sol français,
à une époque où les marges et les flux de trésorerie du secteur de
la grande distribution disposaient encore d'une certaine épaisseur,
cette "galaxie Naouri", à la profondeur inédite, est aujourd'hui
chancelante.
Dans un environnement de marché ultra-concurrentiel dans
l'Hexagone, responsable de la faible croissance de son chiffre
d'affaires et de ses profits, Casino est contraint de transformer
une part non négligeable de ses flux de trésorerie en dividende,
afin de renflouer sa maison mère Rallye, dont la dette nette
culminait à près de 3 milliards d'euros au 31 décembre 2018.
En ce sens, le plan de cession d'actifs non-stratégiques entamé par
Casino en France, d'un montant de 2,5 milliards d'euros d'ici au
premier trimestre 2020, est salutaire. Il est surtout bien exécuté.
En témoigne l'annonce, réalisée en début de semaine, de la
signature d'un accord entre le distributeur et le fonds
d'investissement Apollo Global Management pour la vente de 32
magasins, pour 470 millions d'euros.
Un désendettement laborieux
Mais cette cure d'amincissement pourrait s'avérer insuffisante,
tant les investisseurs se lassent de voir Casino peiner à se
désendetter de manière organique, c'est-à-dire sans recourir à des
cessions, et à résoudre la complexe équation financière posée par
son organigramme.
L'an passé en France, le flux de trésorerie opérationnel ne
couvrait pas les coûts des frais financiers et du paiement des
dividendes. "Au niveau du groupe, la dette nette a diminué de 4,13
milliards à 3,42 milliards d'euros entre 2017 et 2018, mais en
retraitant ce total du montant des cessions, ayant atteint 806
millions, le groupe a consommé de la trésorerie l'an passé alors
que ses marges se sont améliorées", remarque un analyste basé à
Londres.
Assorties d'une perspective "négative", les notes de crédit "BB-"
de S&P et "Ba3" de Moody's nouvellement attribuées à Casino
maintiennent plus que jamais la valeur dans la catégorie des
investissements dits "spéculatifs" et mettent son cours de Bourse
sous pression. Comme ces mêmes agences avaient sur le faire il y a
un peu plus de trois ans.
Fin 2015, le distributeur subissait en plus l'attaque du cabinet de
recherche américain Muddy Waters, créé par l'investisseur activiste
Carson Block, qui valorisait son action 6,91 euros, quand elle
valait près de 50 euros, et attribuait un objectif de cours de 0
euro au titre Rallye !
A l'époque, Casino avait vendu ses actifs asiatiques pour une
valeur d'entreprise de 4,3 milliards d'euros en moins de six mois
pour éteindre l'incendie et donner satisfaction à S&P, qui
avait placé sa note de crédit de long terme "BBB-" sous
surveillance négative.
Aujourd'hui, le groupe compte principalement mener à bien son plan
de cession d'actifs, qui pourrait prévoir, en plus de la vente de
nouveaux murs de magasins, un désengagement de Vindémia (filiale
regroupant les activités dans l'Océan indien), de Casino
restauration ou de Mercialys. "Je ne fais naturellement pas de
commentaire sur les pistes que vous évoquez", a déclaré David
Lubek, directeur financier de Casino à l'agence Agefi-Dow Jones. Le
dirigeant a toutefois bon espoir de récupérer quelque 600 millions
d'euros de produit de cessions supplémentaires d'ici un an. "Nous
avons pour habitude de terminer en avance nos plans de cessions",
rappelle-t-il.
Il est toutefois difficile d'imaginer le cours de Bourse de Casino
reprendre significativement de la hauteur suite au seul
accomplissement d'un programme de cession dont les investisseurs
ont déjà pris la mesure. Même si la stratégie de développement du
groupe dans le bio, les énergies renouvelables et l'e-commerce est
à saluer.
Un titre particulièrement "shorté"
Au 25 avril, 16,5% du capital de Casino étaient vendus à découvert,
selon les données du cabinet IHS Markit. Un taux encore très proche
de son pic sur un an inscrit à 19,9% le 21 septembre dernier, qui
témoigne du fort appétit des spéculateurs à la baisse pour la
valeur.
En recul de 15% sur un an et de 301% sur trois ans, l'action chute
de 5% à 35,79 euros vendredi alors que les activités françaises de
Casino, qui génèrent l'essentiel de ses flux de trésorerie Casino,
ont vu la croissance de leur chiffre d'affaires à magasins
comparables ralentir significativement au premier trimestre. "Il
faudra voir dans quelle mesure les cessions de magasins
déficitaires, les réductions d'impôts et la possible fin du
mouvement des 'Gilets jaunes' soutiendront les résultats 2019",
s'interroge Vincent Gusdorf, analyste chez Moody's.
"Si l'action ne rebondit pas après la réalisation du plan de
cession, Casino sera obligé de céder un actif phare", prévient
Clément Genelot, analyste chez Bryan Garnier. Connaissant
l'attachement de Casino à ses enseignes françaises, absorbant
l'essentiel des investissements réalisés par le groupe, cet actif
"phare" à céder se trouve nécessairement de l'autre côté de
l'Atlantique.
"Les activités de Casino au Brésil, en Colombie, en Argentine et en
Uruguay ont une valeur de marché de 2,4 milliards d'euros, en ne
retenant que le quote-part du distributeur, quasiment équivalente
au plan de cession d'actifs conduit en France", a calculé un autre
analyste parisien. Cet intermédiaire financier estime que le groupe
a tout intérêt à quitter cette région avant de voir le risque de
change ou l'instabilité politique freiner ses résultats. "Alors que
la valorisation de ces actifs est généreuse, Casino aurait intérêt
à préparer sans tarder sa sortie d'Amérique latine pour régler
définitivement son problème d'endettement", a-t-il ajouté.
A l'automne dernier, Casino a démenti des rumeurs venues du Brésil,
selon lesquelles le distributeur avait engagé la banque Rothschild
en vue de céder sa filiale locale Grupo Pão de Açùcar (GPA). Lors
de son entretien avec l'agence Agefi-Dow Jones, David Lubek a de
nouveau nié l'éventualité d'une vente de ses activités
sud-américaines dans l'alimentaire. "Comme l'a rappelé le PDG de
GPA, la vente de Via Varejo devrait être finalisée d'ici la fin de
cette année et il n'existe pas d'autre projet de cession en dehors
de France", a affirmé le directeur financier.
Casino envisagerait-il une autre piste pour renforcer son bilan ?
Le renforcement du partenariat avec Amazon, annoncé mardi,
constitue pour de nombreux analystes les prémices d'un futur accord
capitalistique entre les deux parties. "Casino est une société
gérée de manière rationnelle donc toute proposition financière est
examinée, sur la base de ses mérites et de sa cohérence avec la
stratégie du groupe", a éludé David Lubek. Une approche de
l'e-commerçant américain ne ferait pas exception à cette
méthodologie, indique une source au fait de la relation entre les
deux entreprises.
"S'agissant d'Amazon, les discussions ne portent que sur
l'approfondissement des partenariats commerciaux", affirme
néanmoins le directeur financier.
Rapprochement ou cession significative, le marché restera à l'affût
de toute initiative susceptible de faire remonter le cours de
Casino.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31;
ddelmond@agefi.fr ed: ECH
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April 26, 2019 11:35 ET (15:35 GMT)
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