Carol Ryan,



The Wall Street Journal



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Dans le secteur du luxe, les plus beaux cadeaux n'arrivent plus dans les plus petits paquets. Compte tenu des avantages qu'apporte désormais le fait de disposer d'une taille majeure, les investisseurs peuvent s'attendre à une multiplication des opérations de rapprochement dans le secteur, du type de l'offre à 14,5 milliards de dollars présentée par LVMH pour acquérir l'américain Tiffany & Co.



La performance des entreprises de création de mode est contrastée. Hormis quelques exceptions, les petites enseignes peinent à concurrencer de grands noms comme Gucci et Louis Vuitton. Cette situation est assez surprenante dans la mesure où la tendance contraire prévaut dans le secteur des biens de grande consommation : les avancées technologiques ont levé certaines barrières à l'entrée et permis aux start-ups de prendre des parts de marché aux grandes multinationales comme Nestlé ou Procter & Gamble.



La surperformance des grandes marques transparaît clairement dans les résultats d'entreprises. Entre 2016 et 2018, LVMH, Kering et Hermès -- les trois premiers groupes de luxe cotés en Europe en termes de valorisation -- ont respectivement vu leurs ventes augmenter de 10%, 22% et 9% par an en moyenne. En comparaison, le chiffre d'affaires de Salvatore Ferragamo, Burberry et Tod's, enseignes plus petites, a reculé respectivement de 2%, 1,3% et 2,5% sur la période.



Les valorisations renforcent également la divergence entre grandes et petites sociétés du luxe, dans la mesure où les investisseurs se rangent du côté des entreprises affichant la plus forte croissance. LVMH, qui détient actuellement plus de 70 marques à travers le monde, constitue désormais une valeur clé pour les investisseurs recherchant une exposition aux dépenses multicatégories des consommateurs chinois, dans les cosmétiques, le cognac ou les sacs à main. Depuis le début 2016, sa valorisation boursière a gonflé de 180% pour atteindre 205 milliards d'euros, faisant du groupe français le deuxième groupe coté de la zone euro après le géant pétrolier Royal Dutch Shell.



Conséquence de ce développement spectaculaire, son actionnaire de contrôle, Bernard Arnault, a supplanté cette année Warren Buffett au rang de troisième homme le plus riche du monde, juste derrière les titans de la tech Jeff Bezos et Bill Gates, selon le classement de Forbes en temps réel. Sa fortune nette n'aurait qu'à augmenter de 2,3% pour atteindre celle du fondateur d'Amazon.



Les géants s'imposent dans le numérique



L'avantage que présente désormais la taille s'explique probablement par l'essor du numérique. Environ un dixième des achats de luxe se fait maintenant en ligne, selon les données de Bain & Company. Grâce à l'ampleur de leurs ressources, les grandes marques peuvent se permettre de recruter les meilleurs talents numériques et de dominer ainsi les médias sociaux. Or ces médias influent lourdement sur les décisions d'achat des consommateurs chinois et des millenials, moteurs de la croissance des ventes dans le secteur.



LVMH, Chanel, Hermès et Kering possèdent tous les ressources suffisantes pour développer en interne leur activité de commerce électronique, ce qui leur permet de garder le contrôle sur leur image de marque, leurs prix et leurs données clients. Les plus petites enseignes, qui ont du mal à attirer suffisamment de trafic vers un site indépendant, doivent en revanche faire appel à des tiers pour stimuler leurs ventes en ligne. En Chine, le britannique Burberry doit par exemple recourir à la plateforme Tmall d'Alibaba pour vendre ses produits, alors que Louis Vuitton et Hermès exploitent leurs propres sites d'e-commerce chinois.



De surcroît, la taille des enveloppes publicitaires des différents groupes de luxe reflète leur influence dans les médias sociaux. Les marques de luxe réinvestissent généralement près de 6% de leur chiffre d'affaires en marketing, selon Bernstein, ce qui signifie toutefois que leurs dépenses varient considérablement en valeur absolue.



Sur la base d'un chiffre d'affaires de 8,3 milliards d'euros en 2018, Gucci disposait l'an dernier d'un budget d'environ 500 millions d'euros, dont plus de la moitié a été consacrée aux canaux numériques. Salvatore Ferragamo disposait en comparaison de moins de 20% de ce montant. Sans surprise, ce sont les plus grandes marques, parmi lesquelles Christian Dior, Louis Vuitton et Gucci, qui ont obtenu les plus forts taux d'engagement sur Instagram et sur la plateforme chinoise de réseau social Weibo, selon une récente analyse de Bernstein.



Des emplacements particulièrement attractifs



S'agissant du commerce traditionnel, les entreprises ayant les ressources les plus importantes ont les moyens de négocier de bons emplacements dans les meilleures rues commerçantes du monde -- y compris pour les marques relativement mineures de leurs portefeuilles. La marque de prêt-à-porter haut de gamme Celine, qui appartient à LVMH, devrait par exemple générer cette année un chiffre d'affaires inférieur à 1 milliard d'euros, selon Jefferies, ce qui ne l'empêche pas de disposer à Londres d'une boutique située juste en face du vaisseau amiral de Louis Vuitton, sur Bond Street.



Les grandes entreprises ont toujours bénéficié de cet avantage, mais il revêt peut-être encore plus d'importance qu'auparavant. Les consommateurs de produits de luxe devenant de plus en plus mobiles, les dépenses tendent à converger vers les meilleures rues commerçantes des plus grandes villes.



L'importante décote de conglomérat que présentait autrefois LVMH à la Bourse de Paris a été ramenée à 5%, d'après les calculs de Jefferies. Les investisseurs qui partaient autrefois du principe que Bernard Arnault accepterait de payer des primes injustifiées pour des marques ne présentant aucune synergie avec son portefeuille existant ont semble-t-il bien accueilli son offre sur Tiffany. L'action a gagné 5%, soit plus que l'indice Euro Stoxx 50, depuis que les deux groupes ont annoncé être entrés en négociations.



La capacité des grands groupes de luxe à absorber des parts de marché va compliquer la tâche des marques indépendantes et rendre les offres d'acquisition plus alléchantes. Que les actionnaires de Tiffany acceptent ou non la proposition de LVMH, la nécessité pour les groupes de luxe d'élargir leur périmètre ne pourra qu'entraîner une multiplication des demandes en mariage dans le secteur.



-Carol Ryan, The Wall Street Journal



(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH



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November 20, 2019 03:19 ET (08:19 GMT)




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