La guerre commerciale autour d'Airbus et Boeing ne fera aucun vainqueur - DJ Plus
03 Octobre 2019 - 10:25AM
Dow Jones News
Jon Sindreu,
Agefi-Dow Jones
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Même les guerres commerciales les plus
amères peuvent donner des gagnants et des perdants. Mais dans le
cas de la bataille qui dure depuis 15 ans contre les aides
illégales à Boeing et Airbus, personne ne sortira vainqueur.
L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a accordé mercredi aux
Etats-Unis l'autorisation d'imposer des droits de douane sur 7,5
milliards de dollars de biens exportés de l'Union européenne, à la
suite d'une décision antérieure selon laquelle les Etats européens
avaient accordé des subventions illégales à Airbus.
Comme anticipé par les analystes, le Représentant américain au
commerce (USTR) en a profité pour annoncer la plus importante
mesure de rétorsion de l'histoire de l'OMC, en imposant des droits
de douane sur les avions et les équipements aéronautiques provenant
de l'UE, ainsi que sur d'autres produits agricoles et industriels.
Un nouveau front s'est ainsi ouvert dans la bataille commerciale à
multiples facettes engagée par le président des Etats-Unis, Donald
Trump.
Même si les consommateurs et l'économie au sens large peuvent
parfois souffrir des politiques protectionnistes, ces dernières
profitent généralement aux industries qu'elles visent à protéger.
Il est toutefois peu probable que ce soit le cas pour le
constructeur aéronautique américain Boeing.
D'abord, il n'obtiendra probablement aucun avantage sur Airbus en
matière de prix, car il est quasi certain que l'Europe ripostera.
L'OMC a également déterminé que Boeing avait bénéficié
d'allègements fiscaux illégaux et d'aides publiques à la recherche
et elle rendra son verdict l'année prochaine sur la possibilité
pour l'Union européenne d'imposer des tarifs douaniers comme mesure
de rétorsion. Les responsables de l'UE ont même laissé entendre
qu'ils n'attendraient peut-être pas la décision de l'OMC et
pourraient tout simplement révoquer les accords commerciaux conclus
avec les Etats-Unis.
Il est également peu probable que ces perturbations aident
l'économie américaine, car Airbus y emploie 3.000 personnes
hautement qualifiées. Le principal site du groupe européen
outre-Atlantique se situe à Mobile, en Alabama, où il assemble
l'A320, son modèle d'avion le plus vendu, et l'A220, un appareil à
la pointe de la technologie racheté au groupe canadien Bombardier
en 2017. Ces avions ont besoin de pièces importées d'Europe.
Le conflit commercial entre Washington et Bruxelles soulève
toutefois un problème plus profond : celui de l'utilité des règles
de l'OMC.
Le feu vert accordé aux droits de douane américains repose sur
l'idée que les aides illégales ont causé aux entreprises des
milliards de dollars de dommages chaque année en ventes perdues,
qui auraient pu être évitées si les gouvernements n'avaient pas
entravé le bon fonctionnement du marché.
Cependant, cette affirmation est fondamentalement fausse dans
l'industrie aéronautique qui, en raison de son importance en temps
de guerre, a toujours été liée à la recherche gouvernementale. La
défense représente 23% du chiffre d'affaires de Boeing et 17% de
celui d'Airbus. En outre, les immenses économies d'échelle
associées à la construction d'avions empêchent la concurrence de
pénétrer sur ce marché sans aide et signifient également que la
productivité des entreprises augmente une fois qu'elles atteignent
une envergure mondiale.
Avant le lancement de l'A320 en 1987, Airbus était peut-être un
constructeur d'avions structurellement déficitaire et trop
subventionné. Aujourd'hui, le principal concurrent de Boeing se
débrouille très bien seul. Quant à Boeing, sa position sur le
marché a elle-même été acquise grâce à des initiatives politiques,
comme la visite du président Richard Nixon en Chine en 1972, qui a
permis de vendre le Boeing 707 au pays asiatique. Le constructeur
aéronautique chinois Comac espère maintenant atteindre une vitesse
de libération similaire.
Au fil des ans, les avions commerciaux sont devenus moins chers,
plus sûrs et plus économes en carburant, en partie à cause de
l'intense concurrence que se livrent Airbus et Boeing, pourtant en
situation de duopole.
En essayant de réparer ce qui n'est pas brisé, l'OMC risque de
balkaniser le marché, en laissant Boeing vendre aux Etats-Unis et
Airbus en Europe. Le carnet de commandes de chaque constructeur
dispose actuellement d'environ 1.000 avions à livrer à des
transporteurs aériens de l'autre région. Mercredi, les actions des
compagnies aériennes ont souffert davantage que celles des
constructeurs aéronautiques, qui devraient répercuter à leurs
clients la plupart des hausses de coûts engendrées par les droits
de douane.
Les droits de douane ne rétabliront pas l'ordre dans le secteur
aéronautique, d'autant qu'il n'est pas certain qu'une des parties
ait réellement été lésée dans cette affaire.
-Jon Sindreu, The Wall Street Journal
(Version française Valérie Venck) ed: ECH
Agefi-Dow Jones The financial newswire
(END) Dow Jones Newswires
October 03, 2019 04:05 ET (08:05 GMT)
Copyright (c) 2019 Dow Jones & Company, Inc.
Airbus (EU:AIR)
Graphique Historique de l'Action
De Avr 2024 à Mai 2024
Airbus (EU:AIR)
Graphique Historique de l'Action
De Mai 2023 à Mai 2024