La restructuration d'Airbus amorce un nécessaire changement de trajectoire - DJ Plus
01 Juillet 2020 - 3:39PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Airbus enclenche une restructuration
historique pour réagir à la crise sanitaire. Le groupe européen
d'aéronautique a annoncé mardi soir envisager environ 15.000
suppressions de postes dans le monde dans sa branche d'aviation
commerciale, dont 5.000 en France et 5.100 en Allemagne, d'ici à
l'été 2021 au plus tard. Ce plan d'adaptation au Covid-19
représente 11,1% de la main d'oeuvre totale d'Airbus en 2019 et
18,5% des effectifs de la branche aéronautique, calcule
Jefferies.
Airbus doit désormais travailler les modalités de ce plan avec les
partenaires sociaux. Le gouvernement français comme les syndicats
ont appelé Airbus à minimiser l'impact social. Le secrétaire d'Etat
aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a demandé mercredi à
l'avionneur de limiter les départs contraints.
"Il est évident qu'une restructuration est nécessaire mais son
ampleur nous paraît excessive", indique Roland Chamerois, délégué
syndical central de la CFDT Airbus. Le syndicat Force Ouvrière a
également enjoint au groupe de revoir ses chiffres à la baisse,
affirmant qu'il n'accepterait "aucune forme de licenciements
contraints".
Les réductions d'effectifs annoncées ne tiennent toutefois pas
compte des plans de soutien de la France et de l'Allemagne, qui
doivent encore être approuvés par les Parlements des deux Etats.
Selon des calculs internes à l'entreprise, 1.500 suppressions de
postes dans chacun des deux pays pourraient être évitées via ces
différents dispositifs. Jean-Baptiste Djebbari a lui évoqué 2.000
emplois "sauvés" en France.
Une chute drastique de la demande d'avions
Douloureuse, la restructuration planifiée par le groupe européen
n'en demeure pas moins impérative. Le trafic aérien est attendu en
baisse de près de 55% en 2020 par l'Association internationale du
transport aérien (IATA) et Airbus n'anticipe pas un retour à son
niveau pré-Covid avant 2023 voire 2025. Guillaume Hue, partner du
cabinet Archery Consulting, souligne qu'en raison de cette chute,
"la demande d'avions va connaître une baisse drastique sur la
période 2020-2024, de l'ordre de 40% à 60% par rapport à ses
niveaux de pré-crise".
En conséquence, Airbus a réduit dès avril ses cadences de
production d'environ un tiers. Guillaume Faury, le président
exécutif du groupe, a également indiqué mardi aux journalistes que
l'avionneur anticipait "un niveau bas de production et de
livraisons pour les deux prochaines années".
Par ailleurs, les activités spatiales et de défense d'Airbus
peuvent difficilement jouer un rôle de parachute pour le groupe.
Cette division représentait à peine 15% des revenus du groupe l'an
passé contre près d'un tiers pour Boeing. Airbus a d'ailleurs
lancé, avant la crise du Covid-19, une restructuration propre à
cette division pour restaurer sa rentabilité.
La société européenne n'a donc d'autre choix que d'adapter sa
structure de coûts fixes. UBS évoque des "suppressions de postes
nécessaires pour préserver le leadership du groupe" et qui
devraient "permettre à Airbus de rétablir sa position
concurrentielle et de sortir de cette récession en meilleure forme
malgré la réduction significative de la production". La banque
suisse évalue jusqu'à 1,5 milliard d'euros les économies qui
pourraient être dégagées à partir de la mi-2021 au travers de ce
plan d'adaptation, tandis que Citi évoque un montant compris entre
1,2 et 1,5 milliard d'euros. Contacté par l'agence Agefi-Dow Jones,
un porte-parole d'Airbus a indiqué que le groupe n'avait pas livré
d'estimation officielle.
Un subtil équilibre à trouver
La restructuration d'Airbus doit traduire un équilibre subtil entre
les réductions de postes nécessaires et l'impératif de conserver
les compétences clefs pour anticiper la reprise et les futurs défis
de l'aéronautique. Jefferies estime à ce titre "optimales" les
baisses de main d'oeuvre annoncées pour préparer le moyen terme.
"L'ordre de grandeur des réductions d'effectifs annoncées par
Airbus paraît cohérent avec, d'une part, la nécessité de s'adapter
à très court terme au niveau du marché des trois-quatre prochaines
années et, d'autre part, la nécessité de préserver les compétences
pour assurer les remontées de cadence qui auront lieu sur la
seconde partie de la décennie", juge de son côté Guillaume Hue,
d'Archery Consulting.
Les actionnaires surveilleront ainsi les avancées de ce plan
d'adaptation en espérant que la reprise du trafic aérien soit la
plus rapide et durable possible. Si Airbus traverse la plus grave
crise de son histoire, le groupe dispose d'atouts pour saisir au
mieux le potentiel rebond, avec une gamme d'avions court- et
moyen-courriers compétitive. "La qualité des produits et le
positionnement d'Airbus doivent lui permettre de sortir plus
rapidement de cette crise", souligne Oddo BHF, qui a réitéré son
opinion à l'achat. Plus globalement, 63% des analystes sondés par
FactSet recommandent d'acheter la valeur. Ils ne sont que 41% pour
Boeing.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: VLV
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