par Matthias Blamont et Leigh Thomas
PARIS (Reuters) - Les grandes banques françaises ont passé sans encombre l'épreuve de la revue de la qualité des actifs et des tests de résistance de la Banque centrale européenne, et s'attaquent désormais au chantier beaucoup plus sensible de l'évolution de leur gouvernement d'entreprise.
Avant de prendre en charge la supervision directe des quelque 130 banques les plus importantes de la zone euro début novembre, la BCE s'était livrée pendant plusieurs mois à ces deux exercices de très grande ampleur en vue de déterminer avec précision l'Ã...
par Matthias Blamont et Leigh Thomas
PARIS (Reuters) - Les grandes banques françaises ont passé sans encombre l'épreuve de la revue de la qualité des actifs et des tests de résistance de la Banque centrale européenne, et s'attaquent désormais au chantier beaucoup plus sensible de l'évolution de leur gouvernement d'entreprise.
Avant de prendre en charge la supervision directe des quelque 130 banques les plus importantes de la zone euro début novembre, la BCE s'était livrée pendant plusieurs mois à ces deux exercices de très grande ampleur en vue de déterminer avec précision l'état des risques des établissements de crédit et leur capacité à résister à de nouveaux chocs financiers.
En 2014, les banques françaises ont pris leur part aux demandes du régulateur, poursuivi leur activité commerciale dans un contexte économique toujours contrasté - relativement porteur dans les pays émergents, atone dans la zone euro - et présenté de nouveaux plans d'action qui fixent leurs priorités stratégiques pour les prochaines années.
Pour autant, un grand nombre d'entre elles - et pour des raisons différentes - ont procédé à la nomination de nouveaux dirigeants ou se préparent à en annoncer en 2015.
Crédit agricole S.A. (CASA) pourrait être le premier des grands établissements cotés à dévoiler un processus de succession.
Le mandat de son directeur général, Jean-Paul Chifflet, arrive à expiration en mai et la Fédération nationale du Crédit agricole (FNCA), l'actionnaire majoritaire de CASA, réfléchit depuis plusieurs mois à une refonte générale de l'organisation du groupe, une démarche susceptible de s'accélérer dès le début de 2015 du fait de l'émergence récente de la Banque centrale européenne comme superviseur unique.
"Il y a, clairement, une volonté des régulateurs de nettoyer et d'harmoniser les structures de gouvernance au sein des banques en Europe, et en particulier dans les organisations complexes des mutualistes. Pour limiter les risques systémiques, les régulateurs veulent des structures de gouvernance plus claires, plus optimales", constate un banquier d'affaires parisien.
D'autres sources ont déclaré à Reuters que CASA avait réuni un conseil d'administration mardi pour aborder la question de la succession de Jean-Paul Chifflet et un comité des nominations mercredi.
Jean-Marie Sander, le président de CASA, a été écarté le 4 décembre de la vice-présidence de la FNCA tandis que le président de la fédération, Dominique Lefebvre, et son secrétaire général, Philippe Brassac, ont été réélus à l'issue d'un scrutin interne.
Le mandat de Jean-Marie Sander à la présidence de CASA arrive à échéance en 2016.
"Il est clair qu'il y a un souci de gouvernance aujourd'hui, il est avéré (...) J'ai bon espoir que les choses se règlent. La question est posée de l'équilibre entre l'actionnaire historique et le reste du groupe", note Xavier Beulin, membre du conseil d'administration de CASA et président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).
Dès lors, deux lignes pourraient s'opposer dans les prochaines semaines :
L'une, traditionnelle, en faveur de l'arrivée de Philippe Brassac à la direction générale de CASA pour asseoir l'autorité de la fédération sur le véhicule coté. L'autre, plus réformatrice, qui plaiderait pour la nomination d'un talent interne mais venu de l'extérieur de la Fédération.
Dans ce scénario, Xavier Musca, directeur général délégué de CASA en charge de la banque de proximité à l'international, ancien directeur du Trésor et ancien secrétaire général de l'Elysée, pourrait être sollicité.
Le Crédit agricole n'est pas le seul établissement mutualiste à vivre une transition. Le Crédit mutuel tourne également une page de son histoire après la démission récente de Michel Lucas, 75 ans, de ses mandats de président de la Caisse fédérale du Crédit mutuel (CFCM), de PDG de la banque fédérative du Crédit mutuel (BFCM) et de PDG du CIC. Nicolas Théry, 48 ans, lui succède à la présidence de ces trois entités.
ANNÉE NOIRE À LA BNP
Beaucoup d'observateurs du secteur bancaire estiment que les banques mutualistes gagneraient, en France du moins, à s'organiser sur le modèle retenu par le groupe BPCE, lequel a simplifié ses relations capitalistiques avec sa banque d'investissement, Natixis, en 2013.
"Le modèle qui est le plus récent et qui fonctionne le mieux, c'est BPCE. (Même) si je ne dis pas qu'il faut répliquer exactement ça dans chaque groupe", confirme un responsable prudentiel.
Si la structure de BPCE est jugée plus lisible, la situation de son président du directoire, François Pérol, est fragilisée. Le dirigeant a été mis en examen le 6 février dans le cadre d'une enquête sur les conditions de sa nomination en 2009 après avoir passé deux années à l'Elysée comme secrétaire général adjoint sous la présidence Sarkozy.
Le conseil de surveillance lui a cependant témoigné sa confiance.
Chez BNP Paribas, Jean Lemierre préside le conseil d'administration depuis le 1er décembre et succède à Baudouin Prot. La banque a vécu une année 2014 particulièrement difficile en se voyant infliger par la justice américaine une amende record de près de neuf milliards de dollars pour violation d'embargo, notamment en Iran et au Soudan.
La banque doit également faire face à l'interdiction, pour l'année 2015, d'effectuer des opérations de compensation en dollar et à une enquête préliminaire ouverte par le Parquet national financier qui s'intéresse à des ventes de titres BNP effectuées par Baudouin Prot, le directeur général délégué Philippe Bordenave et le président d'honneur du groupe, Michel Pébereau.
Une source proche du groupe a indiqué que la banque réunirait son conseil d'administration mercredi et jeudi pour faire un point complet sur la stratégie.
"Il n'y a pas beaucoup (d'autres) bouleversements à attendre dans l'organisation de BNP Paribas, c'est une entreprise qui est plutôt dans la continuité que dans le bouleversement", estime une source industrielle.
"LE SECRET LE MIEUX GARDÉ"
Société générale se prépare aussi à de possibles évolutions d'importance. Pour se conformer à la réglementation, le groupe va devoir séparer d'ici à sa prochaine assemblée générale annuelle les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général, un poste actuellement occupé par Frédéric Oudéa, qui pourrait souhaiter devenir président non exécutif.
De source proche du dossier, on indique que Séverin Cabannes, directeur général délégué, et Didier Valet, directeur de la banque de financement et d'investissement, ne sont pas candidats au poste de directeur général.
"C'est le secret le mieux gardé actuellement à la Société générale !", fait valoir un connaisseur du groupe.
La Fédération bancaire française, la Banque de France, BNP Paribas, Société générale et BPCE n'ont pas souhaité faire de commentaires sur ces questions. Des porte-parole de Crédit agricole n'ont pas répondu aux demandes de Reuters.
(Avec Matthieu Protard, Jean-Michel Bélot, Yann Le Guernigou, édité par Jean-Michel Bélot)
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