KLEPIERRE : « Quand les taux remonteront, les revenus de Klépierre suivront »
Laurent Morel - Président du Directoire
06/03/15 à 17:35 - Investir.fr 0 Commentaire(s)
La société doit conclure son rapprochement avec le Néerlandais Corio fin mars. Le nouvel ensemble, deuxième foncière commerciale européenne derrière Unibail-Rodamco, reste présidé par Laurent Morel.
Laurent Morel, Président du Directoire de Klépierre Laurent Morel, Président du Directoire de Klépierre | Crédits photo : Patrick Lazic
Vous avez mené la plus importante opération financière du secteur depuis...
KLEPIERRE : « Quand les taux remonteront, les revenus de Klépierre suivront »
Laurent Morel - Président du Directoire
06/03/15 à 17:35 - Investir.fr 0 Commentaire(s)
La société doit conclure son rapprochement avec le Néerlandais Corio fin mars. Le nouvel ensemble, deuxième foncière commerciale européenne derrière Unibail-Rodamco, reste présidé par Laurent Morel.
Laurent Morel, Président du Directoire de Klépierre Laurent Morel, Président du Directoire de Klépierre | Crédits photo : Patrick Lazic
Vous avez mené la plus importante opération financière du secteur depuis la fusion d’Unibail avec Rodamco en 2007. Comment se déroule le rapprochement avec Corio ?
L’offre publique d’échange s’est terminée le 16 janvier, à l’issue de laquelle 93,6% des titres Corio étaient détenus par Klépierre. Nous avions préparé la fusion des deux entités depuis un moment et le plan d’intégration est déjà lancé. Des responsables ont été nommés pour chaque pays. Nous sommes tout à fait prêts à mettre en œuvre les synergies annoncées, c’est-à-dire 20 millions d’euros en rythme annuel dès 2015, avec un objectif parfaitement tenable de 60 millions d’ici trois à cinq ans.
Quel sera le nom du nouvel ensemble ?
Le nom de la société restera Klépierre.
Au-delà des 60 millions annoncés, quels bénéfices pouvez-vous tirer de votre changement de taille ?
L’effet taille est significatif, car avec Corio nous augmentons de 50 % notre patrimoine de centres commerciaux de référence. Toutefois, ce n’est pas quelque chose de nouveau pour Klépierre, car nous étions déjà un acteur paneuropéen de référence pour les enseignes. A ce titre, notre groupe était déjà le premier bailleur de H&M, Sephora, et McDonald’s en Europe, pour ne citer que ceux-là. Certes le rapprochement avec Corio nous donne encore plus de poids dans cette relation avec les grandes enseignes. Dans notre métier, il faut à la fois avoir la taille critique pour travailler sur un pied d’égalité avec elles et – surtout – être pertinent localement. Sur chacune des zones de chalandise il faut avoir une position locale qui, pour l’enseigne, soit incontournable. Dans l’Est parisien, une enseigne ne peut faire l’impasse de Val-d’Europe ou Créteil. A Paris, tout le monde veut aller à Saint-Lazare ! A Toulouse, il faut être à Blagnac ; à Montpellier, c’est Odysseum ; à Rome, il faut être à Porta di Roma ; à Rotterdam, il faut être à Alexandrium ; etc. Par ailleurs, nous avons déjà beaucoup d’histoires de développement d’enseignes. Klépierre a été le premier à amener Victoria’s Secret en Europe, dans son centre d’Emporia, en Suède.
L’intense programme de cessions mené au cours des dernières années touche-t-il à sa fin ?
La rotation continue de nos actifs fait partie de notre stratégie. Klépierre a cédé 4 milliards d’euros d’actifs en trois ans, Corio a cédé 2 milliards et nous n’allons pas changer cette stratégie de gestion. Il y a deux façons de créer de la valeur dans ce métier. La première, c’est de faire mieux avec ce qu’on a, par exemple en renégociant certains baux ; la seconde, c’est d’améliorer notre patrimoine par rotation du capital. Il faut toujours juger une entreprise comme la nôtre par sa performance de gestion et sa performance d’allocation. Je crois que depuis trois ans Klépierre a fait preuve d’une grande maîtrise sur ces deux axes. Nous avons à la fois cédé un nombre important d’immeubles, comme les galeries commerciales vendues à Carrefour, et réalloué du capital avec l’acquisition de Corio. Nous avions pour objectif de nous recentrer sur un seul type d’actifs – les centres commerciaux de référence en Europe – et de réduire notre dette à 40 % de nos fonds propres. Ces objectifs annoncés début 2012, réaffirmés et soutenus par l’arrivée de Simon Property Group au capital, ont été remplis dès le début de l’année dernière. Tout cela a conduit à la notation A- octroyée par S&P à Klépierre, qui nous permet de nous financer dans les meilleures conditions. Nous allons continuer à rechercher cette performance d’allocation, en saisissant les opportunités d’acquisition ou de développement qui offriraient un meilleur profil de croissance que celui des actifs cédés. Nous allons donc faire un arbitrage sur certains actifs, qui vont convenir à des fonds ou des assureurs parce qu’ils offrent un rendement sécurisé sur les vingt ans qui viennent, mais qui n’ont pas le même profil de croissance que celui que l’on peut obtenir sur des actifs que nous avons nous-mêmes développés ou acquis.
En termes de taille, les actifs dont vous parlez font-ils partie des plus petits ?
Pas forcément. Prenez l’exemple de Saint-Lazare. Ce centre commercial ne fait que 11.000 m² et c’est pourtant un des plus performants!
Y aura-t-il des arbitrages géographiques ?
Klépierre est partisan d’une exposition spécifique à certaines zones. Nos centres commerciaux sont implantés dans les villes ou les régions d’Europe qui présentent les plus forts taux de croissance démographique et de revenus. Pour ce qui est de la France, c’est la région parisienne ou les agglomérations du sud de la France, notamment Bordeaux, Toulouse, Montpellier ou Marseille.
Investir en Grèce est-il envisageable ?
La Grèce représente actuellement moins de 0,5 % de nos revenus, et je ne crois pas qu’il y ait des perspectives de croissance favorables pour notre métier à l’heure actuelle.
Comment va évoluer la dette maintenant que vous êtes à 40 % de levier ?
L’actionnaire de Klépierre achète avant tout un cash-flow en croissance, mais pas à n’importe quel prix. Il y a un élément de sécurité dans ce revenu qui est primordial pour l’investisseur. L’environnement actuel de taux bas et d’inflation stagnante n’est pas une raison, selon moi, pour augmenter le levier. Vous savez comme moi que les taux bas ne sont pas éternels. Nous avons atteint notre objectif et n’avons pas l’intention de revenir sur nos pas. En ce qui concerne le coût moyen de la dette, il est à 3 % pour 2014 contre 3,5 % en 2013, et devrait continuer à baisser au fur et à mesure de nos opérations tant que les taux restent bas.
Va-t-il égaler le chiffre publié par Unibail (2,6 %) ?
Il n’y a plus beaucoup d’écarts structurels entre la dette d’Unibail et la nôtre, à l’heure actuelle. L’année 2015 va être consacrée à un travail sur la dette ex-Corio.
Certaines études pointent du doigt la croissance du parc commercial français, jugée dangereuse alors que la consommation est en baisse. Craignez-vous une situation de « suroffre » ?
Il y a toujours un risque de surproduction marginale dans un environnement concurrentiel normalement ouvert. La seule alternative à cela, c’est la réglementation totale de l’économie. Il est normal que dans un pays ouvert comme le nôtre, il y ait une forme de libre entreprise. Cela étant dit, Klépierre gère des centres commerciaux depuis très longtemps, avec des règles à respecter pour que ceux-ci fonctionnent, comme les liaisons avec l’infrastructure de transport, la centralité urbanistique, et l’accompagnement d’une évolution démographique. On peut créer des centres commerciaux, mais il faut les rentabiliser par la suite. La logique de Klépierre c’est de sélectionner des emplacements qui permettent de capter une clientèle nouvelle ou en formation. Certains centres sont créés de manière trop hardie, dans des régions trop reculées, sans respecter ces règles fondamentales : ils n’auront peut-être pas le succès escompté. Pour ce qui est de Klépierre, je vous rassure, l’exigence est là et je suis convaincu que le succès sera au rendez-vous.
Comment vous adaptez-vous à l’essor du commerce par Internet ?
Nous sommes convaincus qu’Internet représente une formidable opportunité, à la fois de multiplier les canaux de communication avec les consommateurs mais aussi d’enrichir leur expérience dans nos centres. Nous avons été les premiers à digitaliser la publicité dans les centres commerciaux. Un accord passé avec le groupe média Clear Channel nous a permis d’équiper tous nos grands centres commerciaux de panneaux publicitaires numériques similaires à ceux que l’on trouve dans le métro. C’est un support qui est en train de s’imposer. Par ailleurs nos centres commerciaux disposent chacun d’un site Internet propre, très orienté produits, avec notamment tous les catalogues des enseignes. Le but n’est pas vraiment de vendre sur Internet. Un grand industriel américain disait que le digital transforme tout mais ne remplace rien, du point de vue immobilier. C’est-à-dire qu’il transforme complètement la relation des gens avec l’endroit sans remplacer l’endroit, qui conserve son rôle de délivrance du produit et concentre la valeur ajoutée.
Le cours de Bourse a beaucoup monté ces dernières années. Si cela continue, allez-vous encore augmenter le dividende pour maintenir un rendement élevé ?
La promesse de Klépierre, c’est un business model sain. Les deux indicateurs clés à regarder sont la croissance des cash-flows et la maîtrise de l’endettement. Il est facile de faire croître les cash-flows en augmentant le levier, surtout avec les taux actuels. Nous sommes les seuls à maintenir un faible niveau d’endettement tout en augmentant nos cash-flows, c’est notre business model fondamental. Nous faisons progresser le dividende parallèlement à la croissance du cash-flow net courant par action. En 2014 il est resté stable à 2,07 € alors que nous avons cédé des actifs représentant 125 millions de loyers et que nous nous sommes désendettés de 1,8 milliard d’euros. C’est une énorme performance opérationnelle et financière, obtenue grâce aux taux bas et aux extraordinaires gains de productivité que nous avons réalisés. Pour l’année prochaine nous augmenterons le dividende, si le cash-flow net courant continue à croître comme nous le prévoyons.
Beaucoup de foncières cotent maintenant au-delà de la valeur de leur ANR, comment le percevez-vous ?
Les valeurs d’actifs ont toujours un temps de retard en immobilier puisqu’elles s’appuient sur les transactions de marché. Je ne suis pas sûr que les ANR d’aujourd’hui correspondent à la réalité. En revanche, le rapport entre le prix de l’action et le cash-flow net par action est dans des ordres de grandeur relativement habituels. Il reflète moins l’optimisme des gens sur les perspectives économiques générales que la confiance dans le business model de Klépierre en particulier.
Craignez-vous la hausse des taux d’intérêt ?
Nous avons la chance d’avoir un business model qui nous permet à la fois de profiter des taux quand ils sont bas et de faire croître notre activité en période d’inflation. En effet nos revenus sont indexés sur l’inflation, puisque nos loyers comportent une partie liée au chiffre d’affaires du client. Quand les taux remonteront, c’est-à-dire quand l’inflation redémarrera, les revenus de Klépierre suivront. Avec un décalage d’un an tout au plus.
Klépierre a-t-il sa place au Cac 40 ?
Nous avons une belle histoire à raconter. Il faut souligner la réussite extraordinaire du secteur des Siic, qui a un leadership européen et français, avec des grands champions, dont Klépierre fait partie. Les Siic entraînent dans leur sillage tout une industrie de l’immobilier français. Compte tenu de la réussite de Klépierre, ce n’est donc pas illégitime. Pourquoi ne pas en faire profiter un plus large public ?
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