Carol Ryan,



The Wall Street Journal



LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Alors que l'explosion de l'e-commerce fait planer depuis des années une épée de Damoclès dans le ciel des exploitants de centres commerciaux, c'est maintenant au tour de la pandémie de faire souffler un vent mauvais sur le secteur.



Les valeurs boursières ont beau sembler bon marché, les investisseurs ont sans doute intérêt à se cantonner au lèche-vitrine tant que les répercussions de long terme sur les revenus locatifs restent incertaines.



Les sociétés foncières cotées du secteur de la distribution comptent au nombre des plus grands perdants de la crise sanitaire. Le titre de la franco-néerlandaise Unibail-Rodamco-Westfield, propriétaire de centres commerciaux Westfield à Londres, Paris et San Francisco, entre autres, a perdu près des deux-tiers de sa valeur cette année.



La valorisation boursière de son concurrent américain Simon Property Group a pour sa part été divisée par deux. Sur le papier, ces valeurs jadis fiables affichent maintenant un rendement du dividende d'environ 10%, même après réduction des versements.



Une dette exponentielle



Les centres commerciaux constituaient jusqu'à présent une source fiable et régulière de revenus -- l'une des raisons pour lesquelles ils occupaient traditionnellement une place de choix dans le portefeuille des fonds de pension. Ce facteur explique également pourquoi ces foncières sont entrées dans la crise avec une dette exponentielle. Les foncières européennes affichent un endettement net moyen de 13,4 fois l'excédent brut d'exploitation attendu, selon le cabinet de conseil en immobilier Green Street.



Leurs concurrentes américaines sont légèrement moins endettées. Il est de plus en plus difficile d'estimer l'évolution de leurs revenus locatifs. Moins d'un tiers des loyers dus en avril ont été collectés par les exploitants américains de centres commerciaux, selon Fitch Ratings.



Des baisses de loyers pérennes seront nécessaires pour éviter une explosion des taux d'inoccupation. Même des marques internationales bien financées comme la chaîne suédoise de prêt-à-porter H&M ont entamé des négociations pour obtenir des réductions pouvant aller jusqu'à 25%. Les dépôts de bilan de grands magasins comme J.C. Penney pourraient se révéler particulièrement épineux : aux Etats-Unis, des clauses locatives autorisent en effet les détaillants à interrompre leur bail sans pénalité si les magasins phares du centre commercial où elles sont situées restent vacants pendant 12 à 18 mois.



La menace exponentielle du e-commerce



La pandémie a également accentué les risques que présentaient déjà pour les exploitants le commerce en ligne. Bernstein estime que d'ici à la fin de cette année, 23% de l'ensemble des achats de vêtements en Europe se feront en ligne, contre 18% en 2019. Les Etats-Unis sont confrontés à une augmentation similaire du commerce électronique, alors que le pays dispose maintenant d'un périmètre record d'espaces commerciaux. Le ratio actuel est de neuf centres commerciaux pour un million de foyers, selon les données d'UBS, contre huit centres commerciaux en 1980, lorsque le commerce en ligne n'existait pas.



Les créanciers commencent à s'inquiéter de la solvabilité des exploitants de galeries marchandes. Le taux des obligations à 10 ans émises par les enseignes européennes de prêt-à-porter a augmenté de près de 4 points de pourcentage depuis mars, à 6,6%, indique Rob Virdee, de Green Street. En comparaison, le taux moyen de 2,1% des titres de dette émis par les propriétaires d'immeubles commerciaux semble exagérément optimiste.



Les actifs fonciers sont certes rassurants pour les actionnaires comme pour les porteurs d'obligations, mais leurs valorisations sont pour l'heure extrêmement incertaines. La valeur d'entreprise, qui tient compte de la dette et de la capitalisation boursière, offre une bonne indication de la façon dont les investisseurs valorisent l'impact de la Covid-19 sur les portefeuilles immobiliers sous-jacents. La valeur d'entreprise d'Unibail-Rodamco-Westfield a reculé de seulement 15% cette année, alors que celle de l'américaine Simon Property a chuté de 35%.



L'avenir des centres commerciaux s'annonçant assez chaotique, les investisseurs à la recherche de bonnes affaires en trouveront sûrement de plus intéressantes ailleurs.



-Carol Ryan, The Wall Street Journal



(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH



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July 09, 2020 07:33 ET (11:33 GMT)




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