Le coronavirus prive le secteur bancaire de toute base de repli - Plus Inter
20 Mars 2020 - 1:40PM
Dow Jones News
Rochelle Toplensky,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Un problème pour les compagnies
aériennes est un problème pour les banques. Un problème pour les
groupes pétroliers est un problème pour les banques. Un problème
pour les restaurants devient aussi celui des banques.
Epine dorsale de l'économie, les banques ne sont épargnées sur
aucun front. Habituellement protégées par la diversité des crédits
qu'elles accordent, puisque seuls un ou deux secteurs ou régions
rencontrent généralement des difficultés à un instant T, elles sont
maintenant frappées de plein fouet par la suspension généralisée de
la vie économique destinée à freiner l'expansion de la pandémie
actuelle. Cette suspension génère une crise qui touche à peu près
toutes les industries, dans toutes les zones géographiques.
Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que les investisseurs
du secteur bancaire aient les nerfs à vif. En Europe, les actions
ont quasiment perdu la moitié de leur valeur cette année et sont
revenues à des niveaux qui n'avaient plus été observés depuis les
années 1980, tandis que le coût de l'assurance contre un risque de
défaut des banques, représenté par les CDS, ne cesse d'augmenter
depuis la fin février. Les obligations dites AT1 (additional Tier
1), emprunts perpétuels pouvant être convertis en actions ou
dépréciés, voire annulés, si le ratio de solvabilité d'une banque
tombe sous un certain seuil, ont plongé d'environ 20% ou plus ce
mois-ci.
Les détenteurs de ces titres de dette subordonnée AT1, ou CoCos,
peuvent perdre leur mise si l'émetteur a besoin de fonds propres
supplémentaires. Ce risque est compensé par des taux d'intérêt très
élevés. Si, pour les investisseurs en quête de rendement, le pari
semblait relativement sûr voilà encore quelques mois, ce n'est
désormais plus le cas.
Les règles prudentielles ont renforcé le secteur
Les banques sont bien plus solides maintenant qu'il y a dix ans,
les nouvelles règles prudentielles mises en place depuis la crise
financière de 2008 les ayant contraintes à augmenter leurs ratios
de fonds propres. Bon nombre d'entre elles se demandent pourtant si
leurs réserves seront suffisantes.
Le problème fondamental est lié au fait que l'ampleur de la vague
de défauts à venir est impossible à estimer. Même dans des
circonstances normales, seules les banques connaissent réellement
l'état de leurs portefeuilles de prêts.
Les rapports financiers donnant maintenant des informations plus
fournies et détaillées qu'auparavant, il est possible de glaner
quelques indices ici et là. En Europe, la néerlandaise ING semble
lourdement exposée à un secteur gazier et pétrolier dont l'état de
santé s'est sensiblement détérioré. Selon les analystes de RBC
Capital Markets, il en va de même pour la britannique Barclays et
pour les françaises BNP Paribas, Crédit Agricole et Société
Générale.
Ces données ne reflètent toutefois qu'un côté de la médaille. Ces
prêts servent-ils à de nouveaux projets d'exploration pétrolière, à
l'issue nécessairement incertaine, ou bien à la construction
d'usines pétrochimiques ? L'emprunteur est-il un géant du secteur
présentant un niveau d'endettement relativement bas, ou une petite
entreprise naviguant sur la corde raide ?
Le secteur pétrolier, source d'inquiétude
Les producteurs d'or noir sont une source d'inquiétude majeure
parce qu'ils empruntent des milliards et se trouvent confrontés à
une brutale chute des cours. Mais qu'en est-il des prêts accordés
par les banques aux compagnies aériennes, aux groupes de
divertissement ou même aux distributeurs ? Alors qu'Européens et
Américains sont maintenant confinés chez eux, nombreux sont les
secteurs qui risquent de voir leur trésorerie réduite à néant même
si l'état d'urgence se révèle de courte durée, ce qui serait le
scénario le plus favorable.
Les abaissements de taux pourront sans doute venir au secours de
quelques emprunteurs et retarder les défauts de paiement, mais à
plus long terme, ils pénaliseront les banques qui auront déjà du
mal à dégager des bénéfices. La volonté manifeste des gouvernements
à garantir les prêts et à dégainer l'arsenal budgétaire est
davantage appréciée.
La reprise qui semble peu à peu se profiler en Chine donne quelques
motifs d'optimisme quant à la durée et à l'impact économique des
mesures de confinement en Europe et aux Etats-Unis. Reste que le
rebond chinois demeure très incertain et que les gouvernements,
systèmes économiques et établissements de prêts occidentaux n'ont
rien à voir avec ceux de la Chine. Il n'existe en Occident aucun
précédent valable d'une récession découlant d'une pandémie.
Les investisseurs n'auront sans doute aucune réelle visibilité sur
la situation avant le mois d'avril, lorsque les banques publieront
leurs résultats du premier trimestre. Les nouvelles règles
comptables obligent les banques européennes et américaines à
comptabiliser les pertes sur prêts plus rapidement qu'auparavant.
Même si cette prise en compte anticipée risque de susciter des
craintes, elle devrait également fournir de précieuses informations
sur les banques les plus exposées à la crise actuelle.
Une chose est sûre : pour les banques, la prochaine saison de
publication des résultats sera la plus scrutée de ces dernières
années.
-Rochelle Toplensky, The Wall Street Journal
(version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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March 20, 2020 08:20 ET (12:20 GMT)
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