Face à l'inflation, la grande distribution dispose d'une marge réduite - DJ Plus
07 Octobre 2021 - 3:51PM
Dow Jones News
François Schott,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Loin d'être une aubaine pour les
distributeurs français, le retour de l'inflation constitue plutôt
un dilemme. Sur un marché très concurrentiel, répercuter les
hausses des prix des produits alimentaires et des coûts logistiques
sur ses clients peut conduire à des pertes de parts de marché et de
chiffre d'affaires. L'alternative consiste à rogner sur des marges
déjà peu reluisantes.
Pour l'heure, la valse des étiquettes n'a pas eu lieu dans les
grandes surfaces. Alors que les prix à la pompe flambent depuis
plusieurs semaines, ceux observés à l'intérieur des magasins
restent sages. En septembre, sur un an, ils ont même reculé de
0,57%, selon les données compilées par la société IRI à partir de
l'analyse des tickets de caisse des clients.
Cette modération est due au fait qu'en France, les prix de nombreux
produits de grande consommation sont fixés une fois par an, à la
fin février, au terme de négociations commerciales entre
distributeurs et industriels de l'agro-alimentaire.
Cependant, certains produits échappent à cette logique, comme les
marques distributeurs et les produits non transformés. Sur ces
dernières catégories, des hausses sont bien observées. L'inflation
sur les pâtes "premier prix" atteint près de 10% en septembre sur
un an, selon IRI.
Le papier et les fruits et légumes sont également concernés. "Ces
hausses de prix sont liées à des facteurs conjoncturels, notamment
un été pourri en France qui a entraîné de mauvaises récoltes",
souffle une source au sein d'un grand distributeur, ajoutant qu'il
est trop tôt pour parler d'inflation généralisée.
Les indépendants prêts à relancer la guerre des prix
Pour Clément Génelot, analyste chez Bryan, Garnier & Co, les
distributeurs français ne peuvent pas se permettre de répercuter
l'intégralité de la hausse des coûts d'achat.
"Plus un marché est concurrentiel, moins il y a d'inflation car les
acteurs sont prêts à rogner sur leurs marges. L'inflation ne mettra
pas fin à la guerre des prix entre distributeurs, d'autant moins
qu'ils sont confrontés à des pertes de chiffre d'affaires liées à
la réouverture des restaurants et des lieux de loisirs",
avance-t-il.
Une inflation modérée peut cependant se révéler positive pour les
distributeurs et leurs fournisseurs. "Si l'impact est mesuré, cela
permet à la chaîne d'approvisionnement de rester saine et les
clients peuvent l'accepter", souligne Nishant Choudhary, analyste
chez AlphaValue, ajoutant que les commerçants ne répercuteront
probablement pas l'ensemble de la hausse des coûts sur leurs
clients.
Certaines enseignes ont déjà indiqué qu'elles étaient prêtes à
rogner sur leurs marges. C'est le cas de Leclerc qui entend ainsi
défendre les parts de marchés gagnées pendant le confinement. "Si
les indépendants comme Leclerc ou Intermarché font en sorte de
freiner au maximum l'inflation en magasins, Carrefour sera obligé
de suivre. Pour Casino, c'est plus compliqué car ils ne peuvent pas
se permettre de baisser davantage leurs marges", affirme Clément
Génelot.
Un fardeau à partager avec les fournisseurs
Les distributeurs comptent sur les prochaines négociations
commerciales afin de contenir au maximum la hausse des prix en
2022. Mais en face, les fournisseurs fourbissent leurs armes.
Plusieurs grands noms de l'agro-alimentaire dont Nestlé, Unilever
et PepsiCo ont déjà annoncé des hausses de prix liées à la flambée
de certaines matières premières, mais aussi des coûts de transports
et des emballages.
Le projet de loi Egalim2, qui doit être adopté avant la fin de
l'année, pourrait par ailleurs limiter les marges de négociation.
Il entend sanctuariser les prix des denrées agricoles au travers de
contrats passés entre agriculteurs et industriels, et prévoit une
clause de renégociation des prix fournisseurs en cas de variation
de coûts des intrants, dont le transport et les emballages.
"Bien que nous attendions davantage de détails pour comprendre
pleinement l'impact d'Egalim2, nous pensons que les fournisseurs et
les distributeurs partageront le fardeau d'une éventuelle
augmentation des prix. Les distributeurs pourraient se tourner vers
d'autres sources de revenus, en exploitant notamment les données
des clients et les outils analytiques afin renforcer leurs offres
de marketing auprès des fournisseurs", souligne Nishant Choudhary,
chez AlphaValue.
Contrer l'inflation constitue un nouveau défi pour les
distributeurs traditionnels, qui sont également confrontés à la
montée en puissance des distributeurs low-cost et des acteurs du
e-commerce. Après un bon début d'année en Bourse, Carrefour et
Casino marquent le pas. Leurs titres ont abandonné respectivement
6% et 11% depuis la fin juin, contre une hausse de 1% pour le CAC
40. Les analystes s'attendent à une nette décélération des ventes
en données comparables au troisième trimestre, du fait notamment
d'effets de base défavorables. Mais si l'inflation perdure, les
investisseurs devront également surveiller le niveau des marges au
cours des prochains trimestres.
-François Schott, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 92;
fschott@agefi.fr ed: ECH
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