La démographie chinoise devient à son tour inquiétante pour le luxe - DJ Plus
01 Octobre 2020 - 10:06AM
Dow Jones News
Carol Ryan,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Et si les Chinois perdaient leur intérêt
pour la haute couture française ? Cette idée semble inconcevable à
l'heure actuelle, mais la dépendance du secteur du luxe à une seule
nationalité accroît les risques attachés à des valeurs telles que
Hermès et Kering, la maison mère de Gucci.
La pandémie de Covid-19 aggrave des distorsions préexistantes pour
de nombreuses marques de mode. Les dépenses en vêtements et sacs à
main coûteux se redressent rapidement en Chine, mais restent
faibles partout ailleurs. D'ici au milieu des années 2020, près de
la moitié des dépenses mondiales de luxe proviendront de
ressortissants chinois, à comparer à 35% en 2019, estime le cabinet
de conseil Bain.
A l'heure actuelle, les investisseurs considèrent cette exposition
comme un élément favorable. Les ventes en Chine de Louis Vuitton et
Christian Dior, les principales marques du géant français du luxe
LVMH, ont bondi de 65% au deuxième trimestre par rapport à la
période correspondante de 2019. Depuis le début de l'année,
l'action LVMH accuse un repli limité de 1,7% tandis que son rival
Hermès affiche une hausse de 12%.
La situation n'est pas inédite pour les marques. En 1985, 55% des
ventes mondiales de produits de luxe étaient destinées aux
Japonais, selon le courtier Bernstein. Cette époque présente de
nombreux points communs avec l'essor actuel des ventes en Chine : à
la faveur d'une croissance économique élevée, une nouvelle classe
moyenne aisée s'est ruée sur les produits de luxe européens pour
prouver sa richesse et n'a pas lésiné sur les achats lors de
voyages à l'étranger consacrés au shopping.
Aujourd'hui, les jeunes consommateurs chinois dont les revenus sont
soutenus par l'épargne de leurs parents représentent une source
majeure de croissance pour les marques de luxe. Ils ne sont pas
sans rappeler les "célibataires parasites" du Japon qui, dans les
années 1990, vivaient dans la maison familiale sans payer de loyer
et consacraient une grande partie de leur salaire à l'achat
d'objets de marque.
Obstacles démographiques
Le boom du luxe au Japon ne s'est pas achevé parce que la
croissance a ralenti - les fashionistas ont continué de dépenser
pendant la "décennie perdue" des années 1990 - mais pour des
raisons démographiques. Avec le vieillissement de la population,
les jeunes consommateurs dépensiers n'ont pas été remplacés en
nombre suffisant pour maintenir la demande à un niveau élevé.
Aujourd'hui, les Japonais ne représentent plus que 10% des ventes
mondiales de produits de luxe.
La Chine se situe à un stade de développement économique plus
précoce que le Japon des années 1980. Les investisseurs les plus
optimistes sur le secteur du luxe estiment donc que l'émergence
d'une classe moyenne toujours plus importante en Chine permettra à
la demande de continuer à augmenter. Mais le pays le plus peuplé du
monde pourrait se heurter à des obstacles démographiques plus tôt
que le Japon.
Le taux de fécondité en Chine est depuis longtemps inférieur au
seuil de renouvellement de la population et n'a augmenté que
marginalement - à 1,7 enfant par femme selon les dernières données
de la Banque mondiale - depuis que Pékin a mis fin à sa politique
de l'enfant unique en 2015. Les coûts liés au vieillissement de la
population pourraient peser sur le revenu disponible des Chinois à
l'avenir.
Le défi le plus immédiat pour les marques de luxe consiste à
protéger leur image d'exclusivité. Avec les stocks d'invendus qui
se trouvent dans les boutiques américaines et européennes, la
tentation est grande d'inonder le marché chinois de produits. Des
signes suggèrent que certaines marques ne résistent d'ailleurs pas
à l'appel : selon le cabinet de conseil Gartner, un indicateur des
dépenses des groupes de luxe dans les médias sociaux en Chine a
augmenté de 230% sur un an au deuxième trimestre. La bulle du luxe
au Japon a notamment éclaté parce que les marques étaient devenues
trop populaires, perdant ainsi de leur attrait.
Les créateurs n'ont guère d'autre choix que de courtiser les
Chinois. Les autres nationalités ne répondent pas aux appels à la
consommation, notamment en Europe. Selon le cabinet de courtage
Jefferies, les ventes de produits de luxe aux consommateurs
européens sont restées stables au cours des dix dernières années.
Mais le secteur est désormais trop dépendant d'un seul pays. Les
cours de Bourse des groupes de luxe devraient intégrer les risques
que cette situation engendre plutôt que la récompenser.
-Carol Ryan, The Wall Street Journal
(Version française Valérie Venck) ed: ECH
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October 01, 2020 03:46 ET (07:46 GMT)
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