Les marques de luxe européennes dépendent plus que jamais de la Chine - Plus Europe
25 Mai 2020 - 11:06AM
Dow Jones News
Carol Ryan,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les grandes marques de luxe font grand
cas de leur héritage européen, mais leur avenir est plus que jamais
chinois. Cette contradiction, même si elle s'inscrit sur le long
terme, pose un problème immédiat : ces marques disposent d'un trop
grand nombre de boutiques sur leur continent d'origine.
Bien qu'il soit encore difficile d'évaluer les différents impacts
de la crise du Covid-19 sur le secteur, il est raisonnable
d'affirmer que les marques de luxe seront plus que jamais
tributaires des ventes aux consommateurs chinois - et du territoire
chinois lui-même.
Avant la propagation du nouveau coronavirus, des marques comme
Hermès, le fabricant du sac à main Birkin, et Burberry, spécialiste
des trench-coats, réalisaient déjà plus d'un tiers de leurs ventes
mondiales auprès des consommateurs chinois. Ceux-ci ont dépassé les
Américains en tant que principaux acheteurs de produits de luxe
dans le monde en 2011. La crise pourrait amplifier cette tendance,
les consommateurs chinois retrouvant leur enthousiasme pour les
sacs à main et les montres haut de gamme plus rapidement que les
Américains et les Européens. Burberry, qui a publié vendredi ses
comptes annuels, a indiqué que les consommateurs avaient fait la
file d'attente devant certaines boutiques réouvertes en Chine
continentale.
Le Fonds monétaire international s'attend à ce que la crise
sanitaire frappe les économies américaine et européenne plus
durement que la Chine. Et les amateurs de luxe chinois, qui sont
pratiquement plus jeunes de vingt ans et moins endettés que leurs
homologues occidentaux, peuvent se permettre de dépenser une plus
grande part de leur revenu disponible pour s'offrir des objets de
marque.
"Dépenses de revanche"
Des signes d'un phénomène que les analystes financiers qualifient
de "dépenses de revanche" se manifestent déjà, alors que les
mesures de confinement sont levées dans les villes chinoises et que
les consommateurs se dirigent à nouveau vers les centres
commerciaux. Bain & Company estime que d'ici à 2025, jusqu'à
49% des ventes mondiales de produits de luxe seront réalisées
auprès des acheteurs chinois, ce qui représente une augmentation de
46% par rapport aux précédentes prévisions établies par le cabinet
de conseil.
Les anticipations d'une reprise économique relativement rapide,
menée par la Chine, expliquent en partie pourquoi certaines valeurs
de luxe ont plutôt bien résisté. Cela malgré une baisse attendue de
35% des ventes du secteur cette année, par rapport à 2019 - soit
trois fois le recul accusé en 2009. Le titre Hermès progresse de 3%
depuis le début janvier, tandis que celui de LVMH, leader du
secteur, recule de 14%. Dans le même temps, l'indice Stoxx Europe
600 a abandonné 17%.
Il est cependant plus difficile d'anticiper les dépenses des
consommateurs chinois maintenant que les craintes d'infection
compromettent les voyages long-courriers. L'année dernière, les
consommateurs chinois ont réalisé 70% de leurs achats de luxe à
l'étranger ou à Hong Kong, souvent à l'occasion de voyages en
Europe où il est beaucoup moins onéreux d'acheter des articles de
marque. Un sac à main Speedy 25 de Louis Vuitton coûte actuellement
46% plus cher à Shanghai que dans une boutique européenne, selon
une comparaison de prix effectuée par les analystes de la maison de
courtage Jefferies.
Dans la mesure où le trafic aérien ne devrait pas retrouver son
niveau d'avant la pandémie avant 2023, les marques de luxe ont
intérêt à ce que les Chinois dépensent à domicile.
Bain & Company table sur un quasi triplement des ventes de luxe
en Chine continentale d'ici à 2025, à 88 milliards d'euros.
Certaines marques comme Gucci et Burberry possèdent déjà de
nombreuses boutiques dans le pays. D'autres, comme Christian Dior,
propriété de LVMH, en ont moins. Elles sont prêtes à ouvrir de
nouveaux points de vente et à investir massivement dans des
plateformes en ligne et dans la logistique afin de capter la hausse
attendue des dépenses.
Perspectives incertaines pour les boutiques européennes
L'extension de la présence des marques de luxe en Chine risque
d'avoir des conséquences en Europe, où les acteurs du secteur
pourraient réduire leur réseau de magasins. En 2019, la moitié du
chiffre d'affaires des boutiques de luxe européennes s'est faite
auprès de visiteurs d'autres continents.
Ce flux de clients s'est tari du jour au lendemain, avec peu de
perspectives de retour immédiat. Bain & Company estime que les
ventes de luxe sur le Vieux continent mettront du temps à repartir,
et pourraient être en 2025 inférieures de 14% au chiffre enregistré
en 2019. Face à cette lente reprise, les groupes de luxe
n'abandonneront pas leurs magasins phares de la rue Saint-Honoré à
Paris ou de Bond Street à Londres, mais ils n'hésiteront pas à
fermer ou à réduire les emplacements moins en vue.
Les marques de luxe ont probablement moins de questions à se poser
aux Etats-Unis, où la part des ventes aux touristes est nettement
plus faible. Mais une partie des dépenses des Américains fortunés
dépend de l'évolution de leur patrimoine boursier, ce qui rend les
perspectives sur ce marché également incertaines pour les acteurs
du luxe.
De tous les secteurs, le luxe n'est pas le plus dépendant à la
Chine. Le géant minier BHP génère jusqu'à 70% de ses revenus, selon
l'analyste de RBC Capital Tyler Broda. Mais au sein de la catégorie
des biens de consommation, le luxe figure parmi les plus exposés à
l'Empire du Milieu. Apple n'a par exemple réalisé que 15% de ses
ventes nettes en Chine au cours du trimestre clos à la fin
décembre, avant de devoir fermer ses magasins dans le pays en
raison de l'épidémie.
Cette dépendance à un seul marché comporte des risques. Outre la
possibilité d'une crise en Chine, elle pourrait modifier l'image de
marque véhiculée par les grands noms du luxe européen. Les
consommateurs chinois apprécient les charmes d'un voyage en Europe
pour acheter des sacs à main ou des vêtements de marque souvent
indisponibles dans les boutiques locales. Mais le mythe de la haute
couture européenne deviendra peut-être plus difficile à entretenir
si les Européens eux-mêmes se montrent moins attirés par ces
produits - ce qui est d'ailleurs le cas depuis quelques années.
Les marques de luxe comptent plus que jamais sur l'Asie pour
rebondir. Elles peineront cependant à masquer le fait que leur
stratégie soit de plus en plus déséquilibrée.
-Carol Ryan, The Wall Street Journal
(Version française Eric Chalmet et François Schott) ed: ECH -
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