Dimitri Delmond,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Pour les dirigeants d'Iliad, l'année 2018 a été celle de la "transformation". Un doux euphémisme pour qualifier un millésime ayant vu l'opérateur télécoms perdre pour la première fois des abonnés en France tant dans le fixe (-93.000) que dans le mobile (-254.000), au point d'accuser une baisse historique de son chiffre d'affaires sur son marché domestique : -1,9%, à 4,77 milliards d'euros.



Pour les investisseurs, cette année de "transformation" a bien plus relevé de la déception, puisque l'action Iliad a perdu son statut de valeur de croissance et décroché de 38,6% l'an passé, quand Altice Europe et Orange ont respectivement abandonné 6,6% et 2%.



En baisse de 0,8% à 89,80 euros mardi vers 15h15, le titre Iliad pointe même 8,1% en dessous de son niveau du 10 janvier 2012 en clôture (97,67 euros), jour du lancement de l'offre Free Mobile en France. Si l'opérateur télécoms a créé de la valeur en Bourse entre-temps, le titre Iliad ayant frôlé les 250 euros mi-2014 en séance, l'actionnaire resté investi à 100% sur cette période a bien subi des pertes sur cette position. Même en additionnant les dividendes.



Alors qu'il s'était fait remarquer en 2012 en débarquant sur le marché du mobile en France avec une offre à prix cassé, lui valant la réputation de "trublion des télécoms", le groupe fondé et contrôlé par Xavier Niel semble aujourd'hui pris à son propre jeu. La panne de croissance dont il est victime est en grande partie due à la forte pression tarifaire observée dans l'Hexagone, où l'équilibre entre les quatre opérateurs en matière de parts de marché est sans cesse ébranlé par l'abondance et la variété des opérations promotionnelles.



La réaction en chaîne est brutale. A la baisse du chiffre d'affaires en France s'ajoutent les pertes opérationnelles en Italie, où le groupe a lancé son offre mobile fin mai dernier. En 2018, la marge d'Ebitda (excédent brut d'exploitation) du groupe s'est contractée de 0,7 point de pourcentage, à 35,9%, et la génération de trésorerie s'est révélée moins importante qu'espéré.



L'objectif de trésorerie à nouveau abaissé



Pour la deuxième fois en un peu plus de six mois, les dirigeants ont abaissé leur objectif de trésorerie pour 2020. Ils visent désormais un solde Ebitda-Investissements, correspondant au flux de trésorerie opérationnel, "de plus" de 800 millions d'euros en France d'ici la fin de l'année prochaine, alors qu'ils prévoyaient précédemment un solde autour de 1 milliard.



Cette situation est fâcheuse pour Iliad. La Bourse préfère soutenir les opérateurs capables de générer suffisamment de cash pour investir massivement dans les infrastructures afin d'améliorer la qualité de leurs réseaux et services. L'opérateur pourrait toutefois se donner des marges de manœuvres financières en cédant une partie de ses antennes mobiles.



A l'occasion d'une conférence téléphonique organisée mardi, le directeur général Thomas Reynaud a déclaré qu'Iliad était actuellement "en discussion" avec plusieurs fonds d'investissement pour la vente de certaines tours mobiles. "Le groupe pourrait en retirer entre 1,5 et 1,7 milliard d'euros" selon Oddo BHF, en prenant pour base de calcul les ratios de valorisation des dernières opérations comparables. "Mais aucune décision n'a encore été prise" à ce sujet, a averti Thomas Reynaud.



De manière plus pragmatique, Iliad a surtout besoin de rassurer le marché - dont les attentes sont élevées - sur ses perspectives de croissance. A ce titre, le groupe doit dévoiler à la mi-avril "les principaux axes de sa stratégie de croissance et d'innovation" pour les prochaines années.



Les dirigeants ont prévenu que le chiffre d'affaires devrait repartir en hausse en France dès le premier semestre de l'exercice en cours.



Disparition progressive des promotions agressives



En France, Iliad compte profiter de la disparition progressive des promotions agressives, du lancement réussi de sa Freebox Delta, qui a séduit plus de 100.000 clients deux mois après son lancement, et de la poursuite de la solide dynamique commerciale sur la fibre (+427.000 abonnés en 2018). En Italie, l'opérateur est décidé à continuer à augmenter ses tarifs. A terme, il pourrait être judicieux pour Iliad de commercialiser une box sur le marché italien et attirer ainsi ses abonnés mobiles, au nombre de 2,8 millions à fin décembre 2018, vers une offre fixe plus rentable.



Au cours actuel, l'action Iliad s'échange selon un ratio valeur d'entreprises sur Ebitda de 4,9 pour 2020, sensiblement comparable à celui d'Orange (4,8) selon FactSet. En termes de multiple cours de Bourse sur bénéfice net par action calculé pour l'année prochaine, les deux valeurs affichent également une valorisation proche : 11,6 pour Iliad et 12,2 pour Orange.



Le lancement des enchères pour les fréquences 5G en France interviendra probablement à la fin 2019. Cette perspective rend une nouvelle tentative de concentration entre les quatre opérateurs français très improbable. Les actionnaires d'Iliad ne pourront donc pas compter sur une spéculation portant sur de grandes manoeuvres.



Pour 2019, les dirigeants d'Iliad font miroiter "un nouveau cycle de croissance". Ramenée sur la même ligne qu'Orange par les investisseurs en termes de valorisation, l'action Iliad ne retrouvera sa prime historique que si ses promesses se traduisent dans ses comptes.



-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH



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March 19, 2019 11:19 ET (15:19 GMT)




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