Le "Lac d'argent" de Bpifrance est bien peu profond - DJ Plus
02 Mars 2020 - 10:40AM
Dow Jones News
Alexandre Garabedian,
L'Agef
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Appeler un investisseur public émirati à
la rescousse pour stabiliser le capital des fleurons français,
voilà qui ne manque pas de sel. C'est la voie pour le moins
originale qu'a choisie le ministère de l'Economie en officialisant
la participation du fonds souverain d'Abu Dhabi au fameux "Lac
d'argent" de Bpifrance.
Depuis plus d'un an, Paris travaille à ce projet de véhicule
d'investissement dont l'objectif est de pouvoir déployer jusqu'à 10
milliards d'euros au tour de table des pépites du SBF 120. La lutte
contre l'activisme actionnarial, auquel l'on pense toujours dans
cette affaire sans en parler jamais, est sans doute à ce prix.
L'idée de verrouiller les grandes entreprises contre les prédateurs
extérieurs est aussi vieille que les "noyaux durs" de la vague de
privatisations de 1986-88. La constitution de ces bastions
imprenables devait accompagner le passage d'un capitalisme d'Etat à
un capitalisme privé dont les moyens financiers restaient alors
déficients. Le succès fut mitigé. Vingt ans plus tard, le même
constat de carence et la nécessité de soutenir l'économie en pleine
crise poussaient Nicolas Sarkozy à doter la France de son propre
fonds souverain, le Fonds stratégique d'investissement, ancêtre de
Bpifrance. Appelée à son tour en renfort, cette dernière a mis
l'ingénierie financière au service des ambitions du pays, d'où cet
agrégat de contributeurs nationaux et étrangers qui verront leur
force de frappe et leurs espérances de rendement magnifiées par
l'usage de la dette.
Il reste que la manœuvre sonne comme un aveu de faiblesse. Comparé
à l'épargne des ménages qui dort dans les dépôts à vue et
l'immobilier locatif, le "Lac d'argent" a la profondeur d'une
flaque. Bien sûr, l'arrivée d'une institution publique
extra-européenne au capital des poids lourds de la cote sera
brandie comme un gage de confiance. Elle peut même permettre à nos
champions de grandir, telle l'entrée de la Caisse de dépôt et
placement du Québec chez Alstom à l'occasion du rachat des
activités ferroviaires de Bombardier. Et Bpifrance, fera-t-on
valoir, travaille déjà main dans la main avec plusieurs fonds
souverains afin de soutenir des entreprises de taille intermédiaire
prometteuses.
Mais cette force de dissuasion pourra-t-elle jouer son rôle face
aux appétits d'un géant ou aux nouvelles formes d'activisme
géopolitique venues de Chine et des Etats-Unis ? Hier comme
aujourd'hui, le capitalisme à la française souffre de la faiblesse
de l'investissement de l'épargne domestique en actions. Tous les
lacs, les digues ou les lignes Maginot du monde n'y changeront
rien.
-Alexandre Garabedian, L'Agefi. ed: VLV
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March 02, 2020 04:20 ET (09:20 GMT)
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