Le modèle défensif d'Edenred se confronte aux conséquences du coronavirus - DJ Plus
07 Avril 2020 - 3:06PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
Paris (Agefi-Dow Jones)--Edenred a jusqu'ici bravé la tempête sans
rompre. Le spécialiste des solutions de paiement dans le monde du
travail a annoncé mardi une réduction de 20% de son dividende au
titre de 2019 et des baisses de la rémunération de ses dirigeants,
afin de financer un fonds de soutien à ses collaborateurs les plus
vulnérables et aux restaurateurs. Depuis le début de l'année, son
action recule de 19%, contre 27% pour l'indice SBF 120. Avec la
crise sanitaire, la résistance du groupe se trouve toutefois mise à
l'épreuve.
A la fin du premier trimestre 2020, l'entreprise n'avait pas encore
constaté d'impact significatif sur ses activités, en dehors
d'évolutions négatives des prix du pétrole et des taux de change,
explique-t-elle dans son document d'enregistrement universel 2019,
publié fin mars. Les mesures de confinement décidées par les
gouvernements auront toutefois bien des répercussions, impossibles
à évaluer actuellement. Faute de visibilité, Edenred a suspendu il
ya deux semaines ses objectifs pour 2020.
Le télétravail comme amortisseur
La plus importante ligne de métier d'Edenred reste les Avantages
aux salariés, c'est-à-dire l'émission des titres-restaurant ou de
chèques cadeaux, qui représentent 62% des revenus. Le télétravail
devrait amortir le choc sur les volumes dans cette activité. Oddo
BHF rappelle que "tout salarié qui travaille", à domicile comme au
bureau, continue "de collecter des titres de services auprès de son
employeur". L'intermédiaire financier estime que les mesures de
confinement devraient avoir un "impact relativement limité". Un
constat partagé par Morgan Stanley, qui anticipe une importante
utilisation des titres-restaurant pour payer les livraisons de
repas à domicile et les courses dans les supermarchés.
Edenred sera néanmoins pénalisé à court terme par le chômage
partiel, les salariés ne touchant alors pas de tickets. Barclays
prévient qu'un impact "significatif" sur les volumes d'émissions
pourrait s'observer au deuxième trimestre si les entreprises
clientes du groupe y avaient largement recours. En France, pays qui
représente 17% des revenus d'Edenred, 5 millions de personnes ont
été mises au chômage partiel, selon la ministre du Travail, Muriel
Pénicaud.
Dans les Solutions de mobilité professionnelles, qui regroupent
notamment les cartes carburant et comptent pour 26% du chiffre
d'affaires, Edenred devrait connaître une baisse des volumes
d'affaires due à la contraction de l'activité économique. La chute
des prix du pétrole devrait aussi peser, les commissions des
cartes-essence dépendant en partie des tarifs du carburant. Edenred
estime que 12% de ses revenus totaux sont directement liés aux
variations des cours de l'or noir. Toutefois, cette ligne de métier
pourrait aussi faire preuve de résistance. "Les grands
transporteurs, qui sont les principaux clients d'Edenred continuent
de rouler, le trafic de marchandises n'étant pas concerné par les
fermetures de frontières", souligne Bruno de la Rochebrochard,
analyste chez Bryan Garnier.
A ces risques sur l'activité s'ajoute un risque de change. Le réal
brésilien chute de plus de 20% face à l'euro depuis le début de
l'année, alors que le Brésil représente environ 30% du résultat
opérationnel, selon Mainfirst. Ce mouvement, antérieur au
développement de la crise en Europe, a toutefois déjà pu être
intégré par le marché.
La reprise en question
Au-delà du court terme, l'évolution du chômage dans les prochains
trimestres constitue l'inconnue la plus importante pour Edenred,
dont l'activité reste liée au niveau de l'emploi salarié. Pour
Morgan Stanley, le taux de chômage sera l'indicateur le plus
important à surveiller pour le marché. "Tout dépendra de la
capacité des différents pays à relancer l'activité", conclut un
analyste.
La robustesse d'Edenred fait consensus. "Le modèle d'activité
d'Edenred fait preuve de résilience et pourrait permettre au groupe
de repartir assez vite une fois que la reprise s'annoncera", estime
Bruno de La Rochebrochard, de Bryan Garnier. "Le groupe génère du
cash, a un besoin en fonds de roulement négatif et aucun problème
d'endettement", ajoute-t-il. "Nous restons fondamentalement
positifs et confiants sur la résilience et la dynamique de
croissance d'Edenred", écrivent de leur côté les analystes d'Oddo
BHF.
Mais comme le relève Barclays, "même les noms les plus résistants
n'échappent pas à l'impact économique du coronavirus". Berenberg
prévenait fin mars que le marché sous-estimait les risques
macroéconomiques pesant sur l'ensemble des métiers du groupe.
"Les solutions d'Edenred répondent à des besoins essentiels pour
les entreprises : l'alimentation, la mobilité professionnelle, les
paiements interentreprises. Ce positionnement, non seulement nous
rend plus résilients au coeur de la crise, mais il devrait nous
permettre de bénéficier rapidement de la reprise quand celle-ci
surviendra", souligne de son côté une porte-parole du groupe.
Edenred présente des atouts défensifs et un modèle attrayant.
Malgré la multiplication des vents contraires, les analystes de
Mainfirst continuent de "voir de grandes opportunités de croissance
structurelle" pour l'entreprise. Les actionnaires ne doivent
néanmoins pas sous-estimer les risques liés à la crise. Dans cette
optique, la pandémie constitue un test inédit pour un groupe qui
n'était pas indépendant en 2008-2009, la scission avec Accor datant
de 2010. Pour conserver le bon ticket en Bourse, Edenred devra
démontrer l'étendue de sa résistance puis sa capacité à rebondir
quand la reprise viendra.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: VLV
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