Kering devient une improbable action bon marché - DJ Plus
10 Juin 2022 - 1:25PM
Dow Jones News
Carol Ryan,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Bien que le luxe ne soit pas un secteur
où l'on s'attend à dénicher de bonnes affaires, Kering, le
propriétaire de Gucci, prend de plus en plus l'allure d'une action
"value", donc sous-valorisée.
Jeudi, Kering a fixé de nouveaux objectifs à moyen terme lors d'une
journée d'investisseurs. Le groupe veut doubler le chiffre
d'affaires de sa deuxième marque en termes de ventes, Yves Saint
Laurent, pour le porter à 5 milliards d'euros, et faire passer sa
marge d'exploitation à 33%, contre 28% actuellement. La société
prévoit également d'augmenter les revenus de Gucci de 50% pour
atteindre 15 milliards d'euros par an - soit la taille de son
concurrent non coté Chanel. Kering souhaite également rendre sa
principale marque moins vulnérable aux tendances fluctuantes de la
mode en proposant des articles plus classiques.
Dans le sillage de ces annonces, l'action Kering a à peine évolué.
Le titre est à présent l'un des moins chers du secteur du luxe, se
négociant à 15,5 fois les bénéfices projetés, soit une décote de
26% par rapport à sa moyenne sur cinq ans et plus d'un tiers de
moins que ses grands concurrents. Même l'action de la chaîne de
"fast-fashion" H&M est plus onéreuse.
Une forte dépendance à Gucci
Le problème de Kering, c'est que le groupe est habillé en Gucci de
la tête aux pieds. La marque italienne représente environ 70% du
résultat d'exploitation de la société et la moitié de ses ventes,
une dépendance trop risquée au goût de nombreux investisseurs. Au
premier trimestre, la marque a enregistré une faible demande en
Asie, ce qui pourrait constituer un signe annonciateur de la perte
de vitesse de Gucci auprès des consommateurs chinois. Le nouveau
directeur général pour la Chine, Laurent Cathala, qui a dirigé les
activités de Tiffany & Co. dans le pays, tentera de redynamiser
ses ventes en accordant davantage de poids aux dirigeants locaux et
aux équipes de publicité.
La lourde dépendance à l'égard d'une seule marque n'est cependant
pas propre à Kering. Prada, Moncler et Salvatore Ferragamo tirent
la majeure partie de leurs revenus d'une seule marque et se
négocient en Bourse sur la base de multiples de 30, 21 et 46 fois
les bénéfices prévus, respectivement. Les valorisations élevées de
Prada et Salvatore Ferragamo reflètent les espoirs des
investisseurs qui espèrent que la réhabilitation de l'image de ces
marques leur permettra d'augmenter leurs faibles marges
d'exploitation.
Une capacité éprouvée à développer les marques
Kering affiche un bon bilan en matière de retournements. Entre 2015
et 2019, le groupe a porté les ventes de Gucci de 3,9 milliards
d'euros à 9,6 milliards d'euros et a presque quadruplé son résultat
d'exploitation. Le chiffre d'affaires de Saint Laurent a également
doublé au cours de cette même période de quatre ans. Pour davantage
stimuler les ventes de la marque française, le groupe devra ouvrir
jusqu'à 15 nouveaux magasins par an, investir dans le commerce en
ligne et vendre plus de produits dans ses magasins existants. Une
boutique Gucci génère en moyenne 18 millions d'euros de chiffre
d'affaires par an, soit plus du double des boutiques Saint Laurent,
selon les estimations des analystes de Citi.
Si la direction du groupe parvient à maintenir ce rythme, l'action
Kering semblera une bonne affaire. Il est vrai que l'ensemble du
secteur a reculé en Bourse cette année, les investisseurs s'étant
inquiétés de l'impact de la guerre en Europe et de la pression
exercée par l'inflation sur la clientèle. Les trois premiers mois
n'ont pas montré de signe de ralentissement mais le deuxième
trimestre sera plus poussif, les restrictions liées au Covid-19 à
Pékin et Shanghai ayant pesé sur les ventes en Chine.
Reste que l'action Kering intègre le risque de ralentissement
économique de façon beaucoup plus prononcée que celles de ses
concurrents. Gucci pourrait devenir un article raffiné dans le
portefeuille d'investisseurs privilégiant la gestion "value".
-Carol Ryan, The Wall Street Journal
(Version française Eric Chalmet) ed: FXS
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June 10, 2022 07:05 ET (11:05 GMT)
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