La livraison de courses à domicile, enjeu boursier et casse-tête économique -Market Blog
23 Mai 2018 - 4:12PM
Dow Jones News
Par François Schott
PARIS (Agefi-Dow Jones)--En ce mois de mai truffé de ponts et de
grèves, l'incitation à rester chez soi est forte. Même pour faire
ses courses. La livraison de produits alimentaires à domicile, qui
existe depuis le début des années 2000 en France mais est restée
embryonnaire, connaît en effet un sérieux coup de projecteur.
Toutes les grandes enseignes se livrent bataille pour remplir votre
frigo, de Carrefour à Leclerc en passant par Auchan et...
Amazon.
Le groupe américain, qui propose son service Prime Now depuis 2016
dans l'Hexagone, a franchi un pas supplémentaire en mars en passant
un accord avec Monoprix (groupe Casino), dont il distribuera les
produits alimentaires d'ici à la fin de l'année à Paris et en
proche banlieue, en moins de deux heures. Pour Casino, cet accord
était une réponse immédiate à l'offensive de Leclerc sur la
capitale, avec un service de livraison à J+1 lancé fin mars. Quand
à Carrefour, il prévoit d'investir 2,8 milliards d'euros d'ici à
2022 dans son offre digitale, avec le développement des "drive"
mais aussi de services de livraison à domicile dans les plus
grosses agglomérations françaises.
Cette frénésie d'investissements a de quoi surprendre. La livraison
à domicile ne représente que 3% des achats de produits de grande
consommation en France, indique Frédéric Valette, directeur Retail
Insights chez Kantar Worldpanel. Ce marché, estimé à 2,8 milliards
d'euros, est en outre dominé par des distributeurs spécialisés,
tels Amazon, Zoo+ (alimentation animale, ndlr), Sephora ou encore
Nespresso. Le premier distributeur généraliste, Carrefour n'arrive
qu'en dixième position. Et pour cause. "Il est nettement plus
rentable de livrer un produit à forte valeur unitaire et faible
poids, comme une crème pour le visage ou des dosettes de café,
qu'un pack d'eau ou des fruits et légumes", souligne Frédéric
Valette.
Le modèle économique de la livraison à domicile reste donc à
trouver pour les acteurs de la grande distribution. "Déplacer
l'équilibre en convertissant des paniers en magasin à forte marge
vers des ventes en ligne actuellement à faible marge, nécessite
courage, conviction et insight", admet Prashant Singh, directeur de
la recherche sur le e-commerce chez Nielsen. Cependant, "pour les
distributeurs qui veulent prendre ce risque calculé, la récompense
est là pour se faire une belle place dans les prochaines années,
puisque la croissance passe de plus en plus par le digital". Le
cabinet estime que le chiffre d'affaires du e-commerce alimentaire
aux Etats-Unis pourrait être multiplié par cinq et représenter 20%
du commerce alimentaire d'ici à 2025, contre une part de 4,3% en
2016.
Des stratégies digitales devenues essentielles pour la Bourse
Dans un secteur où les parts de marché son scrutées à la loupe, sur
une base mensuelle, il devient impensable pour les distributeurs de
se laisser distancer sur le segment 'online', où les positions ne
sont pas encore figées. C'est pourquoi la Bourse accorde une grande
importance aux stratégies digitales des différents distributeurs,
même si elles pèsent aujourd'hui sur leur rentabilité.
Dans une étude publiée en décembre, les analystes de Citi ont
relevé leur recommandation sur Walmart en raison de sa stratégie
"offensive" dans le commerce en ligne. De même, le plan de 2,8
milliards d'euros de Carrefour dans le digital a été bien
accueilli. La semaine dernière, l'acquisition par l'américain
Kroger d'une participation de 6% dans le spécialiste britannique du
e-commerce alimentaire, Ocado, a fait s'envoler le cours de ce
dernier de 50%.
Avec une capitalisation boursière de 5,9 milliards de livres
sterling (6,7 milliards d'euros) pour un chiffre d'affaires de 1,46
milliard de livres, Ocado affiche un ratio de valorisation
équivalent à celui d'Amazon. Son modèle sans magasin, basé sur un
outil logistique de pointe, n'est pas sans rappeler celui du géant
de Seattle. Mais plutôt que de s'attaquer frontalement aux
distributeurs, Ocado a choisi de développer des partenariats. Sa
plateforme de préparation de commandes entièrement robotisée a déjà
séduit plusieurs d'entre eux, dont le français Casino, qui a passé
en novembre un accord de licence pour pouvoir utiliser la
technologie du britannique dans un entrepôt qui devrait voir le
jour en 2020 en région parisienne. En attendant, Ocado pourrait
remplacer dès la semaine prochaine un autre épicier, Marks &
Spencer, dans l'indice des principales capitalisations
britanniques.
Opportunité pour les plus agiles, menace pour les autres :
l'e-commerce alimentaire est bel et bien en train de redistribuer
les cartes du secteur.
-François Schott, Agefi-Dow Jones; 01 41 27 47 92; fschott@agefi.fr
ed: VLV
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