Vinci et Eiffage, otages d'un scrutin dont dépend leur trajectoire boursière -DJ Plus
20 Avril 2022 - 12:18PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'élection présidentielle arrive dans sa
dernière ligne droite. Electeurs et investisseurs sauront dimanche
qui de Marine Le Pen ou Emmanuel Macron occupera la tête de l'Etat
pendant les cinq prochaines années. Dans la communauté financière,
l'issue de ce scrutin sera particulièrement suivie par les
actionnaires des gérants d'infrastructures.
Une victoire de Marine Le Pen aurait des conséquences multiformes
pour ces sociétés. Dans le cas de Groupe ADP, elle effacerait toute
prime spéculative liée à une hypothétique privatisation de
l'exploitant des aéroports franciliens. "Avec Marine Le Pen, la
probabilité d'une privatisation passerait à 0", souligne Charles
Maynadier, analyste au sein de Kempen & Co. "Mais même dans le
cas d'une réélection d'Emmanuel Macron, elle demeure faible, entre
autres car ce dossier reste très sensible politiquement", complète
le responsable.
Les entreprises de construction Vinci et Eiffage sont, elles,
particulièrement exposées à une mesure: la renationalisation des
concessions autoroutières. Marine Le Pen compte ramener dans le
giron de l'Etat ces concessions avant les échéances de leurs
contrats, prévues entre 2031 et 2036 pour les plus importantes
d'entre elles. La candidate du Rassemblement national promet aux
électeurs une baisse des prix des péages d'environ 15% grâce à
cette décision.
Des activités clef
Vinci et Eiffage, qui, avec l'espagnol Abertis, exploitent
l'essentiel du réseau autoroutier en France, perdraient alors des
activités clef, comptant pour "plus de la moitié de leur résultat
opérationnel", pointe un analyste parisien. Les concessions
autoroutières sont très rentables: Vinci Autoroutes et Autoroutes
Paris-Rhin-Rhône (APRR), contrôlé par Eiffage, ont dégagé des
marges brutes d'exploitation (Ebitda) respectives de 74,2% et 73,7%
l'an passé. "Les marges sont élevées car les actifs autoroutiers
comportent beaucoup de coûts fixes qui progressent par définition
moins vite que les revenus", explique Charles Maynadier.
Une victoire de Marine Le Pen provoquerait un plongeon des titres
des deux sociétés. "Leur cours de Bourse chuterait", avertit
l'analyste parisien qui note que, pour l'heure, le marché
n'attribue pas une "probabilité très élevée à ce scénario". "La
confiance des investisseurs serait sérieusement entamée, surtout
[celle] des investisseurs anglo-saxons. Des incertitudes
importantes pèseraient alors pendant des mois voire des années sur
les actions Eiffage et Vinci", abonde Charles Maynadier.
Pour le moment, Emmanuel Macron reste favori, les récents sondages
le créditant d'un score compris entre 54% et 56,5% au second tour.
De plus, même si ces enquêtes étaient invalidées, Marine Le Pen,
une fois élue, pourrait être contrainte de s'allier à des partis
plus modérés pour obtenir ensuite une majorité à l'Assemblée
nationale, "ce qui impliquerait des compromis politiques", souligne
Pietro Baffico, économiste chez le gérant écossais abrdn. Une
partie de son programme pourrait alors ne pas être appliqué.
Surtout, la nationalisation des concessions autoroutières se
heurterait à une difficulté de taille: la compensation financière.
"Les jurisprudences européenne et française prévoient que l'Etat
doit indemniser la société d'autoroute de ses investissements non
amortis et des bénéfices futurs sur le reliquat de la durée de la
concession, ce qui peut être compliqué à évaluer sur le long
terme", rappelle Eric Landot, avocat et fondateur de Landot &
associés.
Le délicat virage de la décarbonation
Le Rassemblement national chiffre le coût de l'indemnisation des
groupes privés à 6 milliards d'euros mais ce montant n'intègre pas
la reprise de la dette des sociétés concessionnaires d'autoroutes.
"Les différentes évaluations vont de 20 milliards à 50 milliards
d'euros, dette comprise, sachant que les estimations du
gouvernement actuel se situent sur le haut de cette fourchette",
indique le sénateur Union centriste de l'Essonne, Vincent Delahaye,
auteur d'un rapport en 2020 sur les concessions autoroutières. Les
analystes financiers avancent des chiffres plus élevés: JPMorgan
Cazenove retient un montant de 66 milliards d'euros et Morgan
Stanley une somme de plus de 65 milliards d'euros.
"Marine Le Pen peut très bien abandonner cette promesse de campagne
au vu des obstacles sur le plan financier", juge Charles
Maynadier.
Par ailleurs, une renationalisation imposerait à l'Etat de mener
seul le délicat virage de la transition énergétique des autoroutes.
"Aujourd'hui, l'Etat concédant sait très bien qu'il a besoin de
nous et de nos collègues des autres réseaux autoroutiers pour
accélérer la décarbonation de ces infrastructures", a argué la
semaine dernière le PDG de Vinci, Xavier Huillard. "Se passer des
groupes privés pour gérer les autoroutes constituerait une mauvaise
idée pour l'Etat, au vu des investissements nécessaires pour
moderniser et entretenir ces infrastructures. Le modèle de
concessions a fait ses preuves et est certainement le meilleur",
fait valoir de son côté Charles Maynadier.
Les écueils à une nationalisation des concessions autoroutières ne
manquent donc pas. Néanmoins l'incertitude politique empêche Vinci
et Eiffage de décoller, les deux actions se situant à plus de 20%
des objectifs de cours moyen compilés par FactSet. Les analystes
demeurent optimistes: la totalité d'entre eux recommandent
d'acheter l'action Vinci, 85% celle d'Eiffage. De quoi inciter les
investisseurs à miser sur une réélection du président sortant, qui
représenterait un soulagement pour le marché et propulserait les
titres des deux groupes.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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