Un Monopoly géant se dessine dans les télécoms - Plus Europe
15 Décembre 2021 - 9:33AM
Dow Jones News
Olivier Pinaud,
L'Agefi
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Patrick Drahi aime bousculer
l'establishment. En montant à 18% du capital de BT, le propriétaire
d'Altice (SFR en France), qui détenait déjà 12,1% depuis juin
dernier, a réussi son coup. Le gouvernement britannique a
rapidement réagi mardi à l'annonce de ce nouvel investissement.
"Nous suivons la situation de près", a déclaré un porte-parole en
assurant que la Grande-Bretagne n'hésiterait pas à agir si besoin
pour protéger les infrastructures de télécommunications au moment
où "le gouvernement s'est engagé à réduire les inégalités
d'aménagement du pays par l'infrastructure numérique".
Londres en alerte
La montée de Patrick Drahi au capital de l'ancien opérateur public
est un excellent test pour le National Security and Investment Act
adopté cet été, une loi qui donne plus de pouvoir au gouvernement
britannique en matière d'examen des projets d'investissements
étrangers. 17 secteurs sont concernés, dont celui des
communications. Cette législation entrera en vigueur à compter du 4
janvier 2022 mais dispose d'un effet rétroactif. Elle permet au
gouvernement d'interdire un investissement dans une entreprise
britannique pour des raisons de "sécurité nationale".
Depuis son irruption en juin, Patrick Drahi vante son caractère
amical. Dans le communiqué publié par Altice UK, la filiale
britannique créée pour investir au capital de BT, le magnat
français des télécoms, devenu le premier actionnaire de
l'opérateur, explique avoir engagé un dialogue "constructif" avec
le conseil d'administration et l'équipe de direction de BT et dit
se réjouir de poursuivre ce dialogue.
"Nous continuons à tenir (les dirigeants de BT) en haute estime et
à soutenir pleinement leur stratégie, principalement pour jouer un
rôle central dans l'extension de l'accès à un réseau de fibre
optique, un programme d'investissement qui est si important tant
pour BT que pour le Royaume-Uni", ajoute Patrick Drahi.
Pas là pour faire de la figuration
Selon Reuters, Patrick Drahi a informé le nouveau président de BT,
Adam Crozier, lundi après la clôture des marchés. Adam Crozier et
son directeur général, Philip Jansen, ont ensuite rencontré Nadine
Dorries, la secrétaire d'État britannique en charge du Numérique.
"Le conseil d'administration et la direction de BT continueront de
gérer l'entreprise dans l'intérêt de tous les actionnaires et
restent concentrés sur la mise en œuvre réussie de sa stratégie et
sur le renforcement de la dynamique récente de résultats", a
simplement réagi l'opérateur.
Le propriétaire d'Altice a précisé qu'il n'avait pas l'intention de
soumettre une offre sur l'opérateur télécoms, ce qui l'empêche
d'acheter de nouvelles actions pendant six mois, selon les règles
boursières britanniques. Dans cette perspective, l'action BT a
perdu 4% mardi. Mais il est évident que Patrick Drahi n'a pas
mobilisé plus de 3,5 milliards d'euros au capital de BT pour faire
de la figuration. Le magnat des télécoms a des ressources
financières, une marge de manœuvre plus grande depuis le retrait de
la Bourse d'Altice et des idées derrière la tête, comme l'illustre
aussi sa tentative d'offre sur l'opérateur de satellites
Eutelsat.
Compte tenu de la loi sur les investissements étrangers, une offre
sur la totalité du capital de BT semble peu probable. Sans compter
que même s'il n'est pas au mieux de sa forme boursière, avec une
capitalisation qui a fondu de 30% depuis début 2019, l'opérateur
britannique vaut encore 16,6 milliards de livres sterling (19,4
milliards d'euros). Sa dette nette de 18 milliards de livres et le
déficit de son régime de retraites de près de 8 milliards de livres
font aussi office d'épouvantails pour un éventuel acheteur.
Plus de vaches sacrées
En revanche, Patrick Drahi, épaulé par Morgan Stanley et BNP
Paribas dans sa campagne britannique, pourrait utiliser sa part au
capital de BT comme une monnaie d'échange, dans un mouvement plus
large. Il pourrait aussi pousser à une scission partielle ou totale
d'Openreach, le réseau à très haut débit de BT, pour mettre en
valeur cette infrastructure. Il s'agit du scénario privilégié par
les analystes de CreditSights selon lesquels Openreach pourrait
valoir 27 milliards de livres en appliquant un multiple de 9 fois
l'Ebitda, niveau habituel pour ce type d'infrastructures, très
prisé des grands fonds d'investissement. En se positionnant
récemment sur Telecom Italia, le fonds américain KKR vise aussi
directement la valeur cachée du réseau à très haut débit de
l'opérateur italien.
Les ambitions de Patrick Drahi sur BT quelques semaines après
l'annonce du projet de KKR sur Telecom Italia démontrent la
nouvelle attractivité du secteur des télécoms, très peu valorisé en
Bourse malgré des actifs rentables sur le long terme. Même les
opérateurs historiques ne sont plus considérés comme des vaches
sacrées. En ouvrant en 2016 des discussions avec Orange pour lui
vendre sa filiale de télécoms, Bouygues avait proposé un montage
qui lui aurait permis de devenir l'actionnaire de référence de
l'opérateur historique. L'Etat a sérieusement réfléchi avant de
décliner la proposition. Sa réaction serait-elle la même cinq ans
plus tard, alors que la valeur d'Orange a chuté depuis de 40%...
?
-Olivier Pinaud, L'Agefi ed: VLV
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December 15, 2021 03:13 ET (08:13 GMT)
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