Après une journée de suspense, le premier vol habité de la
société américaine SpaceX a été reporté de mercredi à samedi en
raison des intempéries, alors que deux astronautes de la Nasa
étaient installés dans la capsule au sommet de la fusée qui devait
les emmener vers la Station spatiale internationale.
"Dragon, SpaceX: malheureusement, nous n'allons pas lancer
aujourd'hui", a annoncé aux astronautes à bord de Crew Dragon le
directeur du lancement de SpaceX au Centre spatial Kennedy en
Floride, 17 minutes avant l'heure prévue du décollage.
"C'était un bel effort de l'équipe, nous comprenons", a répondu
l'astronaute Doug Hurley, qui était depuis deux heures à
l'intérieur, sanglé dans son siège à côté de son coéquipier Bob
Behnken, au sommet d'une fusée Falcon 9.
Il s'en est fallu de dix minutes pour que le mauvais temps se
dissipe, selon SpaceX, mais le risque posé par la pluie et les
éclairs était trop important, et la fenêtre de tir, 16H33, était
stricte, afin de coordonner l'orbite de Dragon avec celle de
l'ISS.
La prochaine tentative aura lieu samedi à 15H22 (19H22 GMT).
"Tout le monde est sûrement un peu déçu", a dit Doug Hurley plus
tard, compatissant avec les équipes au sol, qui attendaient ce
moment depuis des années.
Bob Behnken et Doug Hurley auraient dû s'amarrer à l'ISS jeudi.
Le président Donald Trump était venu assister en personne à ce que
la Nasa appelle l'aube d'une nouvelle ère spatiale.
Cette étape est la concrétisation de 18 ans d'efforts pour
SpaceX.
"C'est un rêve devenu réalité, je ne pensais pas que cela
arriverait un jour", a dit avant le lancement prévu Elon Musk, qui
a fondé la société en 2002 en Californie.
Avant de monter à bord de la capsule, les astronautes ont pu dire
au revoir à leurs familles. A leurs deux jeunes fils, Elon Musk a
promis: "Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour que vos
papas reviennent".
Bob Behnken et Doug Hurley étaient en quarantaine depuis deux
semaines.
Malgré la pandémie de Covid-19, le vol a été maintenu et des
touristes et passionnés se sont installés sur les plages du
littoral de Floride.
"On a pris toutes les précautions possibles pour voir cet événement
monumental", raconte Kyle Rodriguez, ingénieur spécialisé dans les
robots, venu avec son épouse lundi de San Francisco. "Les billets
n'étaient pas chers".
- "Monumental" -
Space Exploration Technologies Corp., fondée dans le but de casser
les règles du jeu de l'industrie aérospatiale, a gagné pas à pas la
confiance de la plus grande agence spatiale de la planète.
Elle était devenue en 2012 la première société privée à amarrer une
capsule cargo à l'ISS, qu'elle ravitaille depuis régulièrement.
Deux ans plus tard, la Nasa lui commandait la suite: y acheminer
ses astronautes, dès "2017", en adaptant la capsule Dragon.
"Si cela se passe mal, ce sera de ma faute", a dit Elon Musk sur
CBS.
L'agence spatiale a payé plus de trois milliards de dollars pour
que SpaceX conçoive, construise, teste et opère sa capsule,
réutilisable, pour six futurs allers-retours spatiaux. Le
développement a connu des retards, des explosions, des problèmes de
parachutes, mais SpaceX a battu le géant Boeing, également payé
pour fabriquer une capsule (Starliner), toujours pas prête.
L'investissement, décidé pour le cargo sous la présidence Bush et
pour les astronautes par Barack Obama, est jugé fructueux par
rapport aux dizaines de milliards qu'ont coûté les systèmes
précédents développés par la Nasa.
"Une réussite monumentale", a abondé Jim Bridenstine, patron de la
Nasa, en rendant hommage à la créativité et à la persévérance de la
société, à qui elle confie désormais sa ressource la plus
précieuse, ses astronautes.
Crew Dragon est une capsule comme Apollo, mais version XXIe siècle.
Des écrans tactiles ont remplacé boutons et manettes. L'intérieur
est dominé par le blanc, l'éclairage plus subtil.
"C'est sûr que tous les pilotes du monde auront plus confiance si
vous leur donnez un joystick que si vous leur donnez un iPad!", a
plaisanté Thomas Pesquet, l'astronaute français qui pourrait être
le premier Européen à voyager à bord du Dragon, en 2021.
Rien à voir avec les immenses navettes spatiales, immenses
vaisseaux ailés qui ont servi de 1981 à 2011.
Contrairement aux navettes, dont une a explosé en 1986 après le
décollage (Challenger), Dragon peut s'éjecter en urgence si la
fusée a un problème.
Crew Dragon a pour mission de rattraper la l'ISS, à 400 kilomètres
d'altitude, où elle pourrait rester amarrée jusqu'en août.
Si la capsule revient et est certifiée sûre, les Américains ne
dépendront plus des Russes pour accéder à l'espace: depuis 2011,
les Soyouz étaient les seuls taxis spatiaux disponibles. Les
acheminements depuis la Floride redeviendront réguliers, avec
quatre astronautes à bord.
Et SpaceX sera libre d'organiser des voyages spatiaux pour
touristes, moyennant un billet qui coûtera sans doute quelques
dizaines de millions de dollars la place.
Agefi-Dow Jones The financial newswire
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May 27, 2020 17:02 ET (21:02 GMT)
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