Aurélie Abadie,



L'Agefi



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un géant de la finance suisse disparaît pour donner naissance à un mastodonte. Secouru par les autorités suisses après la crise des subprimes en 2008, UBS a opéré au cours de la décennie passée un redressement spectaculaire pour se hisser au premier rang de la place financière suisse et de la gestion de fortune mondiale. En rachetant Credit Suisse, à bout de souffle après une série de scandales ayant définitivement abîmé la confiance des clients et des investisseurs, UBS se mue en sauveur... mais profite aussi de cette opération pour croître de manière exponentielle, à moindre coût.



Sous la conduite attentive du Conseil fédéral et des autorités financières helvètes, Credit Suisse a été cédé dimanche à son rival pour 3 milliards de francs suisses (3 milliards d'euros), soit moins de la moitié de sa capitalisation boursière de vendredi. UBS hérite ainsi d'une "franchise de qualité" dans la banque commerciale suisse, saluent les analystes, mais aussi des vrais bijoux que sont la gestion de fortune et la gestion d'actifs de Credit Suisse, malgré les récents retraits de la part des clients.



"Un monstre naît"



Une force de frappe sans égale qui suscite déjà quelques craintes. "Un zombie disparaît mais un monstre naît", commente ainsi le quotidien suisse germanophone Neue Zürcher Zeitung (NZZ). En voulant à tout prix éviter la faillite d'un établissement systémique, ou "too big to fail", les autorités suisses ont créé un nouveau colosse à la tête de plus de 5.000 milliards de dollars d'actifs investis, dont 3.400 milliards dans la gestion de fortune.



"Sur le papier, l'acquisition de Credit Suisse semble attractive à long terme. Mais nous ne sommes pas sûrs qu'il s'agisse du meilleur chemin pour UBS", estiment les analystes de RBC.



UBS ne s'est pourtant pas jeté à l'aveugle dans cette opération. Si toutes les parties prenantes avaient intérêt à régler le problème Credit Suisse avant qu'il ne fasse tache d'huile sur la place helvète et le secteur bancaire européen dans son ensemble, les autorités ne lui ont pas tordu le bras. Elles lui ont offert un certain nombre de garanties, dont un accès aux liquidités de la Banque nationale suisse (BNS), ainsi qu'un filet de sécurité empêchant UBS d'absorber les pertes de sa rivale au-delà du seuil de 5 milliards de francs suisses.



Grâce aux synergies générées par le nouvel ensemble, notamment sur les économies de personnel, un point très controversé en Suisse, UBS entend réaliser plus de 8 milliards de dollars d'économies par an d'ici à 2027. Son patron, Ralph Hamers, dont le salaire s'est envolé cette année en récompense des bonnes performances de la banque, a annoncé que l'opération ne se traduirait par un impact positif sur le bénéfice par action que d'ici quatre ans.



Une restructuration coûteuse



"L'opération risque de distraire le management d'UBS pendant plusieurs trimestres voire plusieurs années", redoutent les analystes de Jefferies. Pour intégrer son rival, UBS devra, en effet, essuyer des coûts de restructuration et mener à bien le lourd chantier de liquidation de la banque d'investissement. La direction de Credit Suisse avait annoncé à l'automne dernier un plan de la dernière chance, consistant en la création d'une "bad bank" (structure de défaisance) interne rassemblant tous les actifs non stratégiques et en la renaissance de la marque CS First Boston aux Etats-Unis, via une introduction en Bourse. Cette dernière option, officiellement toujours à l'étude, apparaît désormais très incertaine. La direction d'UBS a indiqué dimanche soir lors d'une conférence avec des analystes qu'elle n'entendait conserver que les actifs stratégiques de Credit Suisse. Elle souhaite notamment "agir vite" en vue de se délester des activités de trading de titres, a-t-elle précisé.



Pour l'analyste de Morningstar Johann Scholtz, "la restructuration s'accompagnera de coûts matériels mais UBS est mieux placé que Credit Suisse pour les absorber". "Le défi pour UBS sera de maintenir l'attrition des revenus au minimum pendant la période de restructuration", ajoute-t-il. Au rang des incertitudes, les analystes de Jefferies pointent également "des risques d'exécution significatifs et des risques de litiges".



Du fait de son nouveau statut dans le classement des banques systémiques, UBS devrait aussi en toute logique faire face à de nouvelles exigences en capital. Pour l'heure, la banque maintient sa cible d'un ratio de fonds propres au moins égal à 13% et l'autorité bancaire suisse, la Finma, lui promet "une période de transition appropriée" pour se mettre en conformité avec les nouvelles exigences.



Le rachat de Credit Suisse pose, enfin, des questions de concentration des risques. Tandis que l'autorité de la concurrence a autorisé UBS à conserver ses activités de banque commerciale en Suisse, des voix commencent à s'élever pour critiquer la position dominante du nouvel ensemble sur ce marché. La Fondation Ethos, qui représente les caisses de retraite du pays, appelle notamment les autorités et la direction d'UBS à considérer l'hypothèse d'une scission et d'une introduction en Bourse de la banque commerciale suisse. Une option qui permettrait de garantir "une concurrence plus saine", assure-t-elle.




-Aurélie Abadie, L'Agefi ed: VLV


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March 21, 2023 04:17 ET (08:17 GMT)




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