UBS prend une place hors norme en absorbant Credit Suisse - Plus Europe
21 Mars 2023 - 9:37AM
Dow Jones News
Aurélie Abadie,
L'Agefi
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un géant de la finance suisse disparaît
pour donner naissance à un mastodonte. Secouru par les autorités
suisses après la crise des subprimes en 2008, UBS a opéré au cours
de la décennie passée un redressement spectaculaire pour se hisser
au premier rang de la place financière suisse et de la gestion de
fortune mondiale. En rachetant Credit Suisse, à bout de souffle
après une série de scandales ayant définitivement abîmé la
confiance des clients et des investisseurs, UBS se mue en
sauveur... mais profite aussi de cette opération pour croître de
manière exponentielle, à moindre coût.
Sous la conduite attentive du Conseil fédéral et des autorités
financières helvètes, Credit Suisse a été cédé dimanche à son rival
pour 3 milliards de francs suisses (3 milliards d'euros), soit
moins de la moitié de sa capitalisation boursière de vendredi. UBS
hérite ainsi d'une "franchise de qualité" dans la banque
commerciale suisse, saluent les analystes, mais aussi des vrais
bijoux que sont la gestion de fortune et la gestion d'actifs de
Credit Suisse, malgré les récents retraits de la part des
clients.
"Un monstre naît"
Une force de frappe sans égale qui suscite déjà quelques craintes.
"Un zombie disparaît mais un monstre naît", commente ainsi le
quotidien suisse germanophone Neue Zürcher Zeitung (NZZ). En
voulant à tout prix éviter la faillite d'un établissement
systémique, ou "too big to fail", les autorités suisses ont créé un
nouveau colosse à la tête de plus de 5.000 milliards de dollars
d'actifs investis, dont 3.400 milliards dans la gestion de
fortune.
"Sur le papier, l'acquisition de Credit Suisse semble attractive à
long terme. Mais nous ne sommes pas sûrs qu'il s'agisse du meilleur
chemin pour UBS", estiment les analystes de RBC.
UBS ne s'est pourtant pas jeté à l'aveugle dans cette opération. Si
toutes les parties prenantes avaient intérêt à régler le problème
Credit Suisse avant qu'il ne fasse tache d'huile sur la place
helvète et le secteur bancaire européen dans son ensemble, les
autorités ne lui ont pas tordu le bras. Elles lui ont offert un
certain nombre de garanties, dont un accès aux liquidités de la
Banque nationale suisse (BNS), ainsi qu'un filet de sécurité
empêchant UBS d'absorber les pertes de sa rivale au-delà du seuil
de 5 milliards de francs suisses.
Grâce aux synergies générées par le nouvel ensemble, notamment sur
les économies de personnel, un point très controversé en Suisse,
UBS entend réaliser plus de 8 milliards de dollars d'économies par
an d'ici à 2027. Son patron, Ralph Hamers, dont le salaire s'est
envolé cette année en récompense des bonnes performances de la
banque, a annoncé que l'opération ne se traduirait par un impact
positif sur le bénéfice par action que d'ici quatre ans.
Une restructuration coûteuse
"L'opération risque de distraire le management d'UBS pendant
plusieurs trimestres voire plusieurs années", redoutent les
analystes de Jefferies. Pour intégrer son rival, UBS devra, en
effet, essuyer des coûts de restructuration et mener à bien le
lourd chantier de liquidation de la banque d'investissement. La
direction de Credit Suisse avait annoncé à l'automne dernier un
plan de la dernière chance, consistant en la création d'une "bad
bank" (structure de défaisance) interne rassemblant tous les actifs
non stratégiques et en la renaissance de la marque CS First Boston
aux Etats-Unis, via une introduction en Bourse. Cette dernière
option, officiellement toujours à l'étude, apparaît désormais très
incertaine. La direction d'UBS a indiqué dimanche soir lors d'une
conférence avec des analystes qu'elle n'entendait conserver que les
actifs stratégiques de Credit Suisse. Elle souhaite notamment "agir
vite" en vue de se délester des activités de trading de titres,
a-t-elle précisé.
Pour l'analyste de Morningstar Johann Scholtz, "la restructuration
s'accompagnera de coûts matériels mais UBS est mieux placé que
Credit Suisse pour les absorber". "Le défi pour UBS sera de
maintenir l'attrition des revenus au minimum pendant la période de
restructuration", ajoute-t-il. Au rang des incertitudes, les
analystes de Jefferies pointent également "des risques d'exécution
significatifs et des risques de litiges".
Du fait de son nouveau statut dans le classement des banques
systémiques, UBS devrait aussi en toute logique faire face à de
nouvelles exigences en capital. Pour l'heure, la banque maintient
sa cible d'un ratio de fonds propres au moins égal à 13% et
l'autorité bancaire suisse, la Finma, lui promet "une période de
transition appropriée" pour se mettre en conformité avec les
nouvelles exigences.
Le rachat de Credit Suisse pose, enfin, des questions de
concentration des risques. Tandis que l'autorité de la concurrence
a autorisé UBS à conserver ses activités de banque commerciale en
Suisse, des voix commencent à s'élever pour critiquer la position
dominante du nouvel ensemble sur ce marché. La Fondation Ethos, qui
représente les caisses de retraite du pays, appelle notamment les
autorités et la direction d'UBS à considérer l'hypothèse d'une
scission et d'une introduction en Bourse de la banque commerciale
suisse. Une option qui permettrait de garantir "une concurrence
plus saine", assure-t-elle.
-Aurélie Abadie, L'Agefi ed: VLV
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