La naissance des hedges funds
Le fameux hedge fund manager Mario Gabelli écrivait en 2002 : « Today, if asked to define hedge fund, I suspect most folks would characterize it as a highly speculative vehicle for unwitting fat cats and careless financial institutions to loser their shirts. »
La création du premier hedge fund est attribuée à Alfred Winslow Jones en 1949. Le terme hedge fund est cité pour la première fois en 1956 pour décrire le fait que le fond d’investissement de Jones était à la fois leveraged (levier) et hedger (couvert).
L’objectif premier de Jones, et de nombreux hedges funds aujourd’hui encore, est de développer des stratégies assurant un fort rendement en ayant une faible exposition aux fluctuations de marchés sur lesquels il investissait. Pour se faire, il combine deux techniques fortement spéculatives :
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Réaliser un stock picking judicieux, qui consiste à acheter des actions avec un potentiel futur, et vendre les actions dont les prévisions s’orientent vers le chemin de la baisse. Cette stratégie revêt un atout pour l’immunisation de la baisse des marchés, puisque les mauvaises actions dont nous sommes short baisseront plus fortement que les actions à fort potentiel. Cette stratégie consiste à diminuer le risque de marché pris par les investisseurs qui souhaitent se couvrir contre l’évolution défavorable du marché. Encore aujourd’hui, la difficulté réside dans la capacité prédictive de la direction du marché.
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Ensuite acheter des actions à crédit avec un fort potentiel, pour augmenter son rendement et s’endetter à moindre coup, soit en d’autre terme l’utilisation le levier d’investissement.
Ainsi, en combinant la couverture et le levier Jones arriva à obtenir entre 1949 et 1966 un rendement annuel de 17,3% tout en prélevant 20% de commission sur la performance des fond, soit au total une performance annuelle de 37,3%.
Selon les découvertes récentes des chercheurs, des activités de hedge fund préalable à celle de Jones ont été identifiées. A ce jour, un livre intitulé : « Scientific Forecasting », publié en 1931 à New York par l’éditeur Greenberg mentionne ue l’auteur Karl Karsten rédume la plus part des principes clés de la gestion d’un hedge fund.
Toutefois la réputation d’Alfred Winslow Jones est indéniable. En tant que prophète, il est nécessaire de le mentionner même si à l’arrière plan se cache un autre créateur, écrivain, universitaire et investisseur sous le nom de Karl Karsten. Contrairement à Jones, il n’a pas commencé par un fond public. Son entrée sur la scène des marchés est conceptuelle et décrite comme des prévisions scientifiques plutôt que chartistes. Son corpus documentaire cité ci-dessus comprend les meilleurs moyens possibles de communiquer des informations statistiques. En aucun cas son ouvrage a eu une incidence directe sur la pertinence de Wall Street et ses marchés financiers. C’est seulement huit ans après avoir fondé « The Karsten Laboratory » qu’il tourne son attention vers le marché des actions. Au cours de cette période, ses prévisions économiques ont été reconnu parmi les plus prédictibles quant à la direction des marchés.
- Les hedges funds aujourd’hui
Les années 80, via la maturation de nouvelles techniques financières, vont voir un nouvel essor des hedge funds qui vont augmenter pour atteindre 250 en 1989, puis 2700 en 1996. Leur performance exceptionnelle crée leur succès.
Mais les années 90 vont voir aussi la faillite retentissante de certains fonds : la plus célèbre est celle de Long-Term Capital Management (LTCM), causée par la crise asiatique et la dévaluation du rouble consécutive. En effet, LTCM est à ce moment-là long d’obligations à hauts rendements (junk bonds), qui deviennent illiquides en 1998 à cause de la demande importante des investisseurs pour des obligations de bonne qualité (fly to quality).
Cette faillite, puis aussi celle en 2005 du fonds Amaranth, n’a néanmoins pas permis l’essor d’une réglementation sur ces sociétés de gestion particulières. En effet, outre les utilisations de techniques spéculatives risquées, les hedge funds se caractérisent par une réglementation très souple voire inexistante, ainsi qu’une possibilité très limitée pour leur client de retirer le capital investi dans ces fonds.
La crise financière de 2007-2008 voit l’essor d’une volonté politique allant dans le sens de la réglementation. Il est difficile pourtant de responsabiliser les hedge funds comme étant à l’origine de cette crise.
Néanmoins, leurs activités spéculatives ont accompagné et certainement permis la frénésie de ces dernières années qui a abouti à l’implosion de 2008 : hausse du prix des matières premières, hausse du prix du pétrole, titrisation démesurée d’emprunts subprimes, etc. Mais les caractéristiques très particulières des hedge funds rendent aujourd’hui difficile l’application d’une réglementation et la mise en place de mesures de risque adéquates.
Les hedge funds représentent aujourd’hui une part significative des transactions sur de nombreux marchés. Autrefois petits groupes d’entrepreneurs, ils sont aujourd’hui, le plus souvent, de grandes institutions financières qui emploient des centaines de personnes.
Compte tenu de leur importance croissante et de leur spécificité, les hedge funds éveillent des suspicions quant à leur capacité présumée à déstabiliser les marchés voire à leur faire courir un risque systémique. Si ces inquiétudes sont légitimes pour certains, les hedge funds restent néanmoins des fonds d’investissement très rentables pour les investisseurs.