Olivier Pinaud et Julien Marion,



Agefi-Dow Jones





PARIS (Agefi-Dow Jones)--Il y a encore quelques mois, pas grand monde n'aurait parié sur un tel mariage. Fusionner TF1 et M6, les numéros deux et trois du marché français de l'audiovisuel gratuit, était certes la promesse d'un coup gagnant. Mais les obstacles tant réglementaires que des cultures d'entreprises diamétralement opposées paraissaient impossibles à surmonter. Aujourd'hui, la concurrence des Netflix, Amazon Prime et autre Disney+, encore plus vive depuis le premier confinement, a fait voler en éclats ces certitudes. Et ce ne sont pas les récentes vues d'Amazon sur les studios MGM qui vont inverser le raisonnement.



Le projet de mariage dévoilé lundi soir par TF1 et M6 vise clairement à répondre à cette nouvelle menace. Jouer la taille pour ne pas se faire engloutir : l'argument s'entend. Netflix investit à lui seul environ 17 milliards de dollars dans ses contenus chaque année. Le coût de la grille de TF1 ne dépasse pas le milliard d'euros.



L'ensemble TF1 et M6 affichera près de 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ainsi, il aura moins à rougir face aux 5,5 milliards de Canal+ et passera même devant les 3 milliards de France Télévisions. Mais que pèsera-t-il face aux 21 milliards de dollars de Netflix ?



Coup de maître



"La consolidation est une impérieuse nécessité pour que le public français et l'ensemble de la filière continuent de jouer un rôle prédominant face à une concurrence internationale exacerbée qui connaît une accélération fulgurante", a insisté Nicolas de Tavernost, le président du directoire de M6, qui doit devenir PDG du nouvel ensemble une fois la fusion réalisée. "Cette opération, attendue de longue date, donnerait naissance à un champion français de l'audiovisuel ayant l'envergure nécessaire pour investir dans des plateformes en ligne et résister à l'inflation des coûts de contenu", appuient les analystes du courtier américain Jefferies.



A bientôt 71 ans, le capitaine historique de M6 signe ici un coup de maître. Alors qu'il aurait dû engager sa succession en 2022, Nicolas de Tavernost va diriger le groupe fusionné, reléguant son alter ego chez TF1, Gilles Pélisson, au rang de directeur général adjoint du groupe Bouygues... Une consécration pour le dirigeant qui a su entretenir et bonifier le profil de challenger de M6 face à TF1. Avec une marge d'exploitation de 21% en 2020, l'ancienne "petite chaîne qui monte" était deux fois plus rentable que son grand concurrent.



Synergies



Selon les analystes de Bryan Garnier, la nomination à la tête de TF1-M6 de Nicolas de Tavernost, réputé pour son côté économe, crédibilise les objectifs de synergies promis par le rapprochement : entre 250 millions et 350 millions d'euros en année pleine au niveau du résultat opérationnel courant, soit 8% à 11% de la base actuelle de coûts opérationnels des deux groupes, selon les calculs du courtier Stifel. Elles seraient réalisées à l'issue des trois premières années d'activité suivant la finalisation de la fusion, attendue fin 2022.



TF1 et M6 ne détaillent pas l'origine de ces synergies. "Il est probable qu'il s'agisse d'un mix entre coûts (aux deux tiers) et revenus (pour un tiers)", avancent les analystes d'Oddo BHF. Ensemble, les deux groupes de télévision disposeront quasiment des deux tiers du marché publicitaire, avant de possibles cessions de chaînes pour satisfaire les exigences réglementaires. De quoi mettre en œuvre des économies d'échelle et améliorer le pouvoir de négociation auprès des annonceurs.



Menace réglementaire



Les investisseurs ont vite compris l'intérêt financier du mariage. L'action TF1 a gagné plus de 7% mardi, et celle de M6 près de 4%. A terme, si tout se passe bien, les analystes d'Oddo BHF calculent que l'effet positif potentiel sur les cours de Bourse des deux groupes pourrait avoisiner les 60% pour M6 et dépasser les 40% pour TF1.



Le tableau aurait pu être parfait sans la question réglementaire. L'Autorité de la concurrence peut-elle approuver ce mariage, alors que le secteur français de la création audiovisuelle a déjà exprimé certaines inquiétudes sur le pouvoir de décision qu'aurait un tel groupe ? Des cessions de chaînes seront nécessaires. Une gouvernance séparée des régies publicitaires sera peut-être demandée. Cela suppose aussi "que l'Autorité de la concurrence considère que le marché pertinent soit plus large que la télévision et soit étendu au web et à la radio", ajoute un analyste.



Convaincu de l'intérêt de leur union, TF1 et M6 devront aussi faire preuve de persuasion.





-Olivier Pinaud, L'Agefi, et Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: VLV



Agefi-Dow Jones The financial newswire



(END) Dow Jones Newswires



May 19, 2021 03:21 ET (07:21 GMT)




Copyright (c) 2021 L'AGEFI SA
Television Francaise TF1 (EU:TFI)
Graphique Historique de l'Action
De Avr 2024 à Mai 2024 Plus de graphiques de la Bourse Television Francaise TF1
Television Francaise TF1 (EU:TFI)
Graphique Historique de l'Action
De Mai 2023 à Mai 2024 Plus de graphiques de la Bourse Television Francaise TF1