TF1 et M6 promettent un mariage presque parfait - DJ Plus
19 Mai 2021 - 9:41AM
Dow Jones News
Olivier Pinaud et Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Il y a encore quelques mois, pas grand
monde n'aurait parié sur un tel mariage. Fusionner TF1 et M6, les
numéros deux et trois du marché français de l'audiovisuel gratuit,
était certes la promesse d'un coup gagnant. Mais les obstacles tant
réglementaires que des cultures d'entreprises diamétralement
opposées paraissaient impossibles à surmonter. Aujourd'hui, la
concurrence des Netflix, Amazon Prime et autre Disney+, encore plus
vive depuis le premier confinement, a fait voler en éclats ces
certitudes. Et ce ne sont pas les récentes vues d'Amazon sur les
studios MGM qui vont inverser le raisonnement.
Le projet de mariage dévoilé lundi soir par TF1 et M6 vise
clairement à répondre à cette nouvelle menace. Jouer la taille pour
ne pas se faire engloutir : l'argument s'entend. Netflix investit à
lui seul environ 17 milliards de dollars dans ses contenus chaque
année. Le coût de la grille de TF1 ne dépasse pas le milliard
d'euros.
L'ensemble TF1 et M6 affichera près de 3,5 milliards d'euros de
chiffre d'affaires. Ainsi, il aura moins à rougir face aux 5,5
milliards de Canal+ et passera même devant les 3 milliards de
France Télévisions. Mais que pèsera-t-il face aux 21 milliards de
dollars de Netflix ?
Coup de maître
"La consolidation est une impérieuse nécessité pour que le public
français et l'ensemble de la filière continuent de jouer un rôle
prédominant face à une concurrence internationale exacerbée qui
connaît une accélération fulgurante", a insisté Nicolas de
Tavernost, le président du directoire de M6, qui doit devenir PDG
du nouvel ensemble une fois la fusion réalisée. "Cette opération,
attendue de longue date, donnerait naissance à un champion français
de l'audiovisuel ayant l'envergure nécessaire pour investir dans
des plateformes en ligne et résister à l'inflation des coûts de
contenu", appuient les analystes du courtier américain
Jefferies.
A bientôt 71 ans, le capitaine historique de M6 signe ici un coup
de maître. Alors qu'il aurait dû engager sa succession en 2022,
Nicolas de Tavernost va diriger le groupe fusionné, reléguant son
alter ego chez TF1, Gilles Pélisson, au rang de directeur général
adjoint du groupe Bouygues... Une consécration pour le dirigeant
qui a su entretenir et bonifier le profil de challenger de M6 face
à TF1. Avec une marge d'exploitation de 21% en 2020, l'ancienne
"petite chaîne qui monte" était deux fois plus rentable que son
grand concurrent.
Synergies
Selon les analystes de Bryan Garnier, la nomination à la tête de
TF1-M6 de Nicolas de Tavernost, réputé pour son côté économe,
crédibilise les objectifs de synergies promis par le rapprochement
: entre 250 millions et 350 millions d'euros en année pleine au
niveau du résultat opérationnel courant, soit 8% à 11% de la base
actuelle de coûts opérationnels des deux groupes, selon les calculs
du courtier Stifel. Elles seraient réalisées à l'issue des trois
premières années d'activité suivant la finalisation de la fusion,
attendue fin 2022.
TF1 et M6 ne détaillent pas l'origine de ces synergies. "Il est
probable qu'il s'agisse d'un mix entre coûts (aux deux tiers) et
revenus (pour un tiers)", avancent les analystes d'Oddo BHF.
Ensemble, les deux groupes de télévision disposeront quasiment des
deux tiers du marché publicitaire, avant de possibles cessions de
chaînes pour satisfaire les exigences réglementaires. De quoi
mettre en œuvre des économies d'échelle et améliorer le pouvoir de
négociation auprès des annonceurs.
Menace réglementaire
Les investisseurs ont vite compris l'intérêt financier du mariage.
L'action TF1 a gagné plus de 7% mardi, et celle de M6 près de 4%. A
terme, si tout se passe bien, les analystes d'Oddo BHF calculent
que l'effet positif potentiel sur les cours de Bourse des deux
groupes pourrait avoisiner les 60% pour M6 et dépasser les 40% pour
TF1.
Le tableau aurait pu être parfait sans la question réglementaire.
L'Autorité de la concurrence peut-elle approuver ce mariage, alors
que le secteur français de la création audiovisuelle a déjà exprimé
certaines inquiétudes sur le pouvoir de décision qu'aurait un tel
groupe ? Des cessions de chaînes seront nécessaires. Une
gouvernance séparée des régies publicitaires sera peut-être
demandée. Cela suppose aussi "que l'Autorité de la concurrence
considère que le marché pertinent soit plus large que la télévision
et soit étendu au web et à la radio", ajoute un analyste.
Convaincu de l'intérêt de leur union, TF1 et M6 devront aussi faire
preuve de persuasion.
-Olivier Pinaud, L'Agefi, et Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33
(0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: VLV
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