Le RIP plonge les actionnaires d'ADP dans un corridor d'incertitudes - DJ Plus
10 Mai 2019 - 4:50PM
Dow Jones News
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--La privatisation de l'exploitant
aéroportuaire Groupe ADP a pris un sérieux coup de plomb dans
l'aile. Jeudi, le Conseil constitutionnel a donné son aval à la
proposition de référendum d'initiative partagée (RIP) déposée par
des parlementaires. Ce qui ouvre la voie un long processus pouvant
théoriquement aboutir à la consultation des électeurs, avec en
filigrane le spectre d'un rejet de cette privatisation.
La décision des Sages de la rue Montpensier a fait revenir le titre
ADP à des profondeurs lointaines. En début d'après-midi, vendredi,
la valeur chutait de 10% à 152,5 euros, tombant à un plus bas
depuis un an et demi, après avoir déjà abandonné 5,7% jeudi. "A ce
niveau, le cours de Bourse d'ADP n'intègre plus aucun caractère
spéculatif et est en ligne avec sa valeur intrinsèque", remarque
Charles Maynadier, analyste chez Kempen & Co.
Les actionnaires de l'exploitant aéroportuaire souffrent désormais
d'une absence de visibilité regrettable, qui persistera encore
pendant de long mois.
La probabilité "extraordinairement faible" d'un référendum
Certes, il serait prématuré et erroné de tirer un trait sur la
privatisation de Groupe ADP. La prochaine étape impose aux
dépositaires du RIP de recueillir dans un délai de neuf mois le
soutien d'un dixième des électeurs inscrits sur les listes
électorales, soit 4,17 millions de Français, selon le Conseil
constitutionnel. A titre de comparaison, les pétitions les plus
populaires en France n'ont que rarement dépassé les 2 millions de
signataires. "Il me paraît très compliqué d'obtenir ces soutiens,
car, contrairement à une pétition, ils ne sont pas anonymes: les
citoyens doivent donner la preuve de leur identité", explique
Michel Lascombe, spécialiste du droit constitutionnel qui a
enseigné à l'Institut d'études politiques de Lille.
De plus, obtenir le nombre de soutien nécessaire n'impliquerait pas
la tenue automatique d'un référendum. L'Assemblée nationale et le
Sénat peuvent ensuite examiner le texte portant le RIP dans un
délai de six mois. Le cas échéant, le référendum n'aurait pas lieu.
"Même si les chambres rejettent le texte, ou, que la première l'a
adopté ou rejeté et que la deuxième l'a seulement inscrite à son
ordre du jour sans véritablement le discuter, il n'y aura pas de
référendum", explique Aurélie Monteil, doctorante en droit public à
l'Université Paris I. "La probabilité d'un référendum est
extraordinairement faible", conclut Michel Lascombe.
Le député LaRem Stanislas Guérini a laissé peu de place au doute:
"si ce référendum d'initiative partagée suit son cours, en réalité
ce ne sera pas un référendum: nous allons à nouveau étudier ce
projet à l'Assemblée national", a-t-il affirmé sur France Info.
Nouvelle décision du Conseil constitutionnel
Que le RIP aboutisse ou non, le mal pour les investisseurs est déjà
fait. La décision du conseil constitutionnel entraîne "une perte de
valeur en terme de temps et réduit la probabilité d'une
privatisation partielle ou totale", souligne Morgan Stanley dans
une note adressée à ses clients.
Les actionnaires d'ADP devront prendre leur mal en patience. Le
ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué vendredi matin
qu'aucune décision sur une opération de privatisation ne sera prise
pendant que la procédure du RIP suivra son cours, soit au bas mot
pendant neuf mois. Durant ce laps de temps, aucune indication
officielle ne sera donnée sur des paramètres essentiels tels que la
structure de la privatisation ou le maintien ou non de l'Etat au
capital du groupe.
Ce hiatus a poussé JPMorgan à dégrader la valeur de "surpondérer" à
"neutre" vendredi, la banque américaine jugeant que l'appétit
d'éventuels acquéreurs pour ADP devrait être affecté par ce
contexte défavorable. Goldman Sachs a abaissé son conseil de
"neutre" à "vendre". "Même si la privatisation devait aller de
l'avant, elle connaîtrait probablement un retard significatif, et
nous pensons que l'incertitude qui règne pourrait entre-temps
conduire à une dépréciation du titre vers une valorisation
davantage conforme à notre objectif de cours (151 euros, NDLR)", a
expliqué la banque dans une note publiée avant l'ouverture du
marché, vendredi.
Les porteurs d'ADP devront, de plus, surveiller une autre décision
du Conseil constitutionnel, portant cette fois sur le fond de la
loi Pacte, et qui pourrait aboutir à une éventuelle censure de la
privatisation. Bercy a toutefois a indiqué à l'agence Agefi-Dow
Jones attendre avec "sérénité" ce verdict, prévu jeudi
prochain.
Plus que jamais, le processus de privatisation d'ADP constitue une
équation avec un nombre d'inconnues astronomiques. Dans ce
contexte, considérer la chute boursière de l'exploitant
aéroportuaire comme un bon point d'entrée apparaît inopportun. Le
titre ADP a de bonnes chances de rester sur le tarmac.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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