Macron relance le vieux débat de la retraite universelle par points
Par
Jean-Christophe Chanut
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03/03/2017, 13:47
|
2207
mots
http://www.latribune.fr/economie/presidentielle-2017/macron-relance-le-vieux-debat-de-la-retraite-universelle-par-points-652455.html">
Emmanuel Macron ressuscite la vieille idée
d'instaurer un régime de retraite unique par points où chacun pourrait
choisir le moment de son départ à la retraite en fonction du nombre de
points accumulés. Un système qui ne répond pas à la question de savoir
quelle part de la richesse nationale les Français seraient-ils prêts à
affecter à ce nouveau régime?
(Crédits : © Charles Platiau / Reuters)
L'ancien ministre de l'Économie prône l'instauration
d'un régime unique de retraite par points pour l'ensemble de la
population. Une vieille idée qui soulève pas mal de difficultés.
Vers un système universel de retraites ? Emmanuel Macron,
en présentant le 2 mars son programme présidentiel, a ressuscité cette
vieille idée d'instaurer une retraite par points pour tous : exit donc
les régimes spéciaux et le régime spécifique aux fonctionnaires. Tout le
monde bénéficierait des mêmes règles. Que dit exactement le programme
d'Emmanuel Macron :
« Notre projet, ce n'est pas de
changer encore une fois tel ou tel paramètre du système de retraites. Il
n'est pas de sortir de la répartition. Il est de rétablir la confiance
et de construire un système adapté aux parcours professionnels et de vie
d'aujourd'hui et de demain. Il est de clarifier et de stabiliser les
règles du jeu, une fois pour toutes, en mettant en place un système
universel, juste, transparent et fiable, dans lequel chacun bénéficie
exactement des mêmes droits. ».
Très concrètement, le leader du Mouvement En Marche! suggère donc d'instituer un régime par points :
« Les
cotisations, aux régimes de base comme aux régimes complémentaires,
qu'elles soient versées sur les bases de revenus ou acquises au titre de
la solidarité (pour les chômeurs par exemple) seront inscrites sur un
compte individuel et revalorisées chaque année selon la croissance des
salaires. Ainsi, chaque euro cotisé accroîtra de la même manière la
pension future, quel que soit le statut du travailleur et l'origine de
cette cotisation(...). Le total des droits accumulés sera converti au
moment de la retraite en une pension, à l'aide d'un coefficient de
conversion fonction de l'âge de départ et de l'année de naissance. »
Une question d'égalité et non pas financière
Pour Emmanuel Macron, ce système aurait le mérite de mettre tout le monde sur un pied d'égalité : « Fonctionnaires,
salariés, indépendants auront tous les mêmes droits, le calcul de la
retraite sera le même pour tous. On saura que, quand des personnes ont
une retraite plus élevée, c'est qu'elles-mêmes, leurs employeurs, ou
l'État au titre de la solidarité, ont cotisé davantage ».
L'ancien
ministre de l'Économie insiste bien sur ce point, la vraie question est
de créer une égalité devant la retraite, pas de résoudre un problème
financier. Selon lui, en effet, après plus de vingt ans de réformes
successives (1993, 2003, 2008, 2010, 2014 !), « le problème des
retraites n'est plus un problème financier. Les travaux du Conseil
d'orientation des retraites, qui font référence, le montrent ».
Certes, ce que dit Emmanuel Macron est partiellement exact, mais, en réalité, le COR se montre plus prudent. Selon son rapport annuel de juin 2016, les projections financières s'amélioreraient
à l'horizon 2020 et ceci dans tous les scénarios économiques envisagés
(avec une croissance annuelle variant de 1% à 2% et un taux de chômage
stabilisé à 7% d'ici à dix ans, contre environ 10% actuellement). Le
solde financier total de l'ensemble des régimes privés et publics
s'établirait alors à -0,2% PIB, soit un déficit de 4 milliards d'euros.
A
moyen terme, le système de retraite pourrait revenir à l'équilibre dès
le milieu des années 2020, puis dégager des excédents, a la condition
d'une croissance.... comprise entre 1,8% et 2%. Mais, à inverse, le
système "resterait durablement en besoin de financement en cas de
croissance des revenus d'activité inférieure à 1,5% par an à long terme". Dire que la question du financement des retraites est réglée s'avère donc légèrement optimiste.
Un régime unifié, une vieille idée...
Quant
à l'idée d'instituer un régime par points, elle ne date pas d'hier.
Mais so application se heurte depuis des années au casse-tête de la
période de transition. Comment faire pour modifier progressivement les
paramètres ?
Déjà, durant sa campagne électorale de 2012, le
candidat François Hollande avait évoqué une « réforme systémique » des
retraites, beaucoup plus ambitieuse que la réforme qui sera finalement
votée en 2014. Il était soutenu sur ce point par la CFDT, qui milite
aussi fortement depuis longtemps pour des modifications d'ampleur.
Même
avant cela, et c'est un peu oublié, sous le quinquennat de Nicolas
Sarkozy, la loi de 2010 réformant les retraites prévoyait dans son
article 16 « qu'à compter du premier semestre 2013, le comité de
pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur
les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la
prise en charge du risque vieillesse. Parmi les thèmes de cette
réflexion, figurent [...] les conditions de mise en place d'un régime
universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du
principe de répartition ».
De fait, l'idée récurrente,
reprise par Emmanuel Macron, est en effet d'aller vers un régime de base
unique pour l'ensemble des salariés, du public comme du privé, à
l'instar de ce qui existe déjà dans des pays comme le Canada, les
États-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou la Suède. Cette idée,
d'ailleurs, n'est pas nouvelle. Le programme du Conseil national de la
résistance la prévoyait. Mais, en 1945, elle n'a pu être réalisée,
certains régimes spéciaux voulant sauvegarder leur indépendance ayant
refusé une intégration dans un régime généralisé (agriculteurs,
indépendants, etc.). Résultat, coexistent actuellement en France plus de
30 régimes de retraite de base.
... difficile à mettre en place
Comme
le souligne fort justement Emmanuel Macron, le régime unique aurait
pour principale qualité de mettre fin aux inégalités de traitement face à
la retraite. Des inégalités de plus en plus dénoncées par les salariés
affiliés au régime général au fur et à mesure que les règles régissant
les retraites se durcissent (surtout depuis la réforme Balladur de 1993)
en raison du déséquilibre démographique (selon le COR, de 2,1 cotisants
par retraité en 2010, le ratio démographique devrait passer à 1,65
cotisant par retraité en 2020 et à 1,4 en 2040) et donc des difficultés
de financement. Ce mouvement vers l'unification, on en perçoit déjà
quelques prémices. Au niveau institutionnel, d'abord, avec un mouvement
de rapprochement de diverses caisses. Ainsi la création en 2006 du
Régime social des indépendants (RSI), né de la fusion de la Cancava
(artisans) et de l'Organic (industriels et commerçants)... Et ce n'est
certes pas un grand succès. Les régimes des professions libérales
également, sont unifiés et gérés depuis 2004 par la Caisse nationale
d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Sans parler,
pour les régimes complémentaires, cette fois, de l'union de plus en plus
étroite entre l'Arrco (salariés) et l'Agirc (cadres).
Mais cette
marche vers un régime unique, on la retrouve également dans les règles
régissant les différents régimes. Ainsi, ce n'est peut-être pas assez
dit, mais depuis la réforme de 2003, le régime de base de retraite des
fonctionnaires a perdu de son attrait : alignement de la durée
d'assurance requise pour bénéficier du taux plein sur celle applicable
dans le régime général, indexation des pensions sur l'indice des prix
hors tabac.
Un mouvement qui s'est poursuivi après la réforme
Woerth de 2010 : report progressif de l'âge de la retraite (60 à 62 ans
pour les sédentaires), suppression du dispositif de départ anticipé pour
les parents de trois enfants après quinze ans de carrière. Après la
réforme de 2014, la cotisation retraite des fonctionnaires a
progressivement augmenté pour atteindre une hausse de 0,15% en 2017.
Idem pour la durée de cotisation qui passera de 41,5 ans à 43 ans d'ici
2035
Mais il reste tout de même une grande différence, celle qui
énerve le plus les salariés du privé : les pensions des fonctionnaires
sont toujours calculées sur la base du traitement de référence des six
derniers mois, hors prime, au lieu de la prise en compte des 25
meilleures années dans le privé, depuis la réforme Balladur de 1993
(auparavant, le calcul s'effectuait sur la base des 10 meilleures
années). La commission qui avait planché sur la réforme de 2014
suggérait avec prudence de remettre en cause progressivement ce mode de
calcul, avec une étape, par exemple, passant par la prise en compte des
trois dernières années au lieu des six derniers mois.
Même les
régimes spéciaux (SNCF, RATP, etc.) ont commencé doucement à évoluer
depuis la réforme de 2008 : recul progressif de l'âge de la retraite
(mais selon un calendrier particulier, il est vrai), introduction d'un
mécanisme de surcote et de décote, etc.
Vers un régime à la carte et par points
Pour
autant, la marche vers une égalisation des régimes de retraite est
encore un long chemin. Et comment parvenir à ce mythique régime unique ?
L'hypothèse
la plus généralement retenue, c'est d'ailleurs donc celle retenue par
Emmanuel Macron, est l'institution d'un régime par répartition
fonctionnant à la carte et par points. C'est, en tout cas, le dispositif
proposé par des économistes classés à droite comme à gauche.... Ce qui
ne peut que plaire au positionnement adopté par l'ancien ministre de
l'Économie.
Ainsi, l'Institut Montaigne, d'obédience plutôt
libérale, plaidait dans une note de juin 2010 - « Réformer les retraites
: pourquoi et comment » - pour l'instauration d'un régime unique
remplaçant les régimes obligatoires et complémentaires actuels. Ce
régime unique, détaillait la note, « rétablirait l'égalité, à condition
que toute contribution se traduise par l'obtention de points dans le
respect du principe "à contributions égales, droits égaux", ce qui n'est
pas le cas aujourd'hui ».
La notion d'âge légal de départ à la
retraite serait supprimée et remplacée par celle de « plage légale »
(par exemple à partir de 55 ans et jusqu'à 70 ans). Chaque bénéficiaire
serait ainsi en mesure de décider librement du moment où il se retire en
liquidant tout ou partie de sa pension. Bien entendu, ce principe
devrait respecter la neutralité actuarielle.
Concrètement,
explique l'Institut Montaigne, si l'on part plus tôt, on touche moins,
mais plus longtemps. Ainsi, en attribuant un coefficient 1 à la pension
mensuelle due à 60 ans, et un coefficient 1,25 en cas de départ à 65
ans, « on offre la liberté de choix aux assurés sociaux sans que cela
pose des problèmes à la Caisse de retraite : ceux qui préfèrent partir
tôt en ayant moins chaque mois le font ; ceux qui préfèrent partir plus
tard pour disposer de plus d'argent chaque mois le font. Les choix
individuels ne perturbent pas l'équilibre financier du système de
retraite ».
En outre, ce système devrait obéir à certaines règles
pour ne pas connaître de déséquilibres : adopter le principe des
cotisations définies ; ne distribuer aux retraités que ce qui provient
des cotisations prélevées sur les actifs, « à un taux raisonnable » ;
s'interdire de recourir à l'emprunt.
C'est un « big-bang » assez
semblable que proposaient les économistes Antoine Bozio et Thomas
Piketty dans leur ouvrage « Pour un nouveau système de retraite »
(éditions Rue d'Ulm, 2008). Eux aussi, à la multiplicité des caisses et
régimes actuels, opposaient l'instauration d'un système unique où chaque
individu accumulerait des points de retraite durant sa vie
professionnelle. Ces points seraient porteurs d'un intérêt réel indexé
sur l'évolution de la masse salariale. Chacun déciderait de sa date de
départ à la retraite : il n'y aurait plus d'âge légal. Et la pension
serait alors calculée en fonction du nombre de points accumulés et de
l'espérance de vie moyenne à l'âge choisi pour se retirer de la vie
active. Les avantages non contributifs (ceux versés sans rapport avec
les cotisations) seraient financés par l'État ou d'autres prélèvements
spécifiques.
Quelle part du PIB affecter aux retraités ?
Emmanuel
Macron dispose donc de travaux antérieurs pour nourrir sa réflexion sur
un « big-bang » des retraites. Mais, même après l'éventuelle
instauration d'un régime par points, sachant, répétons-le, que les
modalités de la période de transition sont extrêmement difficiles à
régler (d'ailleurs le plan Macron prévoit que les salariés à 5 ans de la
retraite ne seraient pas concernés par le nouveau dispositif) une
question demeurera. En effet, un régime unique par point ne résoudrait
pas la question du financement du déficit démographique. Il resterait
alors un sujet épineux à régler pour déterminer le montant des
cotisations, de la valeur du point et des pensions : quelle part du PIB
les Français seraient-ils prêts à affecter à ce nouveau régime ?
Actuellement,
déjà, le coût des retraites représente environ 13 % du PIB. Sans les
multiples réformes intervenues depuis 1993, il atteindrait 18 %. Selon
l'Insee, le poids des dépenses d retraites devrait s'alléger à compter
de 2025 pour représenter 11,2% du PIB, grâce à l'ensemble des réformes
adoptées jusqu'ici.
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La
direction générale du Trésor évalue à 1,1 milliard d’euros les
économies qui pourraient être faites d’ici à 2030 grâce à l’accord
négocié avec l’Agric-Arrco. L’objectif initial était d’économiser 800
millions d’euros.
C’est
une prévision particulièrement optimiste qu’a livré lundi 29 août la
direction générale du Trésor. Dans une note, elle estime que l'accord
sur les retraites complémentaires Agirc-Arrco conclu en octobre 2015
permettrait d'améliorer le solde de l'ensemble des régimes de retraite
de 0,3% de PIB à partir de 2020. C’est nettement mieux que ce
qu’anticipait l’Agirc-Arrco elle-même.
Parmi les mesures de cet accord, figure un système de bonus-malus
pour inciter les salariés du secteur privé à travailler une année de
plus (appelé coefficient de solidarité). En clair, les
salariés ayant cotisé le nombre de trimestres nécessaires pour toucher
la retraite de la sécurité sociale toucheront de l’Arrco et, le cas
échéant, de l’Argirc, une pension en partie rognée de 10% pendant trois
ans. S’ils attendent une année de plus, ils échappent à ce malus.
À l’inverse, ceux qui décaleront leur départ de deux années, auront
droit à 10% de plus.
1,1 milliard d'euros d'économisé
L’objectif de cet accord était d’économiser 800 millions d’euros en
Lire la suite sur BFM Business2030. Or, le gain devrait plutôt avoisiner les 1,1 milliard d’euros. En
fait, l’Agirc-Arrco se basait sur l’hypothèse selon laquelle 95% des
assurés ne modifieraient pas leur âge de départ en retraite, malgré les
abattements. Le Trésor est nettement plus optimiste. Ses experts
estiment que les futurs retraités seront...