Dimitri Delmond,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'offensive lancée par Veolia sur son concurrent Suez à la fin août atteste que la pause est finie. La crise sanitaire du nouveau coronavirus a tout juste ralenti le flux des fusions et des acquisitions (M&A) impliquant des sociétés membres de l'indice SBF 120. Après une phase d'attentisme, les dossiers initiés au cours du premier semestre et ayant pris du retard vont vite redémarrer et les grandes manœuvres reprendre, préviennent les experts des "fusacq".



"A partir du mois de mars, la soudaineté de la crise a mis un coup d'arrêt à la vaste majorité des opérations, car la visibilité réclamée par le marché des M&A a subitement disparu", explique Jean-Baptiste Charlet, co-responsable de la banque d'investissement de Morgan Stanley en France. "En dépit des turbulences brutales ayant affecté le marché, les opérations encore à quai du fait de la pandémie de Covid-19 sont peu nombreuses", relève toutefois Jérémie Marrache, co-responsable des activités M&A de Goldman Sachs pour la France.



La reprise est proche. "Avec la crise économique qui s'annonce, de nombreuses entreprises vont voir leur valorisation décroître et leur modèle économique fragilisé, ce qui pourrait avoir pour effet de relancer des opportunités de rachat ou de consolidation dans certains secteurs", prédisent les avocats du cabinet Grant Thornton. Ce mouvement de consolidation sera entretenu par les sociétés ayant réalisé pendant la crise que leur taille, leur présence géographique ou leur portefeuille d'activités étaient trop restreints.



Acheteurs comme vendeurs pourraient s'y retrouver



La vigueur de la réponse apportée par les banques centrales à la crise sanitaire, la poursuite de la baisse des taux d'intérêt et la remontée puis la stabilisation des indices constituent autant d'atouts pour de potentiels acquéreurs. Mais le pouvoir de négociation des vendeurs ne sera pas pour autant nul lors de la prochaine vague de M&A: les entreprises dont les actifs ont tenu le choc au premier semestre et disposant d'une bonne visibilité malgré la crise pourraient bénéficier d'une prime de valorisation.



En revanche, pour les offres en cours et dont la finalisation a été reportée en raison de la crise, les acheteurs conservent la main. Surtout si le contrat d'acquisition signé entre les parties contient une clause de "changement défavorable significatif", dite clause MAC, pour "material adverse change". Ce dispositif juridique a pour but de permettre à un acheteur d'interrompre une transaction ou d'en modifier les contours financiers en cas d'événement susceptible de significativement pénaliser la situation de la société cible.



"Si une clause MAC figure dans le contrat encadrant leur récent projet d'acquisition, et qu'elle est bien rédigée, LVMH, EssilorLuxottica et Alstom devraient pouvoir renégocier à leur avantage les termes de leur offre sur, respectivement, Tiffany, GrandVision et Bombardier Transport", assure un banquier d'affaires basé à Paris. "En présence d'une clause MAC, les renégociations ont de très fortes chances d'aboutir", abonde Johannes Jonas, avocat associé du cabinet Cohen & Gresser. Contactés par l'agence Agefi-Dow Jones, Alstom et EssilorLuxottica n'ont pas souhaité commenter ces sujets, tandis que LVMH n'était pas disponible dans l'immédiat.



Les dossiers ont été peaufinés tout l'été



Les récentes offres d'achat dévoilées par les ténors de la cote parisienne attestent que les entreprises françaises ont profité de l'été pour peaufiner leur stratégie de croissance externe. "Beaucoup de nos clients ont présenté avant l'été à leur conseil d'administration des revues stratégiques, avec parfois une liste d'opérations bien identifiées, après avoir réinstruit leurs dossiers prioritaires, et ce dans l'espoir de lancer des offensives rapidement une fois la crise terminée", confie Jean-Baptiste Charlet. "Les entreprises françaises ont beaucoup d'ambition", ajoute-t-il.



Johannes Jonas confirme que les fleurons français sont prêts à passer à l'action: "Le marché regorge tellement de liquidités que nous avons été sollicités pour des opérations d'acquisition au cours des deux premières semaines du mois d'août, ce qui est exceptionnel".



De solides bilans



Contrairement à leur situation lors de la crise économique de 2008, les groupes tricolores disposent de bilans solides, leur permettant de réaliser des transactions significatives. En plus de disposer d'une capacité d'endettement bien plus importante qu'il y a douze ans, ces entreprises n'hésitent plus à proposer des paiements en titres, comme c'est le cas pour le rapprochement envisagé entre Ingenico et Worldline. Anne Bizien, co-responsable des activités de M&A de Goldman Sachs en France anticipe ainsi "un flux continu d'opérations de fusion et d'acquisition au cours des douze à dix-huit prochains mois".



Optimistes, les opérateurs devront toutefois surveiller l'évolution des marchés dont la décorrélation avec l'économie réelle inquiète un nombre croissant de régulateurs. Une chute des Bourses pourrait compromettre certaines opérations... même si des investisseurs jugeront qu'elle créerait aussi de nouvelles opportunités.



-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH



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September 07, 2020 03:10 ET (07:10 GMT)




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