Sur le SBF 120, le marché doit se préparer à d'autres M&A d'envergure - DJ Plus
07 Septembre 2020 - 9:30AM
Dow Jones News
Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'offensive lancée par Veolia sur son
concurrent Suez à la fin août atteste que la pause est finie. La
crise sanitaire du nouveau coronavirus a tout juste ralenti le flux
des fusions et des acquisitions (M&A) impliquant des sociétés
membres de l'indice SBF 120. Après une phase d'attentisme, les
dossiers initiés au cours du premier semestre et ayant pris du
retard vont vite redémarrer et les grandes manœuvres reprendre,
préviennent les experts des "fusacq".
"A partir du mois de mars, la soudaineté de la crise a mis un coup
d'arrêt à la vaste majorité des opérations, car la visibilité
réclamée par le marché des M&A a subitement disparu", explique
Jean-Baptiste Charlet, co-responsable de la banque d'investissement
de Morgan Stanley en France. "En dépit des turbulences brutales
ayant affecté le marché, les opérations encore à quai du fait de la
pandémie de Covid-19 sont peu nombreuses", relève toutefois Jérémie
Marrache, co-responsable des activités M&A de Goldman Sachs
pour la France.
La reprise est proche. "Avec la crise économique qui s'annonce, de
nombreuses entreprises vont voir leur valorisation décroître et
leur modèle économique fragilisé, ce qui pourrait avoir pour effet
de relancer des opportunités de rachat ou de consolidation dans
certains secteurs", prédisent les avocats du cabinet Grant
Thornton. Ce mouvement de consolidation sera entretenu par les
sociétés ayant réalisé pendant la crise que leur taille, leur
présence géographique ou leur portefeuille d'activités étaient trop
restreints.
Acheteurs comme vendeurs pourraient s'y retrouver
La vigueur de la réponse apportée par les banques centrales à la
crise sanitaire, la poursuite de la baisse des taux d'intérêt et la
remontée puis la stabilisation des indices constituent autant
d'atouts pour de potentiels acquéreurs. Mais le pouvoir de
négociation des vendeurs ne sera pas pour autant nul lors de la
prochaine vague de M&A: les entreprises dont les actifs ont
tenu le choc au premier semestre et disposant d'une bonne
visibilité malgré la crise pourraient bénéficier d'une prime de
valorisation.
En revanche, pour les offres en cours et dont la finalisation a été
reportée en raison de la crise, les acheteurs conservent la main.
Surtout si le contrat d'acquisition signé entre les parties
contient une clause de "changement défavorable significatif", dite
clause MAC, pour "material adverse change". Ce dispositif juridique
a pour but de permettre à un acheteur d'interrompre une transaction
ou d'en modifier les contours financiers en cas d'événement
susceptible de significativement pénaliser la situation de la
société cible.
"Si une clause MAC figure dans le contrat encadrant leur récent
projet d'acquisition, et qu'elle est bien rédigée, LVMH,
EssilorLuxottica et Alstom devraient pouvoir renégocier à leur
avantage les termes de leur offre sur, respectivement, Tiffany,
GrandVision et Bombardier Transport", assure un banquier d'affaires
basé à Paris. "En présence d'une clause MAC, les renégociations ont
de très fortes chances d'aboutir", abonde Johannes Jonas, avocat
associé du cabinet Cohen & Gresser. Contactés par l'agence
Agefi-Dow Jones, Alstom et EssilorLuxottica n'ont pas souhaité
commenter ces sujets, tandis que LVMH n'était pas disponible dans
l'immédiat.
Les dossiers ont été peaufinés tout l'été
Les récentes offres d'achat dévoilées par les ténors de la cote
parisienne attestent que les entreprises françaises ont profité de
l'été pour peaufiner leur stratégie de croissance externe.
"Beaucoup de nos clients ont présenté avant l'été à leur conseil
d'administration des revues stratégiques, avec parfois une liste
d'opérations bien identifiées, après avoir réinstruit leurs
dossiers prioritaires, et ce dans l'espoir de lancer des offensives
rapidement une fois la crise terminée", confie Jean-Baptiste
Charlet. "Les entreprises françaises ont beaucoup d'ambition",
ajoute-t-il.
Johannes Jonas confirme que les fleurons français sont prêts à
passer à l'action: "Le marché regorge tellement de liquidités que
nous avons été sollicités pour des opérations d'acquisition au
cours des deux premières semaines du mois d'août, ce qui est
exceptionnel".
De solides bilans
Contrairement à leur situation lors de la crise économique de 2008,
les groupes tricolores disposent de bilans solides, leur permettant
de réaliser des transactions significatives. En plus de disposer
d'une capacité d'endettement bien plus importante qu'il y a douze
ans, ces entreprises n'hésitent plus à proposer des paiements en
titres, comme c'est le cas pour le rapprochement envisagé entre
Ingenico et Worldline. Anne Bizien, co-responsable des activités de
M&A de Goldman Sachs en France anticipe ainsi "un flux continu
d'opérations de fusion et d'acquisition au cours des douze à
dix-huit prochains mois".
Optimistes, les opérateurs devront toutefois surveiller l'évolution
des marchés dont la décorrélation avec l'économie réelle inquiète
un nombre croissant de régulateurs. Une chute des Bourses pourrait
compromettre certaines opérations... même si des investisseurs
jugeront qu'elle créerait aussi de nouvelles opportunités.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31;
ddelmond@agefi.fr ed: ECH
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