PARIS (Agefi-Dow Jones)--CGG a vu son chiffre d'affaires bondir de
21% en 2023 à la faveur de la reprise des investissements de
l'industrie pétrolière, son principal client. A moyen terme, le
groupe doit cependant trouver des relais de croissance en dehors
des hydrocarbures, ce à quoi s'attèle sa directrice générale,
Sophie Zurquiyah. Dans un entretien accordé à l'agence Agefi-Dow
Jones, elle présente les ambitions du spécialiste des géosciences à
l'heure de la transition énergétique et fait le point sur sa
trajectoire financière.
Agefi-Dow Jones : Après une lourde restructuration en 2018, quel
est le nouveau visage du spécialiste de la sismique ?
Sophie Zurquiyah : CGG a mis en œuvre sa transformation telle
qu'annoncée à l'époque. Nous sommes sortis de l'acquisition de
données sismiques, une activité intense en capital reposant sur
l'exploitation d'une flotte de navires, pour devenir une société de
haute technologie "asset light". Le groupe reste largement exposé à
l'industrie du pétrole et du gaz, que ce soit via la
caractérisation des réservoirs, notre librairie d'images du
sous-sol ou nos équipements, mais la diversification à d'autres
secteurs d'activité est en bonne voie. Les nouveaux métiers
représentent déjà 90 millions de dollars de ventes, soit environ 8%
du chiffre d'affaires. Nous visons 20% d'ici 2025-2026 et 30% dans
trois à cinq ans.
Agefi-Dow Jones : Quels sont ces nouveaux métiers en dehors du
pétrole et du gaz ?
Sophie Zurquiyah : Notre expertise en géosciences trouve notamment
une application naturelle dans la détection et la caractérisation
de réservoirs en sous-sol pour le stockage du carbone. Nous avons
par exemple été retenus pour le projet Northern Lights en Norvège.
Ce secteur est voué à une forte croissance même si l'accélération
que nous attendions pour 2024-2025 devrait finalement avoir lieu
avec un an de décalage. Nous devrions pouvoir capter de l'ordre de
5% à 10% de la valeur des investissements dans le domaine au début,
puis quelques pourcents, comme c'est actuellement le cas dans le
pétrole et le gaz, lorsqu'il sera devenu plus mature.
Nous visons également l'industrie minière, notamment du lithium, du
cobalt ou du nickel. Les extractions actuelles sont plutôt faites
en surface mais, pour trouver d'autres gisements, il va falloir
chercher dans le sous-sol, en utilisant nos technologies de pointe.
Nous nous intéressons aussi à l'hydrogène dit "blanc", disponible à
l'état naturel. Enfin, nous misons beaucoup sur la surveillance des
infrastructures sensibles comme les ponts suspendus ou les
éoliennes offshores. Cela représente un débouché intéressant pour
notre pôle Sensing & Monitoring car nous pourrons vendre à la
fois nos équipements et des services associés. Au global, tous ces
nouveaux marchés pèseront à peu près la même taille que notre
marché historique à horizon 2026. A nous d'en capter une part
substantielle.
Agefi-Dow Jones : Les dépenses d'investissement de l'industrie
pétrolière ont augmenté d'environ 15% en 2023 après une hausse de
20% en 2022. Est-ce le début d'un nouveau cycle pétrolier ?
Sophie Zurquiyah : Les compagnies pétrolières avaient beaucoup
coupé dans leurs dépenses pendant le Covid. Elles cherchent
aujourd'hui à augmenter leur production pour répondre à la demande,
en particulier de gaz naturel. Les compagnies nationales au Brésil,
au Mexique, en Malaisie et au Moyen-Orient relancent des projets
d'exploration mais, globalement, nous ne sommes toujours pas
revenus aux niveaux d'investissement de 2019. Nous nous attendons à
ce que l'environnement reste porteur au cours des trois prochaines
années, avec une croissance des dépenses comprise entre 5% et 10%
par an ("high single digit"). CGG devrait profiter de cette reprise
notamment dans l'offshore et, pour la partie terrestre, de son
exposition au Moyen-Orient.
Agefi-Dow Jones : Dans l'hypothèse où les dépenses d'exploration se
tariraient, quelles seraient les conséquences pour CGG ?
Sophie Zurquiyah : Sur nos métiers historiques liés à l'industrie
pétrolière, nous voyons de la croissance au moins jusqu'en
2026-2027. Ensuite, nous pourrions avoir moins de croissance,
peut-être une stagnation ou une légère décroissance. Mais
l'intensité de la demande pour nos services ne va pas chuter
brusquement. Nous sommes sur un marché de niche : nous aidons nos
clients énergéticiens à mieux comprendre leurs réservoirs, avec une
avance technologique unique. La demande pour ce type de service va
durer encore longtemps. Cela nous laisse du temps pour développer
nos nouvelles activités, qui croîtront plus vite au cours des
prochaines années.
Agefi-Dow Jones : En dépit d'une croissance retrouvée et de la
poursuite de votre plan de transformation, votre titre est proche
de son plus bas historique. Comment expliquez-vous cette
désaffection boursière ?
Sophie Zurquiyah : Les investisseurs se posent encore beaucoup de
questions sur notre environnement de marché, en particulier sur la
reprise des dépenses d'exploration. Par ailleurs, la transition en
cours de CGG vers de nouveaux relais de croissance devrait
permettre d'améliorer progressivement l'image du groupe auprès des
investisseurs. Nous avons réalisé une très belle année 2023 avec
une croissance de notre chiffre d'affaires de 21% et un flux de
trésorerie positif. Je note qu'un de nos principaux concurrents
[TGS, ndlr], bien qu'il n'ait pas de dettes, a eu des performances
boursières similaires sur l'année écoulée. Cela montre que
l'environnement sectoriel est un facteur prépondérant.
Agefi-Dow Jones : La société est-elle considérée comme stratégique
par l'Etat français, ce qui empêcherait toute offre publique
d'achat (OPA) malgré un capital éclaté où seul Fidelity pointe à
plus de 10% ?
Sophie Zurquiyah : Je pense en effet que CGG serait considéré comme
stratégique, car le groupe a des activités dans la défense,
principalement en Europe. Elles sont marginales à l'échelle des
ventes du groupe, mais il s'agit de technologies de pointe au
caractère stratégique.
Agefi-Dow Jones : Comment négociez-vous l'important endettement de
CGG ?
Sophie Zurquiyah : A fin 2023, l'endettement financier net devrait
ressortir à 875 millions de dollars, soit environ 2,2 fois
l'excédent brut d'exploitation. Aucun convenant (ratio
d'endettement à ne pas dépasser, ndlr) n'est attaché à cette dette
qui est entièrement à taux fixe et à échéance 2027. D'ici là, nous
allons continuer à améliorer la génération de trésorerie libre.
Nous prévoyons un cash-flow net de 30 millions de dollars en 2023
et 2024 malgré le paiement de pénalités de plusieurs dizaines de
millions de dollars liées à des engagements de location de navires
qui prendront fin cette année. Pour 2025-2026, nous visons un flux
de trésorerie entre 75 millions et 100 millions de dollars par an.
Nous n'excluons pas de procéder à des remboursements anticipés, ce
qui permettrait de réduire le coût financier qui s'élève à environ
100 millions de dollars, et commencerons à travailler sur un
refinancement d'une partie de la dette en 2025-2026.
Agefi-Dow Jones : L'émergence de l'intelligence artificielle
ouvre-t-elle de nouveaux marchés pour CGG ?
Sophie Zurquiyah : L'intelligence artificielle est déjà présente
dans de nombreux aspects de nos activités et nous avons la première
puissance informatique industrielle au monde pour la mettre en
œuvre. L'IA permet notamment d'optimiser nos algorithmes
d'imagerie, d'être plus efficace dans la récupération et l'analyse
des données de sous-sol. Nous l'intégrons aussi dans les outils que
nous proposons à nos clients. Le groupe BP nous a par exemple
demandé de les aider à rendre plus intelligibles les données brutes
dont ils disposent, c'est un projet à très large échelle que nous
sommes capables de mettre en œuvre grâce à l'intelligence
artificielle. Nous traitons en permanence de très gros volumes de
données, et l'IA aide à contrôler la qualité de ces données. Grâce
à nos nombreux profils d'ingénieurs et de physiciens, nous sommes
en mesure d'intégrer rapidement ces nouveaux outils dans nos modes
de fonctionnement.
Propos recueillis par Johann Corric et François Schott, Agefi-Dow
Jones; 01 41 27 47 92; fschott@agefi.fr ed: VLV
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January 24, 2024 04:05 ET (09:05 GMT)
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