L'investissement dans les batteries automobiles prend une virage politique -Plus Inter
27 Septembre 2021 - 12:48PM
Dow Jones News
Stephen Wilmot,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les investissements annoncés la semaine
dernière par les constructeurs automobiles dans le secteur des
batteries sont venus confirmer un recentrage géopolitique qui, s'il
n'est guère surprenant, n'est pas sans risque.
Le constructeur allemand Mercedes-Benz a annoncé vendredi qu'il
prendrait une participation de 33% dans Automotive Cells Company,
une start-up européenne de batteries créée par le groupe pétrolier
Total et le constructeur transatlantique Stellantis avec le soutien
de l'Union européenne. Total, Stellantis et Mercedes-Benz
détiendront chacun un tiers de la société, qui prévoit de consacrer
au moins 7 milliards d'euros d'ici à 2030 à la construction
d'usines européennes de production de batteries, ou "gigafactories"
pour reprendre l'expression d'Elon Musk. Mercedes-Benz a précisé
qu'il verserait moins d'un milliard d'euros au total, ce qui
signifie que le projet reposera sur une forte proportion d'emprunts
et de subventions.
L'américain Ford avait annoncé en début de semaine dernière qu'il
investirait 50 millions de dollars dans Redwood Materials, une
startup qui s'efforce de recréer aux Etats-Unis une chaîne
d'approvisionnement en batteries lithium-ion. Inventé par J.B.
Straubel, co-fondateur et ancien directeur technique de Tesla,
Redwood nourrit des ambitions qui font écho à celles du
constructeur californien. La semaine dernière, le groupe a indiqué
qu'il comptait produire suffisamment de matériaux d'électrodes de
batteries pour équiper un million de voitures électriques d'ici à
2025 et cinq millions d'ici à 2030, ce qui équivaudrait à près de
la moitié de la production américaine totale sur une année
normale.
Alliance avec des entreprises locales
Ces deux opérations sont très différentes, mais présentent un point
commun : de part et d'autre de l'Atlantique, les grandes marques
automobiles choisissent de s'allier à des entreprises locales de
batteries, qui comptent non seulement des sites de production
locaux, mais aussi des propriétaires et fondateurs locaux.
Ford avait lancé cette année une coentreprise avec le sud-coréen SK
Innovation, l'un des acteurs est-asiatiques qui dominent
actuellement le marché mondial des batteries. Jusqu'à présent, les
plus importants fournisseurs de batteries de Mercedes-Benz, dont le
premier actionnaire est le milliardaire chinois Li Shufu, étaient
tous les deux chinois : CATL et Farasis Energy, dans lequel le
constructeur allemand détient une petite participation. Les
constructeurs avaient besoin du savoir-faire et des capacités de
production bien rodés de ces partenaires.
En comparaison, Automotive Cells Company (ACC) et Redwood sont des
start-ups qui n'ont pas encore fait leurs preuves, qui portent pour
l'instant des projets peu nombreux mais ambitieux et qui disposent
de soutiens relativement puissants. Elles endossent en revanche une
encombrante dimension politique dont sont dépourvus les groupes
est-asiatiques. En Europe, ACC est le fruit d'une ambition
franco-allemande visant à créer une sorte d'Airbus des batteries,
qui constituent désormais un pilier de la nouvelle stratégie
industrielle de l'Union européenne pour concurrencer la Chine.
Des batteries américaines tributaires de la Chine
Les Etats-Unis de Joe Biden prennent la même direction. Redwood,
qui s'efforce de rapatrier l'ensemble de la chaîne logistique, joue
un rôle particulier pour Washington. Les batteries actuellement
fabriquées aux Etats-Unis dépendent lourdement pour leurs intrants
de la transformation des métaux en Chine. Tesla s'approvisionne
pour sa part en lithium auprès du chinois Ganfeng, par exemple.
Pour des groupes comme Ford et Mercedes-Benz, se mettre au diapason
avec des priorités politiques présente l'avantage de pouvoir
prétendre à des aides et subventions publiques. Le secteur
automobile ne peut espérer s'affranchir de toute dimension
politique. Il existe en revanche un inconvénient : cela les oblige
à prendre leurs distances avec des groupes est-asiatiques dotés
d'une plus grande expertise technique. Mercedes-Benz en particulier
n'a jamais misé aussi gros, en ce qui concerne les batteries, sur
une société qui n'est guère, pour l'heure, qu'une cellule de
recherche et développement. Volkswagen, avec sa participation
d'environ 20% dans le suédois Northvolt, est dans une situation
similaire.
Pour les entreprises de batteries "maison" aux Etats-Unis comme en
Europe, les enjeux se révèlent particulièrement élevés.
-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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