Julien Marion,



Agefi-Dow Jones



PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le futur "Airbus du rail" pourrait prendre un accent québécois. Alstom a annoncé lundi soir la signature avec Bombardier d'un protocole d'accord pour racheter Bombardier Transport, branche ferroviaire du groupe canadien. Le montant de l'opération sera compris entre 5,8 milliards et 6,2 milliards d'euros, en fonction des comptes de la société québécoise et de mécanismes d'ajustement à la date de réalisation de l'opération.



Le marché avait largement anticipé cette annonce et prend ses bénéfices mardi. En début d'après-midi, l'action Alstom perd 4,9% à 47,85 euros après avoir gagné 3,5% la veille et 16% depuis le 1er janvier. "C'est une belle opération mais elle comporte des inconnues et le cours devrait s'asseoir entre 44 euros et 48 euros, jusqu'à la finalisation de l'opération", prévient un analyste.



La pression de l'augmentation de capital



La prudence des actionnaires est justifiée. Pour financer l'opération, Alstom prévoit d'émettre plus de 5 milliards d'euros d'actions nouvelles. Environ 3,2 milliards d'euros seront souscrits par la Caisse de dépôt et placement du Québec et Bombardier via des augmentations de capital réservées.



Les 2 milliards d'euros restants seront directement levés sur le marché, entre le second semestre 2020 et le premier semestre 2021. Cette dernière augmentation de capital "exercera une pression sur le titre", estime Frédéric Rozier, co-responsable de la gestion de portefeuille chez Mirabaud France. JPMorgan Cazenove souligne, pour sa part, que cette levée de fonds devrait limiter le potentiel de la valeur à court terme, les investisseurs étant susceptibles d'attendre cette opération pour se positionner sur le titre avec une décote.



"Nous pensons que l'action Alstom évoluera désormais dans une fourchette limitée en raison de l'augmentation de capital et de l'incertitude due au long processus d'examen par les autorités de la concurrence", écrivent les analystes de la banque américaine qui ont abaissé leur conseil de "surpondérer" à "neutre" mardi.



L'épée de Damoclès Bruxelloise



L'opinion de la Commission européenne sur cette opération constitue une interrogation majeure, un an après son veto décrié à la fusion Alstom-Siemens Mobility. "Il n'est pas aisé de voir pourquoi la Commission européenne accepterait cette fois une opération avec Bombardier", juge Deutsche Bank. La branche ferroviaire du groupe canadien dispose d'une importante présence en Europe, avec un siège social à Berlin. D'après UBS, 63% des quelque 40.650 salariés de Bombardier Transport sont présents sur le Vieux Continent.



Le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, a fait valoir lundi que Bombardier était peu présent sur la signalisation ferroviaire, marché qui avait constitué l'une des principales sources d'inquiétude de la Commission l'an passé. Le dirigeant a également estimé que le dialogue avec Bruxelles devrait être facilité par la nature de l'opération: avec un rachat plutôt qu'une fusion, Alstom s'évite une discussion tripartite, comme cela avait été le cas avec Siemens. La concurrence accrue en Europe du mastodonte chinois CRRC, qui a décidé en août de racheter la division locomotives de l'allemand Vossloh, pourrait également jouer en faveur de la transaction.



Redresser les marges de Bombardier



Une fois l'opération finalisée, Alstom devra par ailleurs remettre d'aplomb la rentabilité de Bombardier Transport. La marge d'exploitation ajustée de Bombardier est tombée à 0,8% l'an passé, minée par des charges exceptionnelles de 350 millions d'euros. En excluant ces éléments, la marge se serait inscrite à 5,1% soit 2 point de pourcentage de moins que celle d'Alstom sur l'exercice 2018-2019.



Contrairement au groupe français qui exécute sans accroc son carnet d'ordres, Bombardier Transport a connu plusieurs incidents sur de gros contrats de matériel roulant ayant pénalisé ses marges. "Le premier risque est certainement constitué par les projets à difficultés du groupe canadien", dont 5 ont "laminé" sa rentabilité en 2019, indique Oddo BHF.



HenriPoupart-Lafarge a affirmé que son groupe aiderait Bombardier Transport à restaurer ses marges pour les porter au niveau de celles d'Alstom. "Les employés de Bombardier Transport ont beaucoup de talent et d'expertise, il s'agit juste de mettre en place les processus et mécanismes de contrôle adéquats", a assuré le PDG. Le dirigeant a néanmoins prévenu que cet objectif "prendrait du temps", citant l'exemple Alstom qui a progressivement amélioré ses marges au cours "des cinq-six dernières années".



Le rapprochement entre Alstom et Bombardier Transport dispose de nombreux atouts, parmi lesquels de fortes complémentarités géographiques et un effet de taille désormais indispensable. Mais après le bon parcours boursier du groupe français, une période d'incertitude s'ouvre et justifie une certaine prudence des actionnaires. Si la stratégie d'Alstom passe à la vitesse supérieure avec cette opération, l'action de l'équipementier ferroviaire risque, elle, de faire du surplace au cours des prochains mois.



-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH



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February 18, 2020 09:38 ET (14:38 GMT)




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