Le cognac, victime collatérale de la bataille des véhicules électriques - Plus Inter
08 Janvier 2024 - 9:05AM
Dow Jones News
Stephen Wilmot,
Agefi-Dow Jones
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Les constructeurs automobiles Volkswagen
et Stellantis pourraient pâtir davantage de l'enquête chinoise sur
les spiritueux européens que Rémy Cointreau et Pernod Ricard.
Pékin a annoncé vendredi l'ouverture d'une enquête antidumping sur
le cognac importé de l'Union européenne, à la demande de
producteurs chinois. L'idée que la France vende du cognac à prix
cassés à la Chine peut sembler risible, mais cela n'a pas empêché
les investisseurs de fuir les valeurs du secteur. Rémy Cointreau,
le producteur du cognac Rémy Martin, a vu son titre chuter de 12%
vendredi tandis que Pernod Ricard, qui détient notamment la marque
Martell, s'est replié de 3,6%.
Dans le jargon commercial, le dumping désigne le fait de vendre un
produit à l'étranger à un prix inférieur à sa juste valeur, ce qui
se produit généralement lorsqu'un pays dispose d'une capacité de
production excédentaire. Cela ne décrit en rien le marché du
cognac, où les prix sont élevés et la production limitée par la
durée de vieillissement des eaux-de-vie et par une zone de
production définie autour de la ville de Cognac.
Si la décision des autorités chinoises semble absurde d'un point de
vue économique, la logique politique, elle, est claire. En octobre,
l'Union européenne a lancé, sous la pression du gouvernement
français, une enquête sur les subventions accordées aux
constructeurs de véhicules électriques chinois. Paris a lui-même
fait l'objet d'un lobbying intensif de la part des constructeurs
automobiles français, en particulier Stellantis, qui possède les
marques Peugeot, Citroën, Fiat ou encore Chrysler. Bien qu'il ait
tout autant à perdre d'un afflux de véhicules électriques chinois
en Europe, Volkswagen s'est montré moins virulent car il doit par
ailleurs défendre sa part de marché en Chine.
Cela explique pourquoi les représailles de Pékin se concentrent sur
un produit français, le cognac, qui est devenu un produit de luxe
en Chine. Le pays représente à lui seul environ 30% du bénéfice
d'exploitation de Rémy Cointreau et 9% de celui de Pernod Ricard,
selon Citi.
La plus grande marque de cognac, Hennessy, est quant à elle détenue
conjointement par le géant du luxe LVMH et le groupe britannique de
spiritueux Diageo. Les actions des deux groupes ont baissé de 1,3%
et 1,6%, respectivement, vendredi.
Un précédent en 2013
Les chances que l'enquête chinoise débouche sur des mesures
réellement pénalisantes pour ces entreprises semblent minces. Outre
la difficulté de plaider une affaire de dumping, un précédent
permet d'étayer cette affirmation. En 2013, la Chine avait ouvert
une enquête sur les importations de vin européen, quelques semaines
après que l'UE eut imposé des droits de douane sur les panneaux
solaires chinois. L'enquête avait finalement été abandonnée,
Bruxelles ayant assoupli ses mesures protectionnistes. En fin de
compte, les viticulteurs européens s'en sont bien sortis, mais on
ne peut pas en dire autant des fabricants de panneaux solaires.
L'histoire pourrait se répéter, même si les enjeux ne sont pas les
mêmes : l'industrie automobile européenne est bien plus importante
que ne l'a jamais été le secteur des panneaux solaires. Néanmoins,
les représailles de Pékin sur le cognac rappellent que la réussite
de l'Europe en matière d'exportation la met en position de
faiblesse pour mener une guerre commerciale. Il existe bien
d'autres industries européennes auxquelles la Chine pourrait
s'attaquer si elle avait besoin de faire monter les enchères.
Une issue négociée semble plus probable et les déboires boursiers
de Rémy Cointreau et de Pernod Ricard seront probablement jugés
excessifs. Les investisseurs devraient plutôt s'inquiéter pour les
marques automobiles grand public, qui sont dans la ligne de mire
des fabricants chinois de véhicules électriques parmi lesquels BYD.
Plutôt que chercher à exclure ces nouveaux acteurs de leur pré
carré, Volkswagen, Stellantis et Renault devront apprendre à les
concurrencer.
-Stephen Wilmot, The Wall Street Journal
(Version française François Schott) ed: VLV
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