John Jannarone,



THE WALL STREET JOURNAL



L'addiction des groupes pharmaceutiques aux acquisitions refait surface. Alors que Pfizer a déjà déboursé 61 milliards de dollars pour Wyeth et que Roche tente de racheter Genentech pour 47 milliards de dollars, Merck vient de lancer une offre de 41,1 milliards de dollars pour s'emparer de son concurrent Schering-Plough.



Sur le papier, l'argumentaire semble relativement simple. Merck, dont le portefeuille de produits en développement est en train de se vider, prend ainsi le contrôle d'une activité cardiovasculaire très convoitée et met la main sur quelques médicaments en développement ainsi que sur l'anti-inflammatoire à succès de Schering, le Remicade.



Dans quelques années, les économies de coûts attendues devraient à elles seules justifier la prime de 34%, soit 9,8 milliards de dollars, offerte par Merck sur le cours actuel de Schering. Le groupe s'attend à des économies annuelles de 3,5 milliards de dollars à partir de 2011. En taxant ce montant à 30%, et en lui appliquant un multiple de 10 fois, cela donnerait une création de valeur de 25 milliards de dollars, soit largement plus que la prime payée.



Mais le Remicade vient compliquer l'équation.



Le médicament dégage un chiffre d'affaires de 2,1 milliards de dollars par an. Ces ventes proviennent d'un partenariat avec Johnson & Johnson, qui possède les droits sur le sol américain, alors que Schering gère les ventes dans le reste du monde. Le problème est qu'une clause prévoit que les droits internationaux deviendront la propriété de J&J en cas de changement de contrôle chez Schering.



En estimant les droits internationaux du Remicade entre trois et cinq fois le chiffre d'affaires, la note pourrait s'élever à 10 milliards de dollars. En retranchant ce montant de la valeur créee avec Schering, la transaction proposée par Merck devient ainsi beaucoup moins attrayante.



Pour éviter de violer la lettre de l'accord qui les lie, Merck a monté son opération comme une "fusion à l'envers". Schering serait en fait l'entité qui survivrait à la fusion mais changerait son nom en Merck et serait détenue à 68% par les actionnaires actuels de Merck. Elle serait dirigée également par le président de Merck, Richard Clark.



Ce montage peu convaincant incitera probablement J&J à vouloir démontrer que l'opération est en fait bien un rachat de Schering par Merck. Ces incertitudes, associés aux risques d'exécution et au fait que ce type de fusions géantes échouent souvent à résoudre les problèmes de croissance à long terme, ont provoqué une chute de 7,6% lundi.



J&J pourrait engager des actions judiciaires ou essayer d'obliger Merck à lui payer une compensation en numéraire pour les droits internationaux du Remicade. Il pourrait également être plus agressif et lancer une contre-offre, même si cela semble peu probable en raison de son exposition aux produits de consommation courante comme les crèmes solaires Coppertone ou les produits podologiques Dr. Scholl. J&J possède déjà beaucoup de produits de soins non pharmaceutiques.



Pour ajouter à leur inquiétude, les actionnaires de Merck pourront constater que l'action Pfizer reste enlisée depuis que le groupe a fait une offre sur Wyeth. On peut certes arguer du fait que cette chute a été provoquée par la réduction annoncée du dividende. Merck a certes exclu de faire de même. Mais les investisseurs risquent de souffrir encore beaucoup si Merck perd la bataille du Remicade.



- John Jannarone, The Wall Street Journal