Derrière la vitrine LVMH, tout le secteur du luxe ne brille pas - DJ Plus
13 Avril 2018 - 3:48PM
Dow Jones News
François Schott,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'insolente croissance de LVMH (MC.FR) au
premier trimestre traduit certes une conjoncture porteuse pour le
marché du luxe mais n'est pas égalable par l'ensemble des acteurs
du secteur, dont certains ont plus de mal à capter la demande
changeante des jeunes générations et les flux touristiques.
En dépit d'une base de comparaison élevée et d'effets de change
assez négatifs, les ventes du groupe de Bernard Arnault ont
augmenté de 10% au premier trimestre sur un an, à 10,85 milliards
d'euros. Une performance qualifiée d'"exceptionnelle" par les
analystes de Berenberg, après une année 2017 tout aussi
étincelante. Ces chiffres confirment que les tendances
sous-jacentes du marché restent robustes, ajoutent-ils.
Alimentée par la reprise économique mondiale, la hausse des marchés
financiers et le retour des flux touristiques en Europe après un
creux lié aux attentats, la demande mondiale de luxe est bien
installée. Dans certains catégories de produits, tels le cognac ou
la maroquinerie, l'offre peine à suivre. LVMH avait ainsi mis en
réserve une partie de sa production de sacs Vuitton fin 2017 en
prévision d'un pic d'achats lors du Nouvel An chinois, et prévoit
d'ouvrir de nouveaux ateliers en France au cours des prochains mois
afin de satisfaire "une demande croissante", selon son directeur
financier.
Un secteur à deux vitesses
"Le cycle est clairement reparti depuis deux ans, avec une
croissance synchrone sur les principaux marchés du luxe que sont la
Chine, les Etats-Unis, l'Europe de l'Ouest et le Japon", commente
Thomas Chauvet, directeur de la recherche actions sur le secteur du
luxe chez Citi. "Cependant tout le monde n'en profite pas de la
même façon. Il y a une forte polarisation entre les marques qui ont
su faire ce qu'il fallait pour capter cette croissance, et les
autres", ajoute-t-il.
Parmi les "gagnants" de cette polarisation, il cite Louis Vuitton,
Dior, Gucci ou encore Saint Laurent. Des griffes parmi les plus
anciennes mais qui ont su se renouveler en faisant appel aux bons
designers, et en investissant massivement dans de nouveaux canaux
de distribution et de communication. Gucci (groupe Kering) affirme
ainsi réaliser 50% de ses ventes auprès des trentenaires à fort
pouvoir d'achat, qui ne représentent habituellement pas plus de 30%
des ventes de luxe. "L'industrie a compris depuis quelques années
que les 'Millennials' étaient un réservoir de croissance très
important. Aujourd'hui un groupe comme LVMH investit beaucoup en
marketing et en logistique pour attirer cette clientèle, via
internet et les réseaux sociaux. Le groupe crée des barrières à
l'entrée par les investissements croissants, qui sont nécessaires.
Les plus petites marques ont du mal à concilier ce type
d'investissements avec une capacité à attirer des designers",
souligne Anne Le Borgne, gérante du fonds Amundi Funds CPR Global
Lifestyles.
Enregistrant des taux de croissance à deux chiffres sur un marché
en hausse de 6% en 2017, les "stars" Louis Vuitton et Gucci ont
éclipsé les marques de taille moyenne, et les maisons indépendantes
telles que Tod's (TOD.MI), Ferragamo (SFER.IT) ou encore Prada
(1913.HL). Ces dernières tentent aujourd'hui de rattraper leur
retard, mais leurs investissements pèsent sur leur rentabilité. A
l'inverse, on peut s'attendre à une nouvelle amélioration de la
rentabilité de Kering et de LVMH cette année, selon Anne Le Borgne.
"La croissance du chiffre d'affaires permet d'absorber les coûts
fixes et aura un impact très positif sur les marges",
indique-t-elle.
Retour sur terre à prévoir pour LV et Gucci
Deux éléments pourraient cependant freiner les valeurs françaises
en bourse. Le premier est lié à la forte hausse des titres depuis
un an : +75% pour Kering, +34% pour LVMH, ce dernier atteignant son
plus haut niveau historique. Leur valorisation est également au
plus haut : à 24 fois les bénéfices attendus pour 2018 contre une
moyenne historique de 17-18 fois, "le potentiel de revalorisation
est logiquement plus limité", admet Anne Le Borgne. Quant à Hermès,
dont le titre se traite à 44 fois les bénéfices attendus, il reste
un cas à part dans le secteur, à l'image de Ferrari dans
l'automobile.
L'autre élément de prudence, s'agissant de LVMH et Kering, tient au
fait que leurs marques phares sont de très gros contributeurs aux
profits des deux groupes (50% pour Vuitton ; 75% pour Gucci).
"Louis Vuitton et Gucci continuent d'enregistrer des taux de
croissance bien supérieurs à ceux de l'industrie. Néanmoins, compte
tenu de leur taille et d'un certain degré de maturité, leur
croissance va se normaliser", prévient Thomas Chauvet. Le consensus
des analystes table sur un ralentissement de la croissance de Gucci
à 15% en 2018, contre 45% en 2017.
Même s'ils sont bien partis pour dépasser encore une fois leurs
concurrents en 2018, LVMH et Kering devront veiller à investir dans
leur portefeuille de marques, afin de trouver de nouveaux relais de
croissance pour les prochaines années. Car même les plus belles
enseignes ne sont pas à l'abri d'un changement de mode.
-François Schott, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 92;
fschott@agefi.fr ed: ECH
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April 13, 2018 09:28 ET (13:28 GMT)
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